Une boutique pour resterséduisante, même dans la maladie

Une boutique presque comme les autres. Une jeune fille pousse la porte de “Au coeur des femmes” située sur la rue du Général-de-Gaulle à a Madeleine. Elle souhaite essayer un modèle de lingerie exposé en vitrine. Les deux gérantes lui expliquent que les modèles sont conçus pour les femmes opérées d’un cancer du sein. Etonnement et petit sourire gêné. Bénédicte Masse, infirmière de formation, et Frédérique Soupison, docteur en pharmacie, vendent en effet des articles de lingerie et il faut écouter leurs explications pour comprendre la différence. Chaque jour, elles reçoivent des femmes de toutes générations qui se trouvent confrontées, souvent brutalement et sans ménagement, à une vérité : le cancer du sein et ses conséquences. L’adresse se transmet de bouche à oreille depuis cette première année de création. “Nous avons volontairement voulu nous trouver en dehors du centre de Lille pour préserver un peu d’intimité. Finalement, étant près d’un feu de stationnement, la boutique est bien visible et, tout en restant discrètes, nous sommes repérées.”

Un cocon rassurant et une complicité. Dès l’entrée de la boutique, on se sent comme dans un cocon quasi maternel. La boutique présente des modèles de lingerie. Une autre salle est réservée aux essayages de perruques “Les essayages sont parfois cocasses et nous avons quelquefois des fous rires. Certaines perruques sont bluffantes et il arrive que deux clientes échangent leurs impressions. Ça permet de dédramatiser.” D’autres salles sont réservées aux essayages de prothèses et une sortie pour personnes à mobilité réduite permet de partir en toute discrétion. Tout est fait pour recentrer la personne sur elle-même, pour qu’elle garde sa dignité et sa féminité. “Nous entendons des témoignages poignants et le fait d’être associées nous équilibre et donne de la force. Nous nous sommes rencontrées sur notre lieu de travail : une pharmacie. Nous recevions des clientes confrontées à ce problème et comprenions l’importance de la création d’un lieu qui préserverait l’intimité. Ceci nous a donné l’idée de créer ce concept.” Bien vu. Trop souvent encore, en pharmacie, la maladie est clairement annoncée à travers la demande formulée à haute voix au comptoir. Si au chagrin imposé par la maladie, on ajoute une petite couche d’humiliation, une autre de familiarité déplacée ou de fausse compassion, on aboutit à un millefeuille de révoltes secrètes. Une bonne image de soi contribue à la guérison.

Tout un réseau de compétences. Bénédicte Masse a travaillé pendant 15 ans à l’hôpital de Roubaix, en service gynécologie, et Frédérique Soupison a dirigé sa pharmacie. Toutes deux ont associé leurs compétences dans ce but professionnel. Certes, leur connaissance du monde médical a constitué une plus-value mais à leurs yeux, ce n’est pas l’essentiel. Le sens des relations humaines les a motivées. Elles souhaitaient être leur propre patron, évoluer tout en étant utiles à travers une cause sensible. Une véritable solidarité s’est nouée. De temps à autre, la boutique accueille des groupes de parole. L’association Emeraude, espace d’accueil et de bienêtre pour les femmes atteintes d’un cancer, y participe. Les deux gérantes orientent souvent leurs clientes vers des thérapeutes, des sophrologues, des socio-esthéticiennes, tout un réseau bien identifié. Le sens de l’humain prévaut. Aujourd’hui, il existe en France encore peu de boutiques de ce type. Peut-être deux ou trois… Là encore, règne un esprit de partage : “Nous nous sommes rapprochées d’une boutique de ce genre à Amiens et la gérante nous a prodigué de très bons conseils.” Pour mener ce genre de commerce, il faut aussi bénéficier d’une bonne santé morale et d’un état d’esprit positif.