Billet

Un lundi 8 juillet...

Quel sera le visage de la France après un nouveau dimanche électoral hors normes ? Plus qu'une vision à courte vue et émotionnelle, nous devons nous pencher sur le long terme, avec rationalité. Il ne sera pas apocalyptique, mais nécessitera des adaptations, d'autres modèles pour nous porter vers demain. Un changement sociétal majeur de réflexion et de conceptualisation quant à nos quotidiens qu'il appartient d'inventer et de nous (ré) approprier. 

Un lundi 8 juillet...

«Plus haut, plus vite, plus fort». Cette expression très sportive épouse si bien les contours de notre société. Laquelle favorise de plus en plus l’émotion de l’instant au détriment de la rationalité, la passion débridée et exacerbée à l’analyse patiente et argumentée. L’époque est au toujours plus rapide, à l'effet buzz, au changement de cap sans prudence, aux résultats chiffrés érigés comme Graal. A la forme plutôt qu'au fond. Souvenons-nous. C’était il y a quatre ans, durant la période des confinements. Finalement, le monde au ralenti n’était pas si mal. Les animaux montraient même le bout de leurs museaux dans les artères des mégapoles, sans être dérangés par la tumultueuse présence humaine ! Nombre d’entre nous espéraient que ce rythme plus doux allait perdurer. On nous promettait la bouche en cœur «un monde d’après» et «des jours heureux.» Illusions et désillusions. Depuis quatre ans, une grande violence s’est répandue dans notre vivre ensemble. Elle a de multiples visages et va crescendo. Le champ politique n’est pas épargné. Cette angoissante accélération permanente et incontrôlable a fait la jonction avec cette électrisation sociétale. Pour arriver au chaos démocratique que nous connaissons.

Au pays des Lumières...

Ce dimanche 7 juillet, la France se rend une nouvelle fois aux urnes. Il est d'ailleurs grand temps que cette joute électorale finisse. C’est un pays fracturé au possible, épuisé, éreinté, ne cessant de courir comme un écureuil dans sa cage, qui est appelé au vote. On passera sur le jeu politique starifié, "tiktokisé", à l'ère des réseaux sociaux, totalement en décalage avec ces élus 100 % locaux, femmes et d’hommes, maniant avec discrétion et consensus les avancées de leurs territoires, connaissant leurs villes, leurs villages, leurs vallées et leurs reliefs, les caractères de ceux qui les composent, et qui tout autant que leurs administrés, sont déboussolés par le cirque ambiant. Le lundi 8 juillet, le pays verra, peut-être, se profiler un gouvernement comme nous n’en avons jamais connu. L’onde de choc sera immense et planétaire. Au pays des Lumières, de Voltaire, Hugo et Zola, de la terre des droits de l’homme... Peut-être la France sera-elle ingouvernable. Pas impossible, la culture de la coalition nous semblant tellement étrangère. Quel que soit le scénario sorti des urnes, il ne s’agira pas de rafistoler, de jouer au boutiquier. Mais, enfin, d’être à la hauteur, humble et responsable. On parle ici de celles et ceux qui aspirent à prendre les rênes et des décisions capitales pour notre avenir. Faire fi des coteries et des partisanismes, pas le moindre des défis. Voir haut et loin quand on sait que le chemin sera tortueux et difficile. 

Rebâtir et (re) faire société 

Une immense question collective doit traverser toutes les strates de notre société, ce lundi 8 juillet : pourquoi de toutes les manières en est-on arrivé là ? Chacun y verra un million d’explications. On trouvera peut-être là une occasion de répondre à ce qui a été vite édulcoré après la pandémie, à savoir, les fractures créées par cet épisode brutal et sidérant, qui a révélé bien des failles, bien des insuffisances, bien des abandons, en ruralité, dans les quartiers. Un sondage ces derniers jours indiquait que «50 % des votants RN se disaient mal dans leur vie.» À méditer. Donc, l’heure sera à la reconstruction. On ne partira pas d’un champ de ruines, car la France mésestime trop souvent ses atouts uniques et d’exception, avec cette tendance à l'auto flagellation. Le progrès humain passe et passera toujours par la base des territoires. En 1945, nos aînés ont rebâti sur l’esprit de la Résistance. Puis, les pères fondateurs de l’Europe ont imaginé un espace commun, comme garant d’un monde de paix, ne voulant «plus jamais ça.» Pourquoi, en 2024, ne pourrions-nous pas suivre leurs traces ? Ne nous leurrons pas, à partir du lundi 8 juillet, les temps seront compliqués. Plus encore qu’auparavant. Les marchands d’illusions, les discours béats optimistes n’y changeront rien. Quant aux Cassandre de malheur, ils ne serviront pas à grand chose, sinon, comme toujours, apeurer, affoler. Le temps sera aux efforts. De tous. Collectifs et individuels. On pense bien sûr au plan économique. Ne nous mentons pas, sortons du déni : les conséquences seront vite là. Le principe de réalité va s'imposer. Les marchés financiers scrutent notre instabilité. Rappelons que l'astronomique dette hexagonale est entre les mains de personnes qui ne sont pas françaises en majorité. Lesquelles ne feront pas de cadeaux en cas de dérapages incontrôlés en termes financiers et économiques.  

Le grand dessein commun

Tout cela obligera à un changement de paradigme radical, inévitable. Il passe déjà et se matérialise par l’entreprise. On le voit par d’authentiques et valeureuses initiatives de cheffes et chefs qui ont bouleversé leur process de management avec moins de verticalité, plus d’implication et de démocratie participative dans les rouages, et pris des virages de développement plus sobres, plus écologiques, plus économiques. N'empêche, un entrepreneur demeure un entrepreneur : si la confiance, la stabilité, la lisibilité ne sont pas là, il temporise, analyse, ajuste, avant d'investir et d'embaucher. On entend souvent que la France est orpheline, à la fois d’un homme ou d’une femme «nation» comme l’incarnait le général de Gaulle, et d’un grand dessein commun fédérateur. Sur ce second point, la réflexion apparaît étrange. Point de dessein commun ? Une absence d'objectif qui nous ferait déplacer des montagnes pour lui donner corps et l’accomplir ? L’avenir des générations futures ne serait pas un grand dessein ? Quel monde leur léguer ? De paix ou de guerre ? Fermé dans un carcan hexagonal ou épanoui vers le monde ? Définitivement nostalgique ou regardant de l'avant ? Quelle planète leur laisser en héritage ? Comment réguler et s'adapter aux conséquences du dérèglement climatique ? Ce lundi 8 juillet au matin, une chose sera sûre. Notre pays aura besoin d’une salutaire et éphémère, mais indispensable, pause pour ôter un peu de la charge mentale qui pèse sur ses épaules. Les Jeux Olympiques arrivent à propos pour cela. Ils peuvent, durant deux semaines, être un espace propice à la réflexion, car posés sur un socle de valeurs cardinales et l'universalisme. Une saine parenthèse. Vous savez ? Cette réflexion qui ne construit pas dans le tumulte, la provocation, la colère, l’agitation, la haine et le rejet, mais dans l’acceptation de l’autre et dans l’apaisement. On ne bâtit pas une société les uns contre les autres. Nos aïeuls aimaient à dire «dans mon temps, chacun était utile et avait sa place dans mon village, qu’il soit bien portant ou boiteux, lettré ou non.» Le Larousse donne une si jolie série de synonymes du mot apaisement : calme, détente, embellie, paix, sérénité, tranquillité. L'été sera passé, septembre sera là. Il faudra rebondir, faire le sursaut. Ensemble. Nous le pouvons. Nous le devons.