Une nouvelle entreprise pour relever le défi !
En septembre, l’Atelier pierre et sculpture a repris l’activité arrêtée pendant de longs mois. Sa première tâche : faire oublier l’échec de la première tentative en misant notamment sur le libre choix de la qualité de pierre et le savoir-faire des professionnels.
Qui fait quoi. Aujourd’hui, l’Intercommunalité est toujours propriétaire des bâtiments (la communauté de communes Sud-Avesnois, résultat de la fusion de la CC Guide du Pays de Trélon et de la CC Action Fourmies et environs) et le parc de machines est toujours là. Par contre, la nouvelle SAS, repreneuse des machines et du projet, a entrepris de repartir sur des bases économiques différentes.
Pour l’instant, ils sont deux salariés. D’abord, Guy Harbonnier, artisan tailleur et sculpteur de pierre. Il a quitté le centre artisanal du village où il a travaillé onze ans en tant qu’indépendant. Ensuite, Pierre Leleux, qui a connu l’entreprise précédente. Il s’occupe des différentes machines, dont certaines à commande numérique. Cette SAS est présidée par Michel Lecat, entrepreneur de Feignies, à la tête de plusieurs entreprises. La présidence de la SAS précédente avait été assurée par Robert Lorban, un nom connu du BTP. Le chef d’entreprise septuagénaire est toujours là, mais en tant que premier actionnaire.
Un coup de pouce. Guy Harbonnier tient à lui rendre hommage. «Il a fait appel à moi parce qu’il a estimé que j’étais compétent et que mes critiques du précédent projet n’avaient pas été écoutées. J’ai un franc-parler, c’est vrai. Robert Lorban n’a pas voulu rester sur un échec et il a décidé de racheter les machines à la liquidation et de pratiquement jouer les mécènes. Si le projet a repris ici, c’est grâce à lui.»
Robert Lorban confirme qu’il a donné le coup de pouce : «Avant les machines appartenaient à… la banque. Maintenant, elles appartiennent à la SAS, ça lui fait moins de charges. Et sur place, il y a les compétences qu’il aurait fallu dès le départ.»
Qualité de la pierre et savoir-faire avant tout. Sur place, on découvre que l’entreprise d’extraction (la CCM) a gagné du terrain et que son projet d’extension (un doublement de sa surface) a fait d’elle la voisine immédiate de l’Atelier pierre et sculpture. Rappelons que l’entreprise a obtenu tous les feux verts à l’extension de la carrière et que la route vers Chimay a été détournée afin de permettre l’opération.
Guy Harbonnier rappelle que dans le précédent projet, l’atelier achetait la pierre bleue à la CCM. Il précise que maintenant, c’est lui qui choisira la pierre en fonction de la qualité et de l’usage souhaités. Elle pourra venir de la CCM, mais aussi de Soignies (Belgique), du Bavaisis, de Givet (Ardennes). Le principal enjeu, pour lui, c’est de démontrer aux acteurs économiques et politiques que la pierre bleue issue du sous-sol franco-belge est d’une meilleure qualité et durabilité que la pierre venue de Chine. Autre préoccupation : faire en sorte que les pierres façonnées dans l’atelier soient mises en œuvre dans les règles de l’art, autre condition à la qualité des réalisations.
Il reconnaît au passage que l’extension de la carrière offre l’opportunité de découvrir des «pierres vierges de tout dynamitage». Il croit aussi au travail coordonné entre une entreprise du TP (comme Lorban) et un artisan tailleur de pierre.
Quels chantiers ? Guy Harbonnier estime que l’atelier peut tout faire : décoration intérieure et extérieure, bâtiment, mobilier urbain, bordures et pavages, sculpture ornementale, funéraire… Les clients pourront être locaux, publics ou privés, mais sans frontières. Il va s’efforcer de rencontrer des architectes et de viser ce haut de gamme qui a déjà permis de faire perdurer des activités traditionnelles à haute valeur ajoutée (dentelle et broderie, linge de maison, flaconnage..)
Pourquoi un premier fiasco ?
L’atelier de débitage et de façonnage de la pierre bleue, route de Chimay, à Wallers-en-Fagne, a donc été relancé après plusieurs mois d’arrêt et la liquidation de la précédente société, la SAS La Pierre des Fagnes (immatriculée en novembre 2009). Qu’est-ce qui n’avait pas marché ? Quelques rappels.
Lors de l’inauguration du bâtiment, le 16 octobre 2010, les discours politiques avaient une nouvelle fois décrit cette belle intention de relancer une filière locale de la pierre bleue, en profitant d’un train de subventions publiques (80%) lié à un pôle d’excellence rurale accordé par l’État. L’intercommunalité de l’époque, porteuse de ce projet, l’a mise en œuvre.
Sur le papier, l’idée avait de quoi séduire. Le village a en effet été construit, historiquement, avec les matériaux provenant du sous-sol, un gisement qu’exploite aujourd’hui la CCM qui produit du granulat destiné à l’industrie du BTP. Guy Harbonnier note au passage qu’après la Deuxième Guerre mondiale, parce que l’heure était à la reconstruction, le choix du granulat a été fait, ici, alors qu’en Belgique, l’activité de taille de la pierre dite «ornementale» n’avait pas été abandonnée. «Les Carrières du Hainaut, à Soignies, dit-il, sont aujourd’hui les plus importantes d’Europe.»
L’idée s’appuyait aussi sur l’existence, depuis plusieurs années, du centre artisanal de Wallers-en-Fagne et d’une dynamique locale incarnée par son maire, Bernard Navarre. Ses tailleurs de pierre démontrant, depuis de longues années, qu’il y avait un marché (mobilier urbain, mobilier d’intérieur, restauration du patrimoine, art et ornement). À ce centre artisanal, s’ajoutait la présence d’autres acteurs économiques (du BTP, de l’extraction, de la maçonnerie…)
Alors, où est le problème ? L’effet d’aubaine des subventions et le «rêve politique» qu’elles ont engendré ont débouché sur des errements étranges : lors de l’inauguration, la réflexion commerciale était apparue bien faible (même s’il y a eu des réalisations) ; des acteurs compétents de la pierre bleue n’ont pas été consultés ou écoutés ; le bâtiment, pas terminé, s’est révélé assez peu fonctionnel (le pont roulant était trop court au départ !). Résultat : un beau gâchis, des défauts à corriger et une contre-publicité pour les acteurs privés de la filière…
La nouvelle SAS a, du coup, un bien plus gros défi à relever qu’au départ du projet.