Une nouvelle bannière pour former de nouveaux profils d’ingénieurs
Fortes de leurs expertises propres, trois grandes écoles lilloises ont décidé de les additionner et de les regrouper pour former le groupe HEI ISA ISEN avec la volonté de préparer un nouveau profil d’ ”ingénieur global” ou “agile”, en réponse aux besoins et aux exigences des entreprises en matière d’innovation.
“Que ce soit pour les petites et les grandes entreprises, l’innovation est véritablement au coeur de leur stratégie de développement et même de survie. Sans innovation, point de business. C’est par la création que se crée la valeur. Cette innovation se caractérise surtout en étant à la croisée des techniques et, au-delà, par le souci de l’usage.” D’entrée de jeu François Dumoulin, directeur général de l’ISEN, a expliqué le pourquoi de l’alliance entre les trois grandes écoles lilloises que sont HEI, ISA et ISEN, scellée le 12 juillet par les assemblées générales extraordinaires de ces trois établissements de formation. Et de l’illustrer par deux exemples, le premier pris dans l’industrie automobile qui se caractérise par une multitechnicité associant la mécanique, l’usage d’origine, aux automatismes et à l’informatique embarquée ; le second avec l’iPhone qui, sans être une technologie plus aboutie que d’autres, est le fruit de “la capacité de regrouper des technologies existantes au services des usages en un seul et même endroit”.
Parmi les plus grands. “C’est parce que les entreprises sont en quête de solutions pour ces innovations, pour ces besoins de compétences et de profils d’ingénieurs, que décision a été prise de s’associer.” Réunis symboliquement dans les locaux du centre de codesign, les directeurs d’HEI, d’ISA et d’ISEN ont officialisé le 12 juillet le lancement du groupe HEI, ISA et ISEN sous la forme d’une association unique à établissements autonomes. “Le résultat, c’est la constitution d’un des premiers pôles associatifs privés dans la formation d’ingénieurs et de cadres en Europe avec 4 000 étudiants et apprentis, 25 000 diplômés, 3 diplômes d’ingénieurs, environ 400 salariés, 23 laboratoires de recherche dont 4 associés au CNRS, 280 partenaires à l’international et un budget consolidé de 45 M€. Nous constituons désormais une taille intéressante par rapport à l’environnement de l’enseignement supérieur, mais aussi et surtout par rapport aux besoins du monde économique”, a insisté Jean-Marc Idoux, jusqu’alors directeur d’HEI et nouveau directeur général du groupe HEI-ISAISEN.
En termes de gouvernance, le groupe aura son propre conseil constitué de représentants de chaque entité et présidé par Marc Roquette, ancien EDHEC et chef d’entreprise reconnu. Au niveau opérationnel, le comité exécutif comprendra, outre Jean- Marc Idoux au poste de directeur général, deux directeurs généraux délégués, Pascal Codron, jusqu’alors directeur général du groupe ISA, et François Dumoulin, ainsi que les trois directeurs d’établissement, Jean-François Lécrigny en tant que directeur d’HEI, Andréas Kaiser pour ISEN Lille, et Christophe Fachon pour ISA.
L’atout de la transdisciplinarité. Loin d’une course à la taille, les acteurs du nouveau groupe mettent en exergue leur motivation “au service de l’entreprise par le management de l’innovation dans l’anticipation de ses besoins”. Si “les écoles continueront d’exister, de se développer et de porter haut leurs activités, leurs formations, leurs marques”, le nouveau groupe entend bien être le moteur de projets collectifs, à commencer par “la formation de nouveaux profils d’ingénieurs au croisement des disciplines”. En la matière, le groupe ne part pas du néant, ce qu’a illustré Pascal Dumoulin en s’appuyant sur la collaboration entre le laboratoire d’acoustique de l’ISEN avec les paysagistes de l’ISA pour déterminer si un mur d’arbres peut par réfraction agir comme un mur de poteaux anti-bruits, sur le travail mené par des étudiants d’écoles différentes pour trouver un devenir à la chapelure de pain et qui, audelà des 250 produits imaginés, a abouti à un projet d’allume-feu, et sur l’attractivité à l’international qui passe par la mobilité des étudiants et par l’accueil d’étudiants étrangers. “Ce que nous voulons faire, c’est mettre des élèves ingénieurs de culture différente sur des projets d’entreprise pour créer de nouveaux produits. Avoir un groupe transdisciplinaire, pluridisciplinaire sera plus attractif que d’être isolé les uns des autres et nous renforcera”, a détaillé Pascal Dumoulin, appuyé par ses deux collègues. “Nous ne sommes pas dans une logique d’effet d’annonce, nous sommes déjà dans l’action”, a insisté Jean-Marc Idoux, en revenant sur les Adicode, ateliers de l’innovation et du co-design, ambitieux dispositif d’accélérateur d’innovation et de formation démarré il y a quatre ans et qui a été récompensé par un financement de 5 M€ obtenu dans le cadre des appels à projets Idefi (Investissements d’avenir dans les formations innovantes). “Nous avons déjà traité des dizaines de cas du type de la chapelure.”
Ouverture à des possibles différents. Cette volonté de développer de nouvelles activités se traduira par la création de nouvelles formations qui auront elles aussi pour socle la transdisciplinarité. “Au cours de leur formation, et plutôt en fin de cursus, nos étudiants seront habitués à être avec d’autres ingénieurs d’autres formations et cultures, ce qu’ils rencontreront dans l’entreprise. Casser les cloisonnements est pour nous source de projets pour l’entreprise. Les entreprises nous le demandent, nous devons préparer nos étudiants à sortir de la verticalité et travailler en transdisciplinarité. Notre finalité, c’est d’ouvrir à des possibles différents en fonction des projets professionnels des étudiants et des besoins des entreprises, de former des ingénieurs agiles, des ingénieurs globaux… Ce que demandent les entreprises, c’est cette capacité d’appréhender par les usages, par l’environnement, et pas seulement par la technologie. C’est cela qui est au coeur du projet pédagogique du groupe.” C’est ainsi que de nouveaux masters sont en préparation – dont celui d’un master international HTID (High Technologies & Innovation Design) sur le management de l’innovation qui devrait aboutir à la rentrée 2013 –, que sera lancée dès septembre une thématique transdisciplinaire de recherche sur la chimie verte, et que se poursuivront les Adicode avec l’objectif d’accompagner 110 projets d’innovation par an. “Le monde change, il faut réinventer l’économie et, pour être des acteurs du développement économique, nous sommes nous-mêmes dans l’anticipation des besoins.” Cette approche est-elle ellemême innovante ? “On est très peu au niveau planétaire à oser décloisonner, répond Jean-Marc Idoux à l’issue d’un benchmarking international. Seules quelques grandes universités, comme Stanford qui porte un projet ‘Cars’ pour General Motors, s’y sont engagées. On est précurseurs sur cette approche pédagogique innovante.” Une innovation à coup sûr pas loin d’une révolution !