Audience solennelle de rentrée
Une feuille de route sur fond d'exigence et de prévention pour le tribunal de commerce d'Amiens
C’est devant une salle comble que s’est déroulée l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce d’Amiens ce 25 janvier. L’actuel président Jean-Luc Seigneur a passé le flambeau à son successeur Jean-Jacques Leroux et Me Loïc Bernard a prononcé avec sa verve habituelle son dernier discours, lui et son épouse Me Élisabeth Bernard prenant leur retraite après plus de 40 ans de bons et loyaux services rendus au TC d’Amiens.
L’audience
solennelle de rentrée du tribunal de commerce a débuté par la
réélection de quatre juges pour quatre ans – Christophe
Duprez, Rémy Bouthors, Christophe Ruin et Christophe Dufossé – et
par l’élection de quatre autres pour deux ans – Anne
Dubois-Lefebvre, Didier Goy, Jean-Claude Varilh et Laurent Kolodiez.
Jean-Luc Seigneur a tenu à
saluer l’implication des quatre juges sortants : Martine
Beaurain (qui a présidée durant sept ans le TC d’Amiens), Robert
Théot, Bernard Deserable et Gérard Lavens.
La
prévention, toujours une priorité
Me Loïc Bernard a ensuite dressé le bilan juridique de l’année 2022, rappelant que la prévention des difficultés des entreprises – fer de lance des juges consulaires depuis plusieurs années déjà – a été poursuivie, avec 128 entretiens réalisés, contre 174 en 2021 (soit une baise de 26,44%), pour 1 072 dossiers détectés. Concernant la conciliation, sur les 171 affaires enrôlées, « dix dossiers ont été envoyés à la conciliation et ont donné lieu à un accord pour l’un d’entre eux », a précisé le greffier du TC d’Amiens, saluant la rapidité d’exécution des juges consulaires – avec une moyenne de sept jours pour les délibérés.
Les ordonnances d’injonction de payer ont fait un bond de 53,01%, passant de 498 en 2021 à 762 l’an passé, le nombre de référés a lui suivi une courbe inverse de -21,33% (59 en 2022 contre 75 en 2021). 231entreprises ont été placées en ouverture de procédure (contre 118 en 2021), affectant 547 emplois, contre 385 il y a deux ans, les dirigeants ont pu se tourner vers le dispositif Apesa – Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë –, initié au tribunal de commerce d’Amiens par l’ancien président Gérard Diruy et qui a permis pour les plus fragiles d’entre eux de bénéficier d’entretiens avec des psychologues.
Les formalité enregistrées au registre du commerce et des sociétés (RCS) au nombre de 17 449 ont légèrement fléchi (-8,52%), « 17 105 actes et comptes sociaux ont été assumés sans délai, tout juste aujourd’hui contrarié par la mise en place d’un système dit de guichet unique louable dans son esprit, mais sujet à bien des critiques dans ses modalités opérationnelles », a estimé Me Loïc Bernard.
Une feuille de route exigeante
Le président Jean-Jacques Leroux a pris le relais pour exposer les objectifs fixés par les membres du TC d’Amiens qui se résume en une simple formule mathématiques : 3E > R. Premier "E" : l’exigence, « nous devons avoir un comportement irréprochable », a-t-il souligné. Deuxième "E" : l’engagement, « un juge doit s’impliquer avec un dévouement sans faille, je considère qu’être juge au tribunal de commerce est un deuxième métier (…) cette fonction nécessite une implication totale et du travail », a rappelé le président qui a indiqué qu’un principe de tutorat (d’un nouveau juge par un autre expérimenté) était en vigueur depuis le 1er janvier, ainsi qu’un livret d’accueil pour les nouveaux juges afin qu’ils s’intègrent rapidement.
Dernière exigence – et non des moindres – du président : l’excellence, « le tribunal de commerce est le pouls de l’économie locale, l’objectif de service public doit être atteint (…) nous devons sans cesse améliorer les qualités requises [ndlr, pour bien juger] », au rang desquelles avoir une compréhension fine de l’entreprise, des capacités pour prendre des décisions réfléchies, être doté de compétences analytiques et d’une soif d’apprendre permanente.
Trois préceptes qui poursuivent un objectif : la résistance au changement, « il faut savoir retirer les freins, changer nos habitudes et innover, ne pas rester en zone de confort et ne pas avoir d’incertitudes concernant les actions futures », a expliqué Jean-Jacques Leroux citant Charles Péguy : « Un juge habitué est un juge mort pour la justice. » Des propos complétés par Franck Charon, procureur adjoint près le tribunal judiciaire : « La fonction de juge consulaire est exigeante, elle demande de l’investissement, du temps, de la disponibilité et de l’impartialité. »
Le président a également rebondi sur l’activité 2022, notamment sur les ouvertures de procédures collectives, dont 79% sont des demandes de liquidations judiciaires (+120%) : « Ces chiffres doivent nous interpeller car ils traduisent la détresse des entrepreneurs qui ont perdu tout espoir de redressement et arrivent trop tard au tribunal. Et pourtant la prévention-détection des difficultés des entreprises est un réel succès avec 78% de taux de réussite au niveau national. »
D’où
l’impérieuse nécessité pour Jean-Jacques Leroux de continuer à
faire de la prévention une priorité du TC, rappelant qu’il
n’était pas un tribunal de sanction mais « une
porte largement ouverte à tout moment pour recevoir des entreprises
en difficulté et permettre de rompre l’isolement
du chef d’entreprise ».