Tribunal de commerce : l’accent sur la prévention
L’audience solennelle de rentrée s’est tenue mercredi 15 janvier au Tribunal de Beauvais. Avec un maître-mot : la prévention.
Accueillie par le président du Tribunal judiciaire Franck Bielitzki, la présidente du Tribunal de commerce, Marie-Noël Blain, a dressé un bilan de l’année écoulée dans sa juridiction. En 2019, le Tribunal de commerce a enregistré une légère baisse du nombre d’ouvertures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire, avec 168 ouvertures contre 191 l’année précédente. En revanche, les effectifs concernés sont en hausse significative, passant de 179 salariés en 2018 pour 431 en 2019. Avec 130 affaires nouvelles enrôlées, le tribunal a prononcé 93 décisions et rendu six jugements en responsabilité pour insuffisance d’actif, sept jugements d’interdiction de gérer et 17 jugements de faillite personnelle. « Si nous globalisons l’activité de notre juridiction, le tribunal a prononcé 2 405 décisions pour un effectif de 15 juges et 12 juges commissaires », précisait la présidente. Six juges ont été réélus, Claudine Lucien, Anne-Sophie Declercq, Alexandra Mullard, Georges Lenne, Thierry Lefeuvre et Didier Texier. Un nouveau juge a été élu, Philippe Cacaux.
Prévention et procédure amiable
« L’effort de notre juridiction porte toujours sur la prévention », poursuivait la présidente. En 2019, 117 dirigeants d’entreprises ont été invités à rencontrer la présidente ou le juge délégué à la prévention. Une quarantaine se sont présentés et ont été informés des différentes possibilités de procédures amiables, mandat ad hoc, conciliation ou sauvegarde.
“La prévention peut éviter le dépôt de bilan”
Si un état de cessation de paiement est constaté, Marie-Noëlle Blain engage les chefs d’entreprises à demander au plus vite l’ouverture d’une procédure collective de redressement ou liquidation judiciaire. Les procédures collectives présentent en dix ans en France un taux de réussite de l’ordre de 30%, alors que les procédures amiables avoisinent les 75% : « C’est tout simplement parce que ces dernières sont confidentielles. Mais les procédures amiables et collectives au soutien des entreprises en difficulté peuvent, dans certains cas, être complémentaires », soulignait la présidente. La confidentialité sera renforcée par la nouvelle directive européenne “restructuration et insolvabilité” adoptée en mars 2019, qui met en place une procédure de restructuration préventive et confidentielle qui pourrait se substituer à la sauvegarde.
La loi Pacte
Par ailleurs, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation de l’entreprise) promulguée le 29 mai 2019 reconnaît un droit à l’échec entrepreneurial en favorisant le rebond des entrepreneurs. Elle prévoit notamment le rétablissement professionnel, une procédure de liquidation simplifiée et la suppression de la mention de la liquidation judiciaire sur le casier judiciaire des personnes physiques. « Cependant, en relevant le seuil de désignation des commissaires aux comptes, elle affaiblit la détection des difficultés des entreprises dont l’alerte du commissaire aux comptes était un élément cardinal. De même, elle relève le seuil de publicité du privilège du Trésor, c’est-à-dire des dettes fiscales et sociales de l’entreprise qui sont souvent les premières créances impayées : les chefs d’entreprise doivent impérativement prendre conscience que les mesures de prévention doivent être initiées le plus en amont possible, la vie de leur entreprise en dépend. La prévention peut éviter le dépôt de bilan si elle est utilisée à temps », martelait la présidente.
Soutien psychologique
Annoncé en début d’année dernière, le dispositif Apesa (Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aigüe) a été mis en place en 2019 par le tribunal de commerce de Beauvais, rejoint par celui de Compiègne : car la mauvaise santé financière d’une entreprise atteint souvent la santé psychologique de ses dirigeants, qui y ont investi non seulement des capitaux mais aussi leur vie. Dix-sept “sentinelles” ont ainsi été formées, et onze dirigeants ont bénéficié d’une prise en charge par la cellule psychologique. Enfin, le tribunal de commerce a signé en 2019 une convention définissant les modalités d’application des “Modes amiables de règlement des différends” (MARD) : car si la mission d’un juge est de trancher un litige, elle peut être également de concilier les parties. « Ne dit-on pas : mauvais accord vaut mieux qu’on bon procès ? », conclut Marie-Noëlle Blain.
Encadré :
Trois juges honoraires récompensés
Le président du Tribunal de commerce de Valenciennes et président de la 8e Région Jean-Louis Equipart a remis la médaille consulaire à Jean-Louis Desesquelle et Jules Hatchiguian, tous deux juges bénévoles au tribunal de commerce de Beauvais pendant quatorze ans. Cette distinction était également attribuée à Gérard Juzieu, excusé pour raisons de santé.