Un dispositif d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë

Créé en 2013 par le tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime), rejoint depuis par dix autres juridictions françaises, le dispositif APESA, qui entre en pratique dans les arrondissements de Boulogne, Calais, Saint-Omer et Montreuil-sur-Mer, contribue au repérage des chefs d’entreprise en grande souffrance morale face à la défaillance de leur affaire. Il leur propose aussitôt un soutien psychologique gratuit.

APESA 62 est présidée par Jean-Pierre Braure, juge au tribunal de commerce.
APESA 62 est présidée par Jean-Pierre Braure, juge au tribunal de commerce.

“Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë” (APESA 62 Boulogne-sur-Mer) est une association créée à l’initiative du tribunal de commerce de Boulogne, son greffe et un représentant des mandataires judiciaires pour venir en aide aux dirigeants de PME ou de TPE en difficulté psychologique. «Nous nous adressons aussi aux agriculteurs et aux artisans pêcheurs, ajoute le président Jean-Pierre Braure, même s’ils ne sont pas ressortissants du tribunal de commerce. La détresse des petits patrons n’est pas un sujet honteux, c’est un vrai phénomène de société, une réalité dont on parle peu.» La souffrance est d’autant mal évaluée qu’il n’y a pas de médecine du travail pour le patron. Chaque année, près de 200 chefs d’entreprise mettent fin à leurs jours, d’après l’Observatoire de la santé des dirigeants de PME.

D.R.

APESA 62 est présidée par Jean-Pierre Braure, juge au tribunal de commerce.

Former des «sentinelles». Concrètement, a été mis en place un véritable système de repérage et d’alerte du risque suicidaire au sein même du tribunal, afin que soit proposée et apportée dans un deuxième temps une réanimation psychologique d’environ cinq consultations gratuites (d’un coût d’environ 350 euros) avec un psychologue. Grâce à une formation de détection de la crise suicidaire (qui aura lieu le 20 janvier au tribunal de commerce de Boulogne), tout un réseau de «sentinelles» sera à même d’écouter les entrepreneurs à risque et de faire preuve de solidarité. «Ces sentinelles, précise Jean-Pierre Braure, sont les juges qui reçoivent en audience les mandataires judiciaires, les greffiers et les assistants, mais aussi, plus en amont, les experts comptables, les salariés de l’entreprise, les conseillers du RSI, de l’Urssaf, des chambres consulaires, les banquiers, les syndicats patronaux…»

«La crise suicidaire ce n’est pas une pathologie, explique un psychologue, mais un processus qui enferme psychiquement la personne, l’isole et la prive de sa capacité de penser. Il est donc possible de le désamorcer en aidant l’entrepreneur en souffrance à retrouver l’estime de soi et à trouver une autre issue que le suicide.» Faire en sorte que l’échec ne soit que la première étape d’un rebond professionnel ou personnel.

Le dispositif est simple et efficace. La sentinelle, avec l’accord du chef d’entreprise dont la souffrance a été décelée, remplit alors une fiche d’alerte. Une convention a été signée avec RMA (Ressources Mutuelles Assurances) pour que cet organisme prenne le premier contact dans les 24 heures qui suivent l’alerte. Cette plate-forme, en fonction du diagnostic, prescrit trois à cinq séances de suivi spécialisé par un praticien de proximité.

Aider l’entrepreneur. L’association est indépendante du tribunal de commerce. Bien sûr, une charte signée par les praticiens des procédures collectives impose une étanchéité absolue de l’information entre l’équipe de soins et celle des juges, greffiers et mandataires. Et le secret professionnel est garanti.

Pour prendre en charge les différents accompagnements psychologiques proposés, APESA 62 dispose d’un budget annuel d’environ 10 000 euros, alimenté par les subventions des collectivités territoriales et des dons privés.

D.R.

Rassemblée autour de Jean-Pierre Braure et de Daniel Lefebvre, vice-président, l'équipe constitutive d'APESA 62.

Le tribunal de commerce de Boulogne lance chaque année environ 450 procédures collectives (dont 260 liquidations). Ses juges rappellent qu’ils sont là pour aider l’entreprise et regrettent que seuls 10% des dirigeants qui comparaissent devant eux viennent de leur propre initiative.

 

APESA 62 BSM : 16, rue de la Barrière-Saint-Michel – 62200 Boulogne-sur-Mer. Tél. : 06 32 75 92 41.