Europe
Une éclaircie économique au sein de la zone euro ?
Dans ses prévisions de printemps, la Commission européenne anticipe une reprise progressive de la croissance et une amélioration lente sur le marché de l’emploi, dans un contexte économique hélas toujours très incertain…
Après
plus d’un an de pandémie, la Commission européenne entrevoit
enfin une éclaircie dans ses prévisions, même si elle admet que
les incertitudes demeurent très fortes : incertitude quant à
l’évolution de la pandémie de Covid-19, incertitude sur la
vitesse de déploiement et l’efficacité des programmes de
vaccination, incertitude sur le comportement de consommation des
ménages, incertitude sur le calendrier du retrait des mesures de
soutien public, qui pourrait compromettre la reprise, incertitude sur
les difficultés réelles des entreprises, dans un contexte d’aides
publiques généralisées, incertitude sur les taux d’intérêt…
La
croissance comme phare
Malgré
les grandes envolées lyriques des derniers mois concernant la
transition écologique et l’indispensable changement de système
économique, le commissaire européen à l’économie, Paolo
Gentiloni, a clairement affiché que l’objectif principal
était de renouer avec la croissance : « Nous prévoyons
que la croissance, après un début d’année faible, soit forte,
tant en 2021 qu’en 2022 ». La Commission anticipe désormais
une croissance de la zone euro de 4,3% cette année et de 4,4%
l’an prochain, mais avec de fortes disparités suivant les pays :
proche des 4% en 2022 pour l’Allemagne et la France, contre
6% en Grèce, 6,1% en Croatie et même 6,8% en
Espagne.
Mais en raison du choc subi par toutes ces économies (parfois -10%, -6,6% en moyenne, en 2020, dans la zone euro !), une telle croissance sera loin de ramener le produit intérieur brut (PIB) à son niveau d’avant-crise. D’autant que le rebond de l’économie européenne enregistré l’été dernier a été nettement interrompu à la fin de l’année 2020 par les nouvelles mesures sanitaires liées à la troisième vague de l’épidémie. Si cette dernière continue à refluer rapidement, la Commission anticipe une croissance européenne tirée par une reprise importante de la consommation privée et de l’investissement (notamment avec le plan européen de 750 milliards d’euros), et probablement une hausse des exportations.
Il n’en fallait pas plus pour que
certains imaginent déjà le retour d’une période de croissance et
d’insouciance à l’image des Roaring Twenties aux
États-Unis dans les années 1920. Faut-il leur rappeler que
l’épilogue de ces années dorées fut la crise de 1929 ?
La
bataille de l’emploi
Depuis
le début de la pandémie, le taux de chômage n’a pas connu
l’envolée tant redoutée malgré les destructions d’emplois.
C’est que pressés par la crainte d’une crise sociale, les États
ont multiplié les aides publiques aux entreprises (chômage partiel
payé par l’État, subventions, prêts garantis par l’État,
soutiens aux fonds propres…), dans des proportions inconnues
jusqu’à présent. Tant et si bien, que l’économie est presque
partout administrée par l’État, une part des revenus versés
s’apparentant désormais à un revenu universel…
Au
second semestre de 2020, l’emploi a repris des couleurs et le taux
de chômage dans la zone euro devrait avoisiner 8,4% en 2021 et
7,8% en 2022, un niveau certes plus élevé qu’avant la
crise. La Grèce et l’Espagne devraient rester en queue de peloton
avec un taux de chômage respectivement de 16,1% et 14,4%
en 2022, contre 3,4% en Allemagne et 8,7% en France.
Pas
d’inflation forte, mais un pic de dettes
Malgré
la hausse temporaire des prix de certains biens et services en raison
de la crise, la Commission européenne n’anticipe pas à ce stade
un emballement des prix : le taux d’inflation de la zone euro
devrait atteindre tout au plus 1,7% en 2021 et 1,3% en
2022. L’inflation est en effet avant tout un rapport social. Or,
depuis la création de l’euro, le partage des revenus se déforme
structurellement au détriment des salariés, ce qui pèse sur leur
pouvoir d’achat. Tout l’enjeu sera donc de savoir si les salariés
arriveront à tirer un peu plus la couverture à eux et si les
entreprises intégreront ou non une éventuelle hausse du coût
salarial unitaire dans leurs prix de vente.
Très
optimiste, la Commission anticipe par ailleurs une légère baisse du
ratio d’endettement public pour la zone euro en 2022 (101%),
après une augmentation en 2021 (102%), avec là aussi de
fortes disparités entre les pays : plus
de 200% du PIB en Grèce, 156% en Italie, 116% en
France et en Espagne, mais 72% en Allemagne et 57% aux
Pays-Bas. Dans ces conditions, peut-être que l’optimisme de la
Commission européenne tient avant tout à la modération des
dépenses publiques qu’elle exige en contrepartie du plan d’aide
européen…
Quoi
qu’il en soit, est-il bien raisonnable d’apprécier l’état de
l’économie avec des indicateurs (PIB, dette publique…) qui ne
tiennent pas compte des indispensables changements sociétaux ?