Une foule immense rassemblée à Paris contre l'antisémitisme

Des dizaines de milliers de personnes défilaient dimanche à Paris pour la "grande marche civique" contre l'antisémitisme, selon des journalistes de l'AFP, en présence d'une bonne partie de la classe politique française dont l'extrême droite, mais sans le...

Mobilisation contre l'antisémitisme, à Nice, le 12 novembre 2023 © Valery HACHE
Mobilisation contre l'antisémitisme, à Nice, le 12 novembre 2023 © Valery HACHE

Des dizaines de milliers de personnes défilaient dimanche à Paris pour la "grande marche civique" contre l'antisémitisme, selon des journalistes de l'AFP, en présence d'une bonne partie de la classe politique française dont l'extrême droite, mais sans le chef de l'Etat ni l'opposition de gauche radicale.

"Pour la République, contre l'antisémitisme": derrière une banderole reprenant le mot d'ordre de cette manifestation, la tête du cortège s'est élancée depuis le parvis de l'Assemblée nationale avant de faire un premier arrêt pour entonner une Marseillaise tandis que certains sortaient à leurs fenêtres pour applaudir.

L'esplanade des Invalides, point de départ de la marche, était noire d'une foule compacte, selon des journalistes de l'AFP, tandis que les stations de métro et les rues adjacentes étaient engorgées, témoignant d'une très forte affluence. Beaucoup de manifestants portaient de petits drapeaux tricolores.

Un carré de personnalités politiques, au premier rang desquelles les deux têtes du Parlement, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, à l'initiative de cette marche, ainsi que la Première ministre Elisabeth Borne, les ex-présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, et le président du Crif Yonathan Arfi.

"Je ne pensais pas devoir manifester un jour contre l'antisémitisme", a témoigne auprès de l'AFP Johanna, 46 ans, secrétaire médicale en Seine-Saint-Denis, venue "pour la seule raison de ne pas avoir peur d'être juif". La France compte la communauté juive la plus importante d'Europe, avec plus de 500.000 personnes.

Plus tôt dans la journée, d'autres rassemblements ont réuni 3.000 personnes à Lyon, autant à Nice, également quelques milliers à Strasbourg.

"Notre ordre du jour, c'est la République", a résumé M. Larcher, appelant sur Public Sénat à un "sursaut citoyen" face à l'explosion du nombre d'actes hostiles aux juifs depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et la riposte militaire massive qui a suivi.

"Je suis juif et j'ai pas envie de me cacher pour pouvoir vivre tranquillement", témoigne Lucas, 17 ans, lycéen en banlieue parisienne. 

C'est une cause pour laquelle "tout le monde devrait se sentir concerné", a jugé sur Radio J le grand rabbin de France Haïm Korsia, regrettant que le sujet ait tourné au pugilat politique, "une honte" selon lui.

"Les postures n'ont pas leur place" dans cette manifestation, a mis en garde Elisabeth Borne dans un tweet dimanche matin, ciblant à la fois la gauche radicale de La France insoumise dont "l'absence parle d'elle-même", et l'extrême droite du Rassemblement national dont "la présence ne trompe personne".

Tensions

"Nous sommes exactement là où nous devons être", a rétorqué Marine Le Pen quelques heures plus tard depuis les Invalides, fustigeant la "petite politique politicienne" de ses détracteurs qui soulignent depuis plusieurs jours le passé antisémite de son parti.

Mais pour ses électeurs comme Christine, retraitée de 71 ans rencontrée dans la manifestation, "on est en train de faire passer le RN pour un parti anti-juif à cause des mots maladroits" de son fondateur Jean-Marie Le Pen qui "n'est pas antisémite".

La présence de l'extrême droite était cependant source de quelques tensions dans le défilé. Un groupe de militants de l'organisation juive de gauche Golem a ainsi brièvement essayé de s'opposer à sa participation au début de la manifestation, avant d'être contenu par la police.

Les partis de gauche Europe Ecologie-Les Verts, PS et PCF ainsi que des associations de défense des droits humains ont eux choisi de s'afficher derrière une banderole commune "contre l'antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme" dans une démarche de "cordon républicain" face à l'extrême-droite.

"J'ai hésité a venir manifester derrière des drapeaux français et des politiques de droite mais l'importance de lutter contre l'antisémitisme l'a emporté", dit à l'AFP Nathalie Cassard, 53 ans, parisienne, lectrice documentaliste et électrice de gauche. "On ne peut pas nier qu'on connaît des voisins juifs qui ont peur".

Macron absent

Emmanuel Macron, lui, a décidé de ne pas défiler. Le président de la République s'est adressé aux Français samedi soir, par le biais d'une lettre publiée par le journal Le Parisien. Il y a déploré "l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé".

"Une France où nos concitoyens juifs ont peur n'est pas la France", a-t-il écrit, en lançant un appel à l'unité de la France "derrière ses valeurs, son universalisme".

Mais la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon manquait à l'appel. Le parti de gauche radicale, accusé d'ambivalences sur l'antisémitisme, boycottait la manifestation du fait de la présence du RN, même si des Insoumis ont participé à d'autres rassemblements en province.

Signe d'une fracture grandissante, le dépôt de gerbe organisé par LFI en fin de matinée près de l'emplacement de l'ancien Vel d'Hiv a été perturbé par un groupe de contre-manifestants arborant des pancartes "Touche pas à la mémoire", aux cris de "collabos".

Les responsables musulmans étaient par ailleurs divisés, plusieurs organisations ayant déploré que l'appel à manifester ne comporte "pas un mot sur l'islamophobie" et pointé "les amalgames" entre islam et antisémitisme.

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