"Un crève-coeur": à Grenoble, les Restos contraints de refuser du monde
"C'est cruel et très difficile": alors que s'ouvre la campagne d'hiver des Restos du Coeur, le centre de distribution de Gières, près de Grenoble, a dû refuser ses aides alimentaires à 60 familles sur...
"C'est cruel et très difficile": alors que s'ouvre la campagne d'hiver des Restos du Coeur, le centre de distribution de Gières, près de Grenoble, a dû refuser ses aides alimentaires à 60 familles sur près de 900, faute de ressources suffisantes.
"C’est vraiment un crève-cœur pour les bénévoles, notre mission n'est pas de dire +non+", souligne Jean-Paul Cézard, responsable départemental des Restos du Coeur.
Plusieurs dizaines de personnes font calmement la queue en ce mardi matin, attendant d'être appelées une à une à l'intérieur du centre de Gières. Un bénévole, fiche individuelle à la main, les accompagne devant les rayons où ils choisissent leurs produits, frais ou en conserve, et leur explique à quoi elles ont droit, suivant un régime de points revu désormais en forte baisse.
Quelque 1.800 familles dépendent habituellement des victuailles distribuées par ce centre niché depuis des années entre le campus de Grenoble et une vaste zone commerciale, où oeuvrent 66 bénévoles, pour la plupart des retraités.
Pour la première fois de leur histoire, les Restos du Coeur ont baissé le niveau de revenu qui donne droit à l'aide alimentaire. Au niveau national, "entre 5 et 10% des personnes accueillies l'hiver dernier se voient refuser l'aide alimentaire cette année", selon leur président Patrice Douret.
Prise en tenaille entre la forte augmentation du nombre de demandeurs d'aide et la hausse des prix, l'antenne de Gières s'est résolue à refuser du monde et à réduire sensiblement les rations des bénéficiaires restants.
"C'est une décision très importante, cette 39e campagne d'hiver est particulière parce qu'on est amené à annoncer des difficultés" mais "il fallait faire quelque chose si on ne voulait pas aller dans le mur d'ici trois ans" financièrement, détaille Jean-Paul Cézard.
Un moment difficile
Pour parer à tout heurt avec des bénéficiaires déçus et préserver des bénévoles déjà sous pression, le centre de Gières s'est préparé plusieurs semaines à l'avance: réunions, formations, préparation aux possibles réactions et même un "tour à blanc" avec l'un d'entre eux jouant le rôle d'un bénéficiaire, relatent les deux responsables du centre, Jean-Louis Sounie et Jean-Marc Beaucourt.
Patricia Borel et Françoise Calvet, toutes deux bénévoles, sont chargées ce mardi des inscriptions après vérification des ressources des requérants. Sur une dizaine de dossiers, elles ont dû refuser celui d'un père de quatre enfants sans emploi, un moment "difficile" malgré la formation qu'elles ont reçue.
"On lui a expliqué pourquoi, il était un peu déçu. Il ne dépassait pas de beaucoup (le barème) mais le logiciel nous bloque", expliquent-elles, indiquant l'avoir "redirigé vers d’autres associations pour ne pas le laisser repartir comme ça, dépité".
Pour ceux qui ont encore accès à l'aide, "le gros changement, c'est le lait", jadis distribué en abondance, notamment aux familles avec jeunes enfants, et qui n'est désormais plus attribué qu'avec parcimonie, une évolution assez "symbolique", note M. Sounie.
Imene Touzouti sent elle aussi la différence: "On a moins de produits: aujourd'hui au lieu d'avoir neuf produits, j'en ai sept et je ne suis pas sûre que ça va me tenir toute une semaine", regrette cette étudiante algérienne "un peu en situation de précarité", qui dit néanmoins "comprendre" ces restrictions.
"C'est un peu de stress", relève de son côté Nazareth Serrano, une Vénézuélienne de 35 ans actuellement sans papiers. "Je ne peux pas travailler, c'est vraiment grâce à eux que je peux manger", souligne-t-elle.
Concrètement, 7 à 8% des près de 900 familles qui ont voulu s'inscrire ces dernières semaines à Gières pour la campagne d'hiver, soit environ une soixantaine, ont été refusées car elles n'entraient pas dans le nouveau barème des Restos.
Mais même ainsi, ces mesures ne feront au mieux que "contenir la hausse" du nombre de bénéficiaires, en pleine envolée depuis un an en Isère (+35% d’un été sur l'autre et encore davantage dans l'agglomération grenobloise), avec notamment de plus en plus d'étudiants et de migrants, estiment les responsables de l'association.
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