Une initiative originale et porteuse
“Le privé doit prendre le relais du public”, tel est le credo de Bernard Gorisse, gérant de P deux A, une pépinière d’entrepreneurs de statut privé. Rompu à la complexité de la création d’entreprise et passionné par ce challenge, ce dirigeant loue des locaux mixtes à 15 jeunes sociétés. Acceptés après une étude de leur dossier, les créateurs bénéficient d’un hébergement modulable pour une durée déterminée. Ils sont également soutenus.
6000 m2 modulables. A la lisière de Bondues et de Tourcoing, dans la ZA de Ravennes-les-Francs, P deux A – Pépinière de deuxième âge, c’est-à-dire de la génération qui suit juste la création d’entreprise ou la couveuse/ruche d’entreprises – accueille 15 sociétés créées depuis moins de cinq ans. Bernard Gorisse procède à la visite des 10 000 m2 de locaux d’activité dont 6 000 sont déjà occupés. Les 4 000 m2 restants le seront dans une prochaine phase. Car, “alors que tous mes exercices sont positifs, les banques restent toujours frileuses. Elles méconnaissent les atouts de mon activité. Je pense être le seul, sur la région à mettre en place une pépinière privée. J’ai confiance, j’ai des demandes…” Au gré de la visite, certains occupants ouvrent leur porte. Thierry Hemeindan, gérant de Katana, société de vente de tee-shirts spécialisés dans les mangas, commente : “Je suis ici depuis que cette pépinière a été créée. J’avais du mal à trouver un local avec un bureau et un espace de stockage. Ma société s’est développée et des mètres carrés supplémentaires ont pu m’être concédés, progressivement. Je n’ai pas craint d’alourdir mes charges par cette location car je suis resté libre de dénoncer le bail, en respectant un délai de deux mois. J’ai pu en profiter pour m’attaquer à mon coeur de métier. C’est vraiment une belle opportunité !” Cette gestion est probante car Katana vient de quitter les lieux pour acheter son propre local à Haubourdin. “C’est vers cet objectif que tend P deux A : rendre les créateurs suffisamment forts et autonomes pour que, par la suite, ils acquièrent leur propre local et volent de leurs propres ailes. Les locaux sont loués pour une durée maximale de quatre ans, le temps de se lancer”, ajoute Bernard Gorisse. Plus loin, Didier Schmidt, gérant de Médiane, société de marketing, ajoute : “J’utilise des supports de grande dimension et je peux stocker facilement le matériel. J’apprécie de pouvoir revenir dans mon bureau à des heures tardives, en toute liberté. Cette nuit, je suis rentré à 2h du matin et j’ai pu décharger mon matériel en toute sécurité. De plus, alors que les sociétés de communication ont toutes subi la crise économique il y a un an, j’ai pu réduire mes surfaces etcette économie m’a permis de passer un cap difficile. Ailleurs, j’aurais dû affronter un grave problème de trésorerie qui m’aurait sans doute obligé à arrêter mon activité qui est redevenue rentable.” Ces deux témoignages résument les qualités de P deux A : une certaine flexibilité, un bail précaire qui peut être dénoncé facilement, la possibilité de trouver à la fois des bureaux et des surfaces de stockage, tellement rares sur la métropole lilloise, des espaces sécurisés et la proximité des autoroutes. Il faut ajouter à ces avantages une propreté exemplaire, le respect du voisinage professionnel, la mixité des activités ce qui contribue à instaurer une ambiance amicale et à apporter un remède contre la solitude, ce mal du jeune créateur. Les espaces sont remis à neuf dès le départ des occupants et des cloisons modulables contribuent à une adaptation progressive. Enfin, il convient de souligner surtout l’encadrement attentif, bienveillant et discret de Bernard Gorisse qui, par sa personnalité, transforme ce lieu en laboratoire de talents. Des talents qui, sans doute, ailleurs et sans cette aide n’auraient pu être décelés et développés.
Un laboratoire de compétences régionales. Car ces 10 000 m2 auraient pu être loués sans problème à diverses PME, toujours en recherche de surfaces proches des autoroutes. Bernard Gorisse en a décidé autrement. Ceci tient à son parcours et est lié à ses convictions. Il fait partie depuis toujours du cercle du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants). Il a pu en bénéficier en qualité de créateur puis il a continué en qualité d’accompagnateur. Cet ingénieur HEI a d’abord travaillé comme chef de projet dans une usine d’équipement automobile, de 1983 à 1995. En 1993, un MBA européen suivi auprès de IEFSI de Lille, 3e cycle Edhec, l’amène à prendre de la hauteur et à se lancer en 1995 dans un challenge de taille : la reprise, en qualité de gérant, de Manubob industrie, concepteur et fabricant de conteneurs spécifiques. L’entreprise, alors en difficulté, est redressée et est ensuite revendue à un groupe régional. Dès lors, les locaux d’activité sont libérés fin 2006, date à laquelle est créée la pépinière P deux A. Bernard Gorisse est suff isamment sensibilisé à la problématique d’hébergement des jeunes entreprises pour ne pas songer à créer un nouveau concept. “Cette charge fixe paralyse les jeunes activités qui peuvent mal cerner leurs besoins en surface. Mon but est de leur permettre de se développer en toute quiétude.” Mais ne vient pas qui veut. Les demandes sont filtrées. Le candidat présente un dossier et expose son projet. Parmi les critères retenus, une certaine éthique, la fiabilité du projet et la capacité d’intégration avec les autres occupants qui composent une sorte de grande famille. Si chacun est accaparé par ses propres occupations, il reste important de faire régner une certaine harmonie, des synergies. Aucun règlement n’est imposé. Seul le bon sens et la confiance font office de régulateurs. Chaque société présente son évolution une fois par an mais Bernard Gorisse n’attend pas ce rendez-vous pour faire le point. Chaque jour, il a l’occasion de saluer les uns et les autres. Dès qu’un problème apparaît, il mobilise ses forces ainsi que celles du CJD, soutien moral. Les locataires peuvent travailler en toute sérénité, se consacrer à leur métier. Déjà quelques entreprises ont pu prendre leur envol après un passage stratégique dans cette pépinière. C’est bien ce qui stimule Bernard Gorisse qui aimerait voir son expérience dupliquée. A la clé, ce sont des nouvelles entreprises qui nourriront l’économie régionale. Bernard Gorisse sait que les finances publiques ont leurs limites. “Si le public lance, le privé doit prendre le relais.” Il n’y a pas de concurrence mais bien une complémentarité, une suite logique. Une expérience positive au service d’un projet économique dynamique.