Une étonnante crèche bioclimatique

Cet équipement de 24 places est géré par une SARL créée par Cécile Lacaille. Le projet a poussé très loin la réflexion dans l’utilisation des bois, la performance énergétique, la qualité de l’air intérieur et le recours aux entreprises locales…

Cécile Lacaille, la créatrice et porteuse du projet (à gauche) et Amélie Fontaine, l’architecte de cette ambitieuse réalisation.
Cécile Lacaille, la créatrice et porteuse du projet (à gauche) et Amélie Fontaine, l’architecte de cette ambitieuse réalisation.

D.R.
La façade de la crèche. Cet équipement devrait grandement intéresser les professionnels de la filière bois, tant il fait de l’écologie appliquée.

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Cécile Lacaille, la créatrice et porteuse du projet (à gauche), et Amélie Fontaine, l’architecte de cette ambitieuse réalisation.

Cette crèche privée, baptisée Ki Wa Oo, située à Villereau (quartier d’Herbignies), près de Le Quesnoy dans l’Avesnois, présente au moins deux particularités : celle d’avoir poussé le plus loin possible la logique écologique dans le bâti et la conception, et celle d’avoir joué au maximum la carte de l’ancrage local. Elle devait ouvrir ses 24 places à la mi-novembre et y accueillir les moins de 6 ans.

Au point de départ, Cécile Lacaille, 38 ans, de Landrecies, mère de quatre enfants, lauréate en 2014 de Réseau Entreprendre Hainaut pour ce projet qui s’est révélé très ambitieux. «J’ai travaillé 12 ans dans la grande distribution, la partie commerciale et la gestion. L’idée de créer m’est venue en 2007 à mon quatrième enfant, car ça devenait compliqué de concilier vie familiale et vie professionnelle. L’idée de la crèche s’est imposée en 2009 : j’étais bien placée pour savoir qu’il est difficile de trouver un mode d’accueil collectif qui réponde exactement aux besoins des familles et des gens qui travaillent.»

 

Un mode d’accueil inédit. Près de dix ans plus tard, fin octobre, lors d’une visite de chantier (les travaux avaient démarré en juin 2015), la crèche Ki Wa OO s’apprêtait à ouvrir et attendait même une ministre pour son inauguration (Laurence Rossignol). Les invités de l’association Nord Picardie bois, partie prenante, ont pu ce jour-là découvrir l’ampleur prise par un projet qui a coûté 1,6 million, avec une participation notamment de l’ordre de 20% du Conseil régional grâce à un appel à projets.

La créatrice souligne que la commune de Villereau, qui a vendu le terrain, a joué le rôle d’un véritable partenaire, séduite par le projet, et que des communes situées dans l’intercommunalité y ont retenu 11 places.

 

Pédagogie Montessori. Cette crèche privée apparaît tout d’abord inédite par son fonctionnement. La SARL, gérée par Cécile Lacaille, et son équipe de dix personnes proposent en effet une ouverture de 7h à 20h, du lundi au samedi, ainsi qu’un mode d’accueil affichant «24 heures sur 24» et «7 jours sur 7», grâce à une collaboration avec l’ADAR Sambre-Avesnois (Aide à domicile en activités regroupées) qui dispose d’un service de garde d’enfants à domicile. Autre caractéristique, la crèche a adopté la pédagogie Montessori (l’enfant doit être le plus libre possible) et l’organisation des locaux a été conçue autour de ce principe. Ce qui n’a posé aucun problème, précise la créatrice, du côté de la CAF. «Nos tarifs sont ceux d’une crèche municipale ou associative», ajoute-t-elle.

 

Rien n’a été laissé au hasard. La crèche est également inédite par le choix des matériaux (les bois de peuplier, chêne, frêne, présents de l’ossature au mobilier) ; par la démarche écologique engagée, qui porte à la fois sur la performance énergétique (qui s’approche de la RT 2020 et du bâtiment entièrement passif) et sur la qualité de l’air intérieur ; par le recours à des entreprises locales (une douzaine en tout).

Dans cette aventure vraiment étonnante, Cécile Lacaille a croisé en 2011 la route d’Amélie Fontaine, une jeune architecte du territoire installée à Grand-Fayt. Lors de la présentation du bâtiment de 427 m2, celle-ci a détaillé les études menées, la façon dont l’architecture s’était adaptée à la pédagogie voulue − et non l’inverse − ou encore les moyens mis en œuvre pour obtenir la qualité et le confort recherchés. Et manifestement rien n’a été laissé au hasard, tout a été réfléchi : le choix des matériaux donc, mais aussi l’acoustique, la ventilation, la récupération de la chaleur, l’orientation, l’isolation avec le recours à de la paille enfermée dans des panneaux et à du triple vitrage, l’utilisation de la lumière naturelle, un espace intérieur modulable s’appuyant sur des poteaux porteurs en chêne. Le bâtiment pourrait même, un jour, accueillir tout autre chose qu’une crèche…

Le bâtiment présente une façade de 16 mètres de large, des locaux disposés latéralement qui n’ont pas besoin d’être chauffés (ce sont les parties techniques et de rangement) dont les toits seront végétalisés. Une chaudière à pellets est chargée de faire l’appoint au cas où le chauffage passif ne suffirait pas. Et six panneaux solaires entrent dans la conception du système d’eau chaude sanitaire.

 

Des lits sur mesure. L’aspect local du projet se retrouve aussi dans les 24 lits qui ont été fabriqués par Olivier Caffiaux, ébéniste à Maroilles depuis plus de quinze ans. Sur les indications de la maître d’ouvrage, il les a imaginés modulables, évolutifs, esthétiques, ergonomiques et sans barreaux. Le système adopté, à base de panneaux ajourés, est aujourd’hui un modèle déposé. «Ces lits, une série exceptionnelle dans ma carrière, m’ont demandé un an de travail, en passant par un prototype», résume-t-il.

La crèche de Villereau, tant par sa conception que par sa réalisation, devrait intéresser, outre les enfants, pas mal de maîtres d’ouvrage et de professionnels de la filière bois.