Une escroquerie aux fournisseurs à ramifications internationales jugée en France
L'auberge Paul Bocuse, des blanchisseries, des Ehpads: une trentaine d'entreprises ont été victimes d'une fraude aux ramifications internationales dans laquelle des arnaqueurs, basés en Israël, se faisaient passer pour des fournisseurs ayant changé de RIB...
L'auberge Paul Bocuse, des blanchisseries, des Ehpads: une trentaine d'entreprises ont été victimes d'une fraude aux ramifications internationales dans laquelle des arnaqueurs, basés en Israël, se faisaient passer pour des fournisseurs ayant changé de RIB pour se faire payer des factures bien réelles.
A l'ouverture du procès lundi, dans la salle des procès hors-norme du tribunal judiciaire de Marseille, 10 prévenus sur 15 avaient fait le déplacement et deux étaient représentés. Tous comparaissent libres, sauf Emmanuel Fitoussi, quadragénaire déjà condamné à Marseille et Bordeaux pour des faits similaires.
Trois des principaux protagonistes étaient absents, visés par un mandat d'arrêt depuis 2022, leur dernier domicile connu étant une adresse en Israël, où était établi le centre d'appel au coeur des escroqueries incriminées menées principalement en 2015-2016.
Les entreprises victimes étaient contactées par téléphone ou par mail par un arnaqueur qui se faisait passer pour un de leurs fournisseurs et expliquait avoir changé de RIB. Puis, à partir d'adresses mails confondantes, ils demandaient ensuite le paiement de véritables factures sur ces nouveaux comptes.
Un argent souvent versé dans une banque de Madrid mais aussi en France, en Roumanie, en Bulgarie, en Pologne, à Hong-Kong...
Dans ce procès, censé se tenir jusqu'à vendredi, 34 faits d'escroqueries seront examinés, avec des préjudice allant de quelques milliers d'euros à près de trois millions d'euros.
L'entreprise de pomberie-tuyauterie Richardson est une des principales victimes mais aussi une des rares à avoir réussi à récupérer la somme détournée (2,7 millions d'euros). "Le fournisseur réel nous a relancé au bon moment sur le paiement de sa facture", nous permettant de découvrir le pot aux roses et d'agir très rapidement. "En un mois, on avait réussi à bloquer la somme qui était en Espagne et on a obtenu sa restitution", raconte en marge de l'audience l'avocat de Richardson, Me Guy Alias.
Une histoire de famille
Pour les enquêteurs, le mode opératoire, très au point, impliquait une bonne connaissance de la société visée. Pour cela, les escrocs appelaient d'abord les fournisseurs, en se faisant passer pour les clients, afin de connaître le montant des factures venant à échéance, avant d'endosser le rôle inverse.
Lors d'une tentative d'escroquerie de Dassault Aviation, à Martignas (Gironde), le service financier avait ainsi été contacté par un certain "Patrick Montiel", de Potez Aéronautique, pour vérifier la bonne réception d'un nouveau RIB envoyé de Marseille par la poste. Le même "Patrick Montiel" -pseudonyme récurrent dans ce dossier- avait auparavant contacté Potez Aéronautique en se faisant passer pour un responsable de Dassault, afin de se faire communiquer le montant des prochaines factures.
Dans ce cas, aucune des deux sociétés ne s'était laissée berner.
Mais d'autres ont été piégées, notamment par l'exactitude des montants réclamés, au centime près. De Roubaix à Marseille en passant par Cannes ou Nantes, les entreprises lésées ou victimes des tentatives de fraudes étaient très diverses: blanchisseries et hôtels, un distributeur de matériel de chauffage, des abattoirs, des cliniques, des Ehpads.
Au final, une quinzaine d'entités se sont constituées parties civiles.
Les trois prévenus faisant l'objet d'un mandat d'arrêt -Alain Lasserie, Wilfried El Baze et Stéphane Benhamou- étaient les chevilles ouvrières du centre d'appels en Israël, selon un coprévenu marseillais, Emmanuel Fitoussi. Ce dernier "reconnaît avoir participé à certaines escroqueries. On lui donnait une liste de sociétés, un texte et son rôle consistait à appeler une entreprise pour obtenir une liste de fournisseurs", explique son avocat Me Frédéric Amsellem.
Ses déclarations, ainsi que des enquêtes similaires menées à Bordeaux et Nancy, ont conduit les enquêteurs à soupçonner Alain Lasserie d'avoir été le cerveau de l'escroquerie et Stéphane Benhamou d'en avoir été l'opérateur (informatique, fausses adresses mails, faux RIB et justificatifs), tandis que Wilfried El Baze aurait recruté les personnes chargées d'ouvrir des sociétés fantômes à l'étranger, auxquelles transférer les fonds frauduleusement acquis.
Sur les bancs des prévenus figure aussi une série de personnes, pour la plupart domiciliées à Marseille, soupçonnées notamment d'avoir permis de blanchir de l'argent qui transitait par leurs comptes. Beaucoup d'entre eux sont liés plus ou moins directement à une même famille.
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