Une filière vraiment locale et respectueuse du bocage
Le 5 décembre, à Prisches, dans l’Avesnois, une nouvelle chaufferie, à vocation communale, a été inaugurée. Son «carburant» : le produit de la taille des haies effectuée par les agriculteurs.
On a beau cherché, on ne trouve pas de défaut à cette filière relevant du “bois énergie”. D’abord, parce que le combustible, local et renouvelable, provient de la taille d’entretien des haies du bocage (arbustes, arbres têtards…). Ensuite, parce qu’elle profite aux agriculteurs, propriétaires des haies, qui peuvent à la fois être autosuffisants en bois (c’est souvent le cas) et tirer un revenu supplémentaire en vendant l’excédent. Enfin, parce que la technologie de ces chaudières, souvent autrichiennes ou allemandes, a déjà fait ses preuves.
Dans la Thiérache, à l’identité rurale et bocagère, à cheval sur le Nord, l’Aisne, les Ardennes et la Belgique, ces chaudières à bois déchiqueté (ou à plaquettes bocagères) ont déjà été adoptées par des agriculteurs, des communes (Ors, Leval, Prisches…), des propriétaires de gîtes ruraux ou de chambres d’hôtes, des particuliers (à Bachant, il existe un mini-réseau autour d’un agriculteur)… Des entreprises pourraient aussi y recourir en plus grand nombre. Autre avantage du bois déchiqueté : on reste dans une activité agricole et une économie à taille humaine. Rien d’industriel là-dedans. Les expressions «bois énergie» ou «biomasse» − très à la mode − recouvrent souvent des réalités économiques bien différentes.
Une façon de protéger les haies. Les haies bocagères séparent les pâtures mais jouent aussi un rôle dans la préservation des sols, la biodiversité qu’elles abritent et la beauté des paysages. Cette filière autour du bois déchiqueté, à condition d’être bien gérée, ne peut donc qu’être favorable à une gestion intelligente du bocage.
On le sait, le bocage est devenu fragile. Liées à l’activité d’élevage (laitier ou pour la viande) et à la transformation du lait de vache en fromage (l’AOP maroilles se situe dans la Thiérache), les haies ont tendance à disparaître sous l’effet des évolutions brutales des marchés agricoles conventionnels. Un prix du lait insuffisant empêche les éleveurs laitiers en mono-activité d’être rentables et de vivre de leur travail. Dans l’Avesnois, l’agriculture biologique, la diversification vers la transformation et la vente directe, ainsi que les aides publiques au maintien des haies et à leur plantation ont contribué à préserver des haies, même si la pression économique reste très forte sur les agriculteurs.
Les agriculteurs de l’Aisne à la rescousse. Dans l’Aisne voisine, l’exploitation économique du bois des haies a été organisée par les agriculteurs eux-mêmes. Ils taillent leurs haies, élaguent les arbres et arbustes des haies avec leurs engins et font appel à un prestataire pour le broyage qui permet de transformer les déchets obtenus en bois déchiqueté.
Une association a été créée en 1984 afin de coordonner, structurer et gérer le réseau d’exploitants agricoles et d’usagers à approvisionner. Elle s’appelle l’AAAT (l’Atelier agriculture Avesnois Thiérache). Elle dénombre 85 chaudières (à 70% chez des agriculteurs et à 30% dans des collectivités) et 25 plates-formes d’approvisionnement (avec stockage et séchage) chez des agriculteurs. Benoît Leurquin, agriculteur à Mondrepuis (02) et président de l’AAAT, explique que le principe de la proximité est respecté : pas plus de 15 km à parcourir entre une plate-forme et un propriétaire de chaudière. Dans l’Avesnois, on en dénombre 35 pour l’instant. La filière y est moins organisée.
Pour cette raison, le 5 décembre dernier, en même temps que l’inauguration de la chaudière de Prisches (voir encadré), a été signée une convention entre l’AAAT et le syndicat mixte qui gère le Parc naturel régional. Elle va permettre aux propriétaires de chaudières de l’Avesnois de bénéficier d’une sécurité dans leur approvisionnement en bois déchiqueté. L’AAAT étend ainsi ses services au Nord voisin.
ENCADRE
La plus grosse chaufferie de l’Avesnois
Le 5 décembre, à Prisches, une commune de 1 000 habitants typique du bocage avesnois, a été inaugurée une chaufferie composée de deux chaudières à bois déchiqueté et d’un silo de stockage. Pour l’essentiel.
Les chaudières sont abritées dans un bâtiment fonctionnel. Une première vis sans fin, installée dans un entonnoir où les agriculteurs «bennent» le bois déchiqueté, assure le chargement du silo. Une autre, à l’intérieur, alimente les chaudières. Et deux agriculteurs du village approvisionnent en matière première. L’installation va permettre de chauffer la mairie, l’école, la salle des fêtes, la cantine, un logement locatif, une future annexe scolaire (pour une garderie)… Coût pour la commune de ce réseau de chaleur : 244 000 euros environ. Cette chaufferie est la plus grosse de l’Avesnois. La commune a ainsi unifié son système de chauffage et remplacé des équipements à bout de souffle. Elle espère faire d’appréciables économies sur ses factures de chauffage. Le calcul sera fait après une saison de chauffage, en tenant compte, bien sûr, des amortissements. C’est un technicien du parc naturel régional de l’Avesnois qui a convaincu la municipalité d’opter pour le bois déchiqueté plutôt que pour le granulé. La ville a bénéficié d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (TW ingenierie). Un architecte et un bureau d’études ont aussi accompagné la maîtrise d’œuvre.
Selon le Parc, qui a également accompagné ce projet, les 35 chaudières de l’Avesnois représenteraient 300 équivalents logements et 260 haies bocagères valorisées. Le Conseil régional a apporté une subvention de 192 000 € et la récupération de la TVA a été évaluée à 86 884 €. Coût global : 529 000 €. Puissance installée : 308 KW.