« Le ski demeure le moteur principal de l'économie de la montagne »
Trois questions à Jean-Luc Boch, président de France Montagnes
Durement touchés par la crise, les professionnels du tourisme de montagne accueillent favorablement le plan « Avenir montagnes » du gouvernement. Avant la pandémie, le secteur avait déjà commencé à diversifier son offre au delà du ski, lequel demeure indispensable. Mais la concurrence guette.
Le plan « Avenir montagnes », présenté le 27 mai par Jean Castex, sera-t-il suffisant pour sauver l'économie de la montagne durement impactée par la crise ?
C'est un premier pas intéressant. L'économie de la montagne a été très durement touchée et nous avions déjà prévenu que 7,5 à 8 milliards d’euros d'indemnisation seraient nécessaires. Entre les aides d'urgence et les investissements liés à ce nouveau plan, on s'en approche. Le plan va aider au redémarrage de l'économie. Parmi les sujets importants qu'il traite, figure l'hébergement : il y a trente ans, les skieurs louaient 25m2 à quatre pour une semaine. Aujourd’hui, on veut le même confort qu'à la maison. Cela implique des restructurations importantes des bâtiments. Mais il faudra aller plus loin, en faisant évoluer les modes de commercialisation. Des résidences secondaires ouvertes une semaine par an, cela ne sert à personne. Sur ce point, le gouvernement a nommé un groupe de travail, qui fera des propositions. Une hypothèse pourrait être de fiscaliser le fait d'occuper son logement moins d'une dizaine de semaines par an. Parmi les autres thèmes abordés par le plan, figure aussi le fait de renouer avec la pratique des classes de neige ou vertes. C'est essentiel pour l'avenir de la montagne. Vous êtes amoureux d'elle, quand vous l'avez connue jeune ...
Avant même le choc de la pandémie, l'économie de la montagne avait commencé à évoluer. Le ski, c'est fini ?
Soyons clairs, le ski demeure le moteur principal de l'économie de la montagne. Sans lui, tout est fini. Toutes les stations se sont créées avec un modèle économique basé sur cette activité. Et il est faux de dire qu'en raison des changements climatiques, ce sport va disparaître ; les études montrent que dans 30 ans, on skiera encore en France ! Cependant, nous avons déjà commencé à préparer les étapes d'après. Nous élargissons progressivement les ailes de saison, en hiver et en été. Cela permet d'amortir les investissements sur huit mois, et non plus sur quatre ou cinq. Cette démarche va de pair avec une diversification de l'offre des activités. Elles sont déjà très nombreuses, l'été, mais aussi l'hiver. Nos visiteurs ne skient plus de 9h à 17h. Ils souhaitent aussi faire des balades en scooter électrique, un parcours en tyrolienne... Utiliser les infrastructures à l'année va aussi permettre de développer l'activité de séminaires en station, ou des solutions pour le télétravail, lequel devrait se développer. Par ailleurs, nous allons aussi valoriser davantage la montagne comme lieu pour se ressourcer : on vit mieux et plus longtemps en altitude.
Stations autrichiennes, suisses, italiennes, espagnoles... la montagne française ne manque pas de concurrents. La pandémie ne rabat-elle pas les cartes, y compris, en faisant manquer à la France le retour d’une clientèle internationale ?
L'été dernier, nous avons tiré parti du développement d'un tourisme de proximité. La montagne est devenue la deuxième destination des vacanciers après le littoral, passant devant la ruralité et les grandes villes. On peut espérer que cela perdure : les vacanciers sont de plus en plus attentifs à l'impact de leurs déplacements sur l'environnement... Nos principaux concurrents sont les stations autrichiennes, qui disposent de budgets de promotion supérieurs à celles françaises. Et comme nous, depuis quelques années, elles ont commencé à développer des activités sur les quatre saisons. Quant à la clientèle internationale, elle représentait jusqu'à présent 30% des visiteurs des stations en France. Parmi eux, les Britanniques sont les plus nombreux. Fervents skieurs, ils reviendront. En revanche, les clients qui viennent de très loin, comme les Asiatiques, risquent de ne pas revenir avant un certain temps. Cela va toucher de grandes stations qui ont basé leur développement sur le tourisme international. Mais la situation est très variée : des stations plus petites travaillent avec une clientèle à 80, voire 90% française.