Un Ecopôle qui fait débat

Ramery environnement, qui exploite un centre de tri dans le bassin minier, fait face à une contestation des riverains de Pont-d'Ardres, inquiets de l'implantation d'un écopôle sur l'ancien site des sucreries de Tereos fermé en 2004. La direction a voulu faire preuve de pédagogie et rassurer en ouvrant ses portes à quelques jours de la fin de l'enquête publique.

Un Ecopôle qui fait débat
D.R.

Mathieu Ramery, dirigeant de la branche environnement du groupe éponyme.

Après les nombreux remous provoqués par son projet d’implantation d’un écopôle sur l’ancien site de la sucrerie de Pont-d’Ardres à Ardres, Ramery environnement a finalement réagi en ouvrant les portes de son site d’Harnes, dans le bassin minier. “Nous voulons montrer ce qu’on sait bien faire depuis dix ans“, explique Mathieu Ramery, dirigeant de l’entreprise éponyme et filiale du bâtisseur régional. Engagée depuis 2009 dans son projet de revitalisation du site industriel à travers sa transformation en centre de tri et de valorisation de déchets, Ramery environnement touche pourtant au but en cette fin d’enquête publique. Mais c’était sans compter sans l’émergence d’une protestation populaire et le revirement du maire de la ville, Ludovic Loquet. Ce dernier avait pourtant déclaré y être favorable dans les documents relatifs à l’enquête publique, avant de changer de position dans la foulée de la manifestation du 14 septembre dernier devant la mairie… “Je peux comprendre mais je n’ai pas à me prononcer sur son attitude“, répond le dirigeant qui affirme ne pas vouloir renoncer : “Notre dossier est bien ficelé et respecte la réglementation. Mais nous n’avons pas l’habitude de passer en force.” Dans cette ambiance peu propice au débat, le commissaire-enquêteur a demandé au préfet de prolonger de deux semaines la durée de l’enquête publique. Celle-ci se terminera le 20 octobre prochain. Quatre jours plus tôt, Mathieu Ramery viendra présenter en réunion publique un projet légèrement modifié. La revitalisation du site de Pont-d’Ardres est déjà en route : l’activité de tri a commencé dès 2009. L’entreprise avait acquis le site quelques mois plus tôt et obtenu le récépissé de déclaration ouvrant droit à l’activité de tri et de valorisation de déchets sur le site qui fait désormais travailler 30 personnes. Pour élargir ses activités et monter en volume, Ramery a rapidement souhaité obtenir une autorisation d’extension avec le dépôt du dossier de demande d’autorisation d’exploiter (DDAE). Allers-retours avec la Dreal et modifications du projet ont rythmé les années 2011 et 2012 jusqu’à l’ouverture de l’enquête publique le 27 août dernier.

D.R.

Le site d'Harnes a ouvert ses portes à la presse le 4 octobre dernier.

