Un management réussi passe d'abord par la confiance

Communication, confiance, humanité et bienveillance. Ces quatre mots résument parfaitement Christophe Detammaecker, chef d’entreprise dans le Béthunois et le Dunkerquois depuis 23 ans, ainsi que sa manière de gérer ses collaborateurs. Rencontre avec un patron, pas tout à fait comme les autres.

Christophe Detammaecker, chef d'entreprise heureux et atypique.
Christophe Detammaecker, chef d'entreprise heureux et atypique.

«Quand mes confrères ont appris la nouvelle, ils m’ont un peu charrié. Ils m’ont dit aussi que, me connaissant, ils n’étaient finalement pas si étonnés que cela. Et ça m’a fait un immense plaisir», sourit, ému, Christophe Detammaecker, longtemps gérant de l’entreprise Detam (couverture et bardage) à Isbergues et désormais à la tête d’une entreprise de design et décoration au Faubourg-de-Cassel, près de Dunkerque, Detam décor. La nouvelle, c’est le recrutement en contrat de professionnalisation d’Ousman, un jeune Guinéen à peine majeur, arrivé clandestinement en France voici deux ans avec un groupe de migrants africains. «Ousman est hébergé dans un foyer pas loin d’ici. Il suit une formation dans un lycée professionnel pour devenir plaquiste. Comme il devait trouver un stage, il a déposé un CV chez moi. J’ai voulu lui donner sa chance. Il a fait un travail remarquable. Du coup, j’ai décidé de le recruter en contrat de professionnalisation, ce qui va lui permettre d’obtenir un titre de séjour», résume-t-il, en sortant le document officiel reçu de la préfecture du Nord. «Et vous savez ce qu’il m’a dit, Ousman ? Il m’a dit que maintenant, il avait trouvé une famille. Quelle émotion pour moi ! Alors, bien évidemment non, je ne suis pas sa famille. Mais je vais faire de mon mieux pour l’accompagner le plus loin possible», précise Christophe Detammaecker.

«Une entreprise, c’est une équipe constituée d’individualités et le patron, c’est un peu le chef d’orchestre»

«Il est indispensable de laisser une grand part d’initiatives, de liberté, de faire confiance et de communiquer», souligne Christophe Detammaecker.

Un management centré sur la bienveillance

L’humanité : l’un des maillons qui fait la force du management de ce chef d’entreprise qui détonne un peu dans le milieu entrepreneurial local. «Mais aussi la confiance, la bienveillance et l’esprit d’initiative», ajoute-il. Une forme de management qu’il a expérimentée lui-même, jeune salarié d’une entreprise de conception de machines automatisées à Dunkerque. «C’était une PME familiale d’une cinquantaine de personnes. Nous étions dans les années 1980 et, malgré tout, le patron avait déjà compris que la réussite de ses salariés, et donc de son entreprise, passait par un fort esprit d’initiative qui laisse beaucoup de place à la créativité, résume Christophe Detammaecker. J’ai appris énormément dans cette boîte. Cette expérience a très certainement forgé ma façon de manager quand je suis devenu à mon tour chef d’entreprise.» Fils d’artisan peintre, Christophe Detammaecker avait depuis longtemps envie de voler de ses propres ailes. Il attendait juste que l’opportunité se présente. «Et celle que j’attendais depuis si longtemps s’est présentée en 1995. Je dirigeais un chantier du côté de Lens. Or, j’apprends que l’une des entreprises avec qui je bosse est à céder. C’était une entreprise de bardage et couverture située à Isbergues. J’ai hypothéqué ma maison et je l’ai rachetée. C’est comme cela que je me suis lancé dans l’aventure avec un grand A», se remémore-t-il en riant. «On m’a dit que j’étais fou à l’époque. Mais, fou, je le suis toujours un peu.»

En quelques années, le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise d’Isbergues est passé de 600 000 à 9 millions d’euros et le nombre de collaborateurs, de 10 à 50.

Une méthode qui fonctionne

Christophe Detammaecker découvre une petite entreprise familiale d’une dizaine de salariés managée «à l’ancienne». «Pour résumer grossièrement, on était dans une complète verticalité. C’était le ‘saint patron’ qui dirigeait à tous les étages. Si tout allait bien dans l’entreprise, c’était grâce au patron ; si ça n’allait pas, c’était la faute des ouvriers, constate-il. J’ai évidemment tout mis à plat dès mon arrivée parce que, selon moi, il n’y a pas de secret : une entreprise, c’est une équipe constituée d’individualités et le patron, c’est un peu le chef d’orchestre qui doit faire en sorte que ces individualités aient envie de jouer collectif pour faire avancer l’entreprise. Et pour cela, il est indispensable de laisser une grand part d’initiatives, de liberté, de faire confiance et de communiquer», ajoute Christophe Detammaecker, qui compare volontiers cette forme de management à ce que le sélectionneur de l’équipe de France de football, Didier Deschamps, a mis en place avec le beau succès que l’on connaît. Un type de management qui, en tout cas, réussit plutôt bien à l’entreprise puisqu’en quelques années, le chiffre d’affaires annuel est passé de 600 000 euros à 9 millions d’euros et le nombre de collaborateurs, de 10 à 50. «Comment voulez-vous qu’un salarié soit heureux et qu’il ait envie de tout donner s’il doit subir un chef qui contrôle tout ce qu’il fait, qui lui demande de tout justifier, qui chipote pour une virgule mal placée ?», insiste le chef d’entreprise qui dit sourire quand il entend parler du boom actuel pour le télétravail et les séminaires d’entreprise. «Chez nous, il y a plus de 15 ans que cela se pratique ! D’ailleurs, certains de mes collaborateurs n’ont pas de bureau attitré. L’important n’est pas où est fait le travail, ni à quelle heure, mais qu’il soit fait. C’est tout. J’estime que mes collaborateurs sont payés pour réussir la mission pour laquelle ils sont payés et non pas pour respecter un horaire

«L’important n’est pas où est fait le travail, ni à quelle heure, mais qu’il soit fait.»

Réussir un effet «win-win-win»

Aujourd’hui, Christophe Detammaecker a cédé son entreprise d’Isbergues et s’est recentré dans sa région d’origine, le Dunkerquois. Il gère, avec sa fille Hélène, Detam décor, une entreprise de design, de coaching et de décoration d’intérieur qui emploie une vingtaine de salariés. Toujours avec les mêmes méthodes de management qui lui permettent d’avoir, de surcroît, «un turn-over quasi nul», apprécie-t-il. Avant de conclure : «Je pense que je peux résumer mon système de management par le win-win-win*. ‘Win’ pour le client, satisfait d’une prestation de qualité, réalisée en sécurité, dans le respect du planning et dans l’écoute. ‘Win’ pour l’équipe qui a plaisir à faire son métier et à le faire dans une relation de confiance et de dialogue avec les collègues, les dirigeants et le client. Et enfin ‘win’ pour l’entreprise qui profite à plein de cet état d’esprit qui lui permet de se développer plus vite.»

*Gagnant-gagnant-gagnant