Tribunaux de commerce, un congrès national pour aller de l’avant

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, lors de son intervention au Congrès national des tribunaux de commerce.
Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, lors de son intervention au Congrès national des tribunaux de commerce.

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, lors de son intervention au Congrès national des tribunaux de commerce.

Marseille accueillait récemment le Congrès national des tribunaux de commerce. Deux jours intenses pour faire le point sur les récentes réformes et évoquer l’avenir des entreprises fragilisées par des crises à répétition.

Le tribunal de commerce de Marseille a accueilli les 8 et 9 décembre derniers le congrès des juges consulaires de France. Le cru 2016 aura été notamment marqué par la présence de Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice, dont le discours a été particulièrement apprécié par l’assistance. « Je viens porter un message d’apaisement. Je suis dans la conciliation plutôt que dans l’affrontement. Je suis attaché à la qualité des relations entre la chancellerie et les tribunaux », a-t-il notamment annoncé aux juges consulaires. Une bonne nouvelle alors que les deux parties auront dans les prochains mois l’occasion de travailler ensemble, notamment suite à la promulgation de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Après avoir fait un point sur les autres réformes récentes et en cours, il a rappelé en guise de conclusion que « la justice n’est pas l’ennemi de l’entreprise ». Le congrès 2016 aura également été marqué par le discours d’Yves Lelièvre, président de la Conférence générale des juges consulaires de France qui achève son mandat. L’occasion de revenir sur les réformes importantes (dont l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du  droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ou la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) et sur les évolutions liées au statut du juge consulaire (protection statutaire, déontologie, formation). Place ensuite aux tables rondes particulièrement bien fournies en intervenants. Il a notamment été question de soutien financier aux entreprises, d’information sur la prévention de leurs difficultés mais aussi d’uberisation du droit.

La justice commerciale en marche pour l’uberisation du droit ?

La table ronde consacrée à l’uberisation du droit a dressé un état des lieux des start-up du droit mais a surtout mis en avant les réponses apportées par les différentes professions du droit face à cette nouvelle tendance. Il a donc été question de legaltech, ces nouveaux acteurs qui ubérisent la pratique du droit. Tout commence par une définition. Celle retenue ce jour figure dans la Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs remise fin novembre par l’Association pour le développement de l’informatique juridique (Adij) et l’association Open Law au bâtonnier de Paris. L’article 1 précise ainsi qu’« est défini comme acteur de la Legal Tech1 […] toute organisation qui fait usage de la technologie pour développer, proposer, fournir ou permettre l’accès des justiciables ou des professionnels du droit à des services facilitant l’accès au droit et à la justice. » Une définition peu restrictive mais qui a le mérite d’exister. Pour Jean Gasnault, président de la Loi des ours, administrateur d’Open Law et coordinateur du programme “Économie numérique du droit”, pas de doute, « l’ouverture du site Internet Légifrance [ndlr, le service public de la diffusion du droit] a accéléré la création de start-up du droit. S’ajoute également à cela la création de nouveaux outils comme la signature électronique, les réseaux sécurisés etc. » Force est de reconnaître qu’il existe aujourd’hui une multitude de start-up (lire encadré) et il est difficile d’avoir un avis tranché en la matière. Pour Bruno Dondero, professeur à l’université Paris I, « la profession du conseil est en danger. Une entreprise qui veut créer une SAS2 trouvera sûrement plus simple de le faire via un site en ligne plutôt que de tenter d’obtenir un rendez-vous avec un avocat. » Son conseil pour les avocats ? «Certains devront aller plus vite, se moderniser s’ils ne veulent pas être dépassés. »

« Il faut surtout aller dans la prospection »

Patrick Le Donne, avocat, président de la commission “Nouvelles technologies” du Conseil national des barreaux (CNB), a ensuite pris la parole pour s’exprimer au nom de sa profession sur l’uberisation du droit. « Pour le moment, la profession a eu une attitude de réaction face à la création de startup du droit. Pour se démarquer, nous avons mis en avant notre rôle de conseil. Il est temps que cela change. On peut agir via des répressions, des réactions, mais il faut surtout aller dans la prospection.» Comprendre : il est nécessaire d’aller sur le terrain pour comprendre quel est le besoin de la société en la matière. Le verdict est sans appel : « Le CNB a décidé d’innover et de créer sa plate-forme du droit. » Sa valeur ajoutée ? « Nous sommes certains de mettre en avant de vrais avocats et donc un vrai conseil, une vraie consultation. » C’est ainsi que depuis le 15 juin dernier, le Conseil national des barreaux propose des consultations juridiques à partir du nouveau site Internet www.avocat.fr. Place ensuite à la profession de greffier qui s’est fait un malin plaisir de rappeler que « nous sommes engagés dans la dématérialisation du droit depuis 2004. Et que depuis 2007, il est possible pour une entreprise d’effectuer en ligne ses formalités au Registre du commerce et des sociétés », résume Jean Pouradier-Duteil, président du  Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. Des données authentifiées notamment par la voie de la signature électronique. Même écho du côté des juristes d’entreprise qui exercent dans des structures comprenant un service juridique depuis bien longtemps. « La profession considère les NTIC3 comme des outils amis. Il n’y a pas d’aversion pour elles », précise Laure Lavorel, vice-présidente juridique Europe, Moyen-Orient, Afrique de CA Technologies, administratrice du Cercle Montesquieu.

1. Notion issue de l’anglais LegalTechnology.
2. Société par actions simplifiée.
3. Nouvelles technologies de l’information et de la communication.