Un procès criminel ordonné contre un policier pour avoir éborgné un "gilet jaune" en 2019 à Paris
Un policier sera jugé par la cour criminelle départementale de Paris pour avoir éborgné un "gilet jaune" avec une grenade lacrymogène lancée par un "tir tendu" qui "n'avait pas sa place" lors d'une manifestation...
Un policier sera jugé par la cour criminelle départementale de Paris pour avoir éborgné un "gilet jaune" avec une grenade lacrymogène lancée par un "tir tendu" qui "n'avait pas sa place" lors d'une manifestation le 16 novembre 2019 dans la capitale.
Fabrice T. sera jugé pour "violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par une personne dépositaire de l'autorité publique", selon l'ordonnance de mise en accusation signée jeudi et consultée vendredi par l'AFP.
Il est accusé d'avoir "volontairement effectué un tir ne respectant pas le règlement en vigueur, car tiré de façon évidente trop bas, en dessous des 30° minimum requis", soit un tir tendu, écrit la magistrate.
La grenade lacrymogène a "percuté violemment l'oeil gauche de Manuel Coisne, sans qu'il puisse l'éviter et l'anticiper, entraînant la perte irrémédiable de son oeil", poursuit-elle.
"Un tir tendu n'avait pas sa place dans le cas d'espèce, Manuel Coisne n'exerçant aucune voie de fait envers les forces de police et était en retrait des manifestants violents", estime la juge d'instruction.
La magistrate est allée à l'encontre du parquet, qui avait requis un non-lieu, estimant que "si le tir effectué par Fabrice T. peut être considéré comme un tir tendu par la gendarmerie nationale, l'expert balistique et le constructeur, il est conforme au regard de la formation reçue par le mis en cause".
"Cette décision est incompréhensible alors que le parquet avait pris des réquisitions inverses parfaitement fondées en droit", a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, annonçant "évidemment relever appel de ce renvoi qui semble répondre à d'autres impératifs que la stricte application de la loi".
Symbole fort
Manuel Coisne, âgé alors de 41 ans, participait à une manifestation autorisée des "gilets jaunes" le 16 novembre 2019 place d'Italie à Paris, qui avait dégénéré avant d'être annulée par la préfecture de police.
Sur une vidéo, devenue virale, on le voit discuter à l'écart du chaos avec d'autres manifestants, à proximité du centre commercial Italie 2.
Il est soudainement heurté sur la partie gauche de son visage par une grenade lacrymogène.
Au moment de l'impact, il se trouvait "à une cinquantaine de mètres d'une unité de CRS", "derrière les premières lignes des manifestants" et "cherchant avec sa compagne à quitter la place d'Italie", relate la juge d'instruction.
Une expertise médicale judiciaire et une autre balistique ont conclu qu'il avait "définitivement perdu toute vision de l'oeil gauche".
"La poursuite criminelle de ce policier qui a éborgné Manu Coisne avec une grenade est un soulagement", a réagi auprès de l'AFP Arié Alimi, avocat du manifestant.
"Les +gilets jaunes+ ont été meurtris dans leur vie et dans leur chair pour avoir voulu exercer un droit de réunion pacifique et de manifestation", a-t-il poursuivi, rappelant que les faits s'étaient produits "le jour (du premier) anniversaire des +gilets jaunes+", qui ont débuté leurs manifestations à l'automne 2018.
"Le symbole est fort" à la veille des dix ans de la mort de Rémi Fraisse, botaniste de 21 ans tué par une grenade lors d'un manifestation sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), a également souligné Me Alimi. "C'est peut-être (le symbole) du temps de la justice et de la vérité".
Au cours de la procédure, le gardien de la paix, âgé actuellement de 49 ans, a contesté les faits reprochés et "les conclusions de l'expert judiciaire qui a déterminé son angle de tir", selon l'ordonnance.
Mais, confronté aux vidéos, il a concédé "que son premier tir (était) +raté+ quasi tendu et sur le second tir, il indique avoir visé la zone où se trouvaient des casseurs, au niveau du centre commercial".
Il a nié "être l'auteur des blessures de Manuel Coisne" tout en précisant que si l'enquête démontrait son implication, "cela ne (pouvait) être alors qu'involontaire".
Fabrice T. avait été mis en examen le 30 mars 2023 et laissé libre.
Ce procès criminel serait parmi les premiers concernant les violences commises par des policiers lors des manifestations des "gilets jaunes" qui ont débuté à l'automne 2018.
Un procès a été récemment demandé contre un policier soupçonné d'avoir éborgné l'une des figures du mouvement, Jérôme Rodrigues. Cette décision doit être confirmée ou infirmée par un juge d'instruction.
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