Ardres, “modèle réduit” d’Harnes. Dimensionné sans avoir recours à la construction de nouveaux bâtiments, le projet prévoit diverses étapes dans la construction de la chaîne du déchet : un pôle de tri et de transit pour déchets, une installation de stockage de déchets inertes (jusqu’à 550 000 tonnes à l’issu de la décennie), un pôle de stérilisation des déchets (jusqu’à 1 500 tonnes/an) issus du monde hospitalier (Dasri), une plate-forme de compostage, une installation de transit de déchets industriels spéciaux (comme des huiles de moteur), et une plate-forme de déconstruction ferroviaire qui pourra fonctionner dans le cadre d’un marché conséquent en Nord-Pas-de-Calais. En outre, une déchetterie dédiée aux professionnels (artisans, commerçants) d’une capacité maximale de 20 000 tonnes/an, une zone de transit des boues de stations d’épuration industrielles ou urbaines et une autre spécifiquement construite pour les boues d’hydrocurage sont prévues. Les gênes sont limitées d’après la direction de Ramery environnement : le transport semble maîtrisé. Le stockage des déchets engendrerait des mouvements quantifiés à 200 tonnes/jour, “soit 14 poids lourds/jour pendant 11 ans” explique le dirigeant. A terme, le site d’Ardres verrait passer 100 à 120 entrées/jour : à l’époque de la sucrerie de Tereos, le nombre atteignait 400 entrées, mais la saison ne durait que trois à quatre mois… Le transport fluvial pourrait être utilisé mais cela dépendra des clients et de leur localisation par rapport aux voies d’eau. A Harnes, seules quelques barges quittent mensuellement le site. Pour autant, Ardres ne sera pas très différente de Harnes. “C’est en gros, ce qu’on fait déjà ici, en modèle réduit“, résume Mathieu Ramery avant la visite. Pour convaincre de la sûreté des futures installations de Pont-d’Ardres, Mathieu Ramery prend pour exemple le site d’Harnes. Sur 14 hectares, Ramery environnement accueille quotidiennement 600 tonnes de déchets. Deux ponts à bascule forment la première étape des matières entrantes. “Les plastiques sont valorisés vers la Grande-Bretagne. Les plasturgistes français ont bien moins de besoins depuis la crise“, explique Thierry D’Halluin, directeur de la valorisation, devant le hangar où des pneus sont chargés manuellement par deux salariés vers une chaîne qui les dirige ensuite vers un broyeur. “C’est l’ancienne installation et ça ne nous convient pas. L’inspecteur du travail nous l’a également signifié. Une nouvelle machine entièrement automatisée va démarrer dans les prochains jours. Les ouvriers ne feront plus cela“, précise, transparent, Mathieu Ramery. Un million d’euros ont été investis dans cette opération.

Une création de 80 emplois directs et indirects. Un autre million d’euros a été investi pour le site ardrésien depuis 2009. Comme à Harnes, il y aura un pôle dédié à la neutralisation des déchets médicaux : “Nous en collectons et traitons 2 500 tonnes/an“, indique Mathieu Ramery. De grands bacs jaunes (pour les matières infectieuses) sont amenés par un opérateur ganté vers des autoclaves dans lesquels ils basculent. Une montée en pression précède le broyage: 20 minutes à 180 degrés. La vaporisation conduit à la stérilisation. Les restes, transformés en confettis, sont versés dans des bennes externes. “On travaille sur un projet de valorisation (il y a des plastiques et un peu de métal), mais ce n’est pas encore prêt. Il faut que la réglementation évolue aussi“, poursuit Thierry D’Halluin. Les bacs jaunes sont lavés, désinfectés et repartent dans les hôpitaux de la région. Alors que la visite se poursuit, la crainte relative au traitement de l’amiante est balayée par Mathieu Ramery : “On fait 15 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le groupe sur l’amiante. On sait faire!” Les alvéoles prévues pour le stockage de ce produit disparaîtront du projet suite à un changement dans la réglementation survenue en mars dernier. Seule de l’amiante inerte sera en transit sur le site d’Ardres. “On passe d’un site qualifié d’industriel à sa transformation vers une autre activité industrielle. Je ne vois pas où est le problème. Nous créons 80 emplois. Le site sera mieux géré que s’il reste à l’abandon“, plaide le dirigeant. Un dirigeant optimiste : le marché ferroviaire – un débouché pour la plate-forme de déconstruction – forme une niche qui croît et les acteurs capables de s’y lancer sont encore peu nombreux. Les appels d’offres relatifs au renouvellement des équipements d’Eurotunnel, de la RATP ou de la SNCF donnent la mesure de la valeur à créer sur ce segment de marché. Ramery environnement veut s’y arrimer et quitter le monde déjà concurrentiel des déchets traditionnels. Et sortir de l’étroitesse de son site d’Harnes…

Encadré:

Ramery environnement en chiffres

Ramery environnement emploie 430 personnes à Harnes, Haubourdin et Ardres. La société réalise un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros (chiffre 2011) et son développement est continu depuis sa création en 2000. “On est passés de 37 salariés en 2002 à plus de 400 aujourd’hui“, s’enorgueillit Mathieu Ramery. L’entreprise compte 20 implantations (dont les deux tiers à bord de canal) dans le grand Nord de la France, dont 4 centres de compostage et 4 centres de tri où sont valorisés 60% des matières entrantes. Ces dernières s’incarnent dans 24 “produits” revendus aux grossistes ou aux industriels.