Un an après, les Monts d'Arrée restent meurtris par les incendies
Un an après, les Monts d'Arrée portent encore les stigmates de l'incendie qui a ravagé landes et tourbières à l'été 2022, tuant des centaines d'oiseaux et détruisant les lieux de nidification d'espèces...
Un an après, les Monts d'Arrée portent encore les stigmates de l'incendie qui a ravagé landes et tourbières à l'été 2022, tuant des centaines d'oiseaux et détruisant les lieux de nidification d'espèces emblématiques tels que le busard cendré.
"Cette année, ça a été un printemps silencieux, car tous les oiseaux qui nichaient dans les landes incendiées ont disparu", lâche Jean-Noël Ballot, ornithologue de l'association Bretagne Vivante, jumelles autour du cou et bottes dans la tourbière.
Derrière lui, la chapelle du XVIIe siècle du Mont Saint-Michel de Brasparts semble posée sur un amas de roches blanches et de cendres noires. Epargné par les incendies, l'édifice a néanmoins été entièrement rénové dans le cadre d'un plan de restauration du site.
Autour de la colline, le paysage a repris des teintes vertes ou orangées mais le sol noirci et les arbres calcinés rappellent l'incendie déclenché le 18 juillet 2022, en pleine canicule estivale.
Pendant environ un mois, plusieurs feux et reprises de feux ont détruit 2.200 hectares de végétation, soit environ 20% du site Natura 2000 des Monts d'Arrée, le plus vaste ensemble de landes atlantiques de France et plus important complexe de tourbières en Bretagne.
"Des milieux qui hébergent des espèces rares", souligne Jérémie Bourdoulous, directeur des patrimoines naturels au Parc naturel régional d'Armorique.
Des espèces telles que le courlis cendré, un oiseau au long bec incurvé vers le bas, qui niche au sol, dans les landes et tourbières. "Le dernier bastion qui restait pour cette espèce en Bretagne, c'étaient les Monts d'Arrée: il y a une vingtaine d'années, on avait encore 60 couples", rappelle Jean-Noël Ballot.
- "Au bord de l'extinction"-
Mais "la population bretonne de cet oiseau est au bord de l'extinction", se désole-t-il, avec seulement quatre couples recensés cette année, contre treize l'année dernière.
Autre espèce emblématique, le busard cendré, un rapace qui niche au sol, a lui aussi vu sa population fondre de 25 à 17 couples cette année, après la destruction par le feu de plusieurs sites de nidification et la disparition de ses proies, en particulier les passereaux.
Car dans les landes sèches incendiées, la totalité des passereaux sont morts: fauvette pitchou, locustelle tachetée, bruant jaune, etc... "Il va falloir attendre que la lande se reconstitue pour qu'ils puissent nicher à nouveau. Ça va prendre des années", prévoit l'ornithologue.
Pour les sites les plus touchés, il faudra peut-être même attendre "des dizaines d'années" avant de voir la lande reprendre son état d'origine, selon Marie-Violaine Caillaud, botaniste au Conservatoire botanique national (CBN) de Brest.
"On peut déjà observer une reprise différente selon l'intensité du feu et le type de milieu touché", observe-t-elle.
Quand le feu est passé rapidement (le cas le plus courant), la lande a souvent déjà repris à partir des graines ou des racines encore présentes dans le sol. A l'inverse, quand le feu a couvé longuement, il a modifié les propriétés du sol et la lande laisse la place à des plaques de mousses pionnières.
A terme, le risque est que l'altération des sols favorise "des espèces plus communes, moins spécifiques du milieu", souligne Mme Caillaud.
- "Faire confiance à la nature"-
Des plantes rares et protégées, comme le malaxis des marais (une petite orchidée des tourbières) ou le lycopode sélagine (une fougère primitive), ont en outre été touchées par les feux.
Ces deux espèces boréales, déjà affaiblies par les sécheresses successives, pourraient être menacées de disparition à terme. "On travaille beaucoup à favoriser leur vivacité", explique la botaniste. "L'idée, c'est de prendre soin du milieu."
En "dernier recours", une réintroduction de ces plantes pourrait être envisagée, à partir de spécimens conservés par le CBN. Mais "c'est extrêmement réglementé et très long, à la fois scientifiquement et administrativement", souligne Mme Caillaud.
"Il faut faire confiance à la nature, elle va reprendre", assure-t-elle.
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