Territoires
Une envie intacte malgré un métier exigeant
Méghann et Tamara Christen ont créé en 2017 à Inglange une ferme de maraîchage biologique Aux soeurs des champs. Depuis bientôt huit ans, les deux sœurs engagées dans une profession exigeante mettent tout en œuvre pour sublimer leurs productions avec des hauts et des bas.
Toutes les deux avaient depuis longtemps la même idée : créer ensemble une ferme et partager leur passion. Elles ont commencé par un petit jardin en plus de leur travail chez un maraîcher. L’envie de s’associer s’est vite imposée. Le plus difficile a été, au début de l’aventure, d’acquérir un terrain agricole, hors cadre familial. «Les terrains sont prisés partout mais dans le nord Mosellan, c’est encore plus vrai, du fait de la proximité avec le Luxembourg», expliquent-elles. Lancé en 2016, le projet aboutit fin 2017 avec l’acquisition de cinq hectares à Inglange. Toutefois, seul 1,5 hectare est cultivable ; le reste étant en zone humide, impossible de pouvoir y faire pousser le moindre légume pour cette exploitation très peu mécanisée avec un modèle de production assez intensive. «Notre système est très coûteux en main-d’œuvre car tout est fait à la main.» Si les deux premières années, elles ne comptent pas leurs heures, la naissance en 2018 de leurs enfants leur impose l’embauche d’un salarié et de trois saisonniers. Il leur a fallu lever le pied, travailler différemment. Elles ont d’ailleurs fait le choix de garder les bras supplémentaires «d’une bonne équipe» pour notamment «conserver l’envie» et «pouvoir décharger un peu.» Il est vrai que le métier demande exigence et abnégation avec les astreintes matin et soir pour ouvrir et fermer les serres.
© Aux soeurs des champs
Des clients fidèles malgré le contexte inflationniste
À la tête de cinq serres de près de 400 m2 mais également de quatre jardins (lots) en extérieur, elles cultivent aujourd’hui 35 légumes, soit 60 espèces et 300 variétés. Une production qui s’écoule auprès de clients fidèles, des particuliers en grande majorité, qui viennent acheter leurs légumes les mercredis soir lors de la vente directe à la ferme, le jeudi à l’AMAP de Yutz, le samedi sur le marché de Thionville ou encore à la Biocoop de Terville. Huit ans après la naissance de leur exploitation biologique, les deux sœurs mettent en avant «le plaisir de travailler ensemble, le quotidien tellement stimulant, le cadre de vie, les légumes biologiques qui nourrissent nos proches» mais en même temps, elles dressent le même constat que toute une génération de jeunes agriculteurs : «travailler autant pour gagner si peu.» Leur choix d’un maraîchage biologique leur permet «heureusement» de vendre leurs productions un plus chère que celles produites en agriculture conventionnelle. À l’heure où les ventes en bio ont reculé dans un contexte inflationniste, les deux sœurs n’ont pas été touchées par cette baisse. «Nous n’avons pas été impactées. Peut-être sommes-nous protégées par le modèle de circuits courts avec des clients fidèles qui nous connaissent», analysent-elles.
Gagner en efficacité
En revanche, elles sont soumises depuis deux ans à «une hausse de toutes les charges», sans compter les inondations de mai dernier qui ont fait des dégâts avec des pertes importantes de leurs productions. Des difficultés qu’elles doivent gérer au quotidien. «En 2016, nous avions des rêves et des envies d’avoir des moutons, des abeilles, des vergers, mais il faut être réaliste, la production de légumes demande beaucoup d’exigence», estiment Méghann et Tamara. Elles arrivent d’ailleurs à une période de leur vie où une réflexion devrait être vite engagée. «Nous allons réfléchir ensemble cet hiver, voir ce qui peut être changé. La question de la diversité des légumes se posera peut-être. La réponse passera peut-être par l’acquisition de nouvelles serres. L’enjeu est de gagner en efficacité.» À l’approche de la quarantaine, les envies et les analyses sont forcément différentes pour ces deux passionnées qui souhaitent avant tout fournir les meilleurs légumes à leurs clients.
A.M.