Travaux herculéens à Nîmes dans l'un des quartiers les plus pauvres de France

La puissante pince hydraulique arrache un pan de mur, qui s'effondre 20 mètres plus bas. Après une décennie d'attente, de gigantesques travaux ont enfin débuté dans le quartier nîmois de Pissevin, l'un des symboles...

Un immeuble d'habitation en cours de démolition dans le quartier de Pissevin, à Nîmes, le 6 août 2024 dans le Gard © CLEMENT MAHOUDEAU
Un immeuble d'habitation en cours de démolition dans le quartier de Pissevin, à Nîmes, le 6 août 2024 dans le Gard © CLEMENT MAHOUDEAU

La puissante pince hydraulique arrache un pan de mur, qui s'effondre 20 mètres plus bas. Après une décennie d'attente, de gigantesques travaux ont enfin débuté dans le quartier nîmois de Pissevin, l'un des symboles des maux et dysfonctionnements des banlieues françaises.

Des 17 étages de la tour Pollux, la moitié a déjà été grignotée par les pelleteuses, dans le bas de ce quartier de 16.000 habitants construit à la fin des années 1960 dans l'ouest de Nîmes pour accueillir, dans l'urgence, des populations issues de l'exode rural, des rapatriés d'Afrique du Nord puis des travailleurs immigrés.

Sur des collines de garrigue, quelque 7.500 logements furent bâtis dans des immeubles de six à 20 étages ou longs d'un kilomètre, de grands ensembles qui surgirent à l'époque dans plusieurs pays européens. 

Mais nombre de ces vastes copropriétés, loin du centre, sont désormais très dégradées et concentrent des familles de catégories socioprofessionnelles défavorisées. 

Aujourd'hui, la moitié des habitants de Pissevin a moins de 25 ans et 70% vivent sous le seuil de pauvreté, avec un fort sentiment d'abandon. 

"Ces grands ensembles ont été la mode à une époque, aujourd'hui c'est totalement révolu. Et comme dans la plupart des quartiers populaires de France, il y a un trafic de drogue important qui s'est mis en place", explique à l'AFP l'adjoint au maire de Nîmes chargé de la rénovation urbaine, Olivier Bonné.

Même si le tissu associatif est très dense, le quartier a surtout fait la couverture des journaux pour ses fusillades meurtrières entre bandes se disputant le marché de la drogue, qui peut rapporter quotidiennement plusieurs dizaines de milliers d'euros, selon les autorités.

Près de 270 millions d'euros d'argent public (Etat, collectivités locales et bailleurs sociaux) vont être consacrés au cours des trois prochaines années à la "transformation du quartier, avec la démolition ou la réhabilitation de logements dégradés, la construction de nouveaux logements et commerces, ainsi que la réalisation d'espaces et d'équipements publics de qualité", ont indiqué la préfecture du Gard, la ville et la métropole de Nîmes.

Ils seront complétés par la mise en place d'un "plan de sauvegarde pour les copropriétés Wagner" (30 millions d'euros de subvention de l'Etat) et d'une "Opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-In)", la seule lancée hors Ile-de-France pour un montant évalué à 180 millions d'euros sur 15 ans.

Souvenir du petit Fayed

Ancien joyau avec ses boutiques chics, la galerie Richard Wagner est aujourd'hui l'épicentre du trafic de drogue et de la guerre entre bandes qui fauche des victimes souvent très jeunes.

Là aussi, les bulldozers sont entré en action: la discothèque et la salle de boxe désaffectées dans les sous-sols viennent d'être démolies et la grande dalle de béton servant de parking laissera place à un espace ouvert, redonnant à l'ensemble son allure originelle de vallon.

Les urbanistes ont travaillé avec la police pour que disparaissent les "coins et recoins", "terrain de jeu rêvé" des trafiquants et cauchemar des habitants, souligne Olivier Bonné.

"Il était bien ce quartier. Et puis, avec la délinquance... on ne pouvait même plus aller à La Poste", soupire Aline Fortes, 65 ans, qui attend "beaucoup" de la rénovation.

A Pissevin, beaucoup restent marqués par la mort il y a presque un an, le 21 août 2003, de Fayed, victime collatérale, à 10 ans, d'une fusillade au pied de la galerie.

Ne rien lâcher

"Maintenant que les gens ont vu les engins arriver, l'espoir renaît", souligne, toujours un rien sceptique, Raouf Azzouz, directeur du centre social Les mille couleurs et fin connaisseur du quartier.

Jusqu'à présent "les choufs (guetteurs) sont toujours là, les trafics continuent", malgré d'importantes opérations policières menées ces derniers mois, ajoute-t-il. Très attendu, un nouveau poste de police devrait être inauguré dans les prochaines semaines.

"Quand vous entendez des tirs d'armes de guerre sur le chantier, ce n'est pas évident. Mais on n'a rien lâché. Que des enfants se fassent abattre, c'est insupportable, mais c'est une motivation supplémentaire", raconte Olivier Lelièvre, chargé de la supervision des travaux pour le bailleur social Un toit pour tous.

Tous espèrent que Pissevin retrouvera une dose de mixité sociale et de la sérénité.

Delphine Pagès, la jeune pharmacienne qui vient de rejoindre l'officine de ses parents, installée depuis 20 ans à Pissevin, se dit "très enthousiaste".

"Il y aura deux marchés qui vont revenir, avec des beaux espaces verts, des fontaines, un espace de vie hyper-agréable et, pour nous, un espace de travail qui donne envie de s'investir pour la population de ce quartier", se réjouit la jeune femme.

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