Territoires

Transports : l’état de grâce du ministre François Durovray

Au récent salon professionnel des transports EuMo Expo, décentralisé à Strasbourg pour cause de Jeux olympiques, le secteur des transports a réservé un accueil chaleureux à son nouveau ministre, François Durovray, grand connaisseur de la matière. Les élus et les opérateurs continuent cependant de s’inquiéter pour les financements.

François Durovray, nouveau ministre délégué aux Transports, discute avec Louis Nègre président du Gart, Groupement des autorités responsables des transports, et Marie-Ange Debon, présidente de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), le 3 octobre, à Strasbourg.
François Durovray, nouveau ministre délégué aux Transports, discute avec Louis Nègre président du Gart, Groupement des autorités responsables des transports, et Marie-Ange Debon, présidente de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), le 3 octobre, à Strasbourg.

Pas besoin de faire les présentations. François Durovray connaît tout le monde. Le nouveau ministre des Transports, lorsqu’il arpente les allées du salon professionnel des transports EuMo Expo, European Mobility Expo, à Strasbourg, le 3 octobre, salue chacun par son prénom, tutoie, répond d’un air radieux à ceux qui l’interpellent, sans pour autant livrer de réponses décisives, qui relèvent du gouvernement auquel il appartient depuis le 21 septembre.

Les professionnels de la mobilité, opérateurs, élus, consultants, représentants des usagers, ne cachent pas leur soulagement d’avoir hérité d’un ministre qui connaît déjà les enjeux du secteur. Ce n’est pas si fréquent. Et pas une évidence dans le gouvernement Barnier, si on se fie à la déconvenue du monde de l’éducation, suite aux paroles publiques de la nouvelle ministre.

Quand il n’était que président (LR) du conseil départemental de l’Essonne, et vice-président du Groupement des autorités responsables des transports (Gart), les années précédentes, François Durovray était connu pour son plaidoyer en faveur des « cars express », liaisons rapides des périphéries vers les centres, qui, ce n’est pas un hasard, seraient bien utiles aux habitants de son département, dans le sud de l’Ile-de-France.

Le salon EuMo Expo, fort de ses 232 exposants et de ses 10 000 visiteurs annoncés, lui permet opportunément d’exprimer sa vision de la mobilité. « On attend beaucoup de vous », lui lance justement Louis Nègre, vice-président (LR) de la métropole de Nice-Côte d’Azur et président du Gart, dans un vouvoiement de circonstances. Le « choc d’offre », réclamé depuis des lustres par les élus et les transporteurs implique des investissements colossaux. Lorsqu’elle occupait Matignon, Elisabeth Borne, passée auparavant par le ministère des Transports, avait promis 100 milliards d’euros d’investissements pour le ferroviaire. Il semble que la promesse demeure à jamais dans la liste de celles que n’engagent que ceux qui les entendent.

La priorité, désormais, ce sont les « transports du quotidien », comme l’a dit Michel Barnier dans son discours de politique générale, deux jours avant la visite de François Durovray à Strasbourg : « offrir des solutions de transport aux Français des zones périurbaines et rurales, à ces millions de travailleurs qui font des dizaines de kilomètres par jour et n’ont pas pour le moment d’autre choix que la voiture ». Voilà qui ressemble étrangement à ce que prône François Durovray, comme si le ministre avait soufflé au chef du gouvernement quelques lignes de son discours.

La priorité, toutefois, n’est pas si nouvelle que ça. En 2017, déjà, au moment d’inaugurer deux nouvelles lignes à grande vitesse, Emmanuel Macron avait déjà expliqué que le financement du TGV devrait désormais laisser la place aux « transports du quotidien », avant de changer d’avis quatre ans plus tard, en relançant la construction de nouvelles lignes.

De l’argent pour l’offre, pas pour la gratuité des transports

Quelle que soient les décisions à venir, tous les participants au salon se posent la même question : avec quel argent ? « On est face à un mur d’investissement, mais aussi face à un mur de fonctionnement », répète Louis Nègre. « Laissez-moi un peu de temps », répond le ministre, avant d’évoquer des fonds européens, les certificats d’économie d’énergie ou les péages des autoroutes. François Durovray avertit en tous cas ses interlocuteurs : « les efforts que l’Etat doit faire devront servir à une amélioration de l’offre, et non pour entretenir des choix tarifaires ». Une manière de se démarquer de son prédécesseur, Patrice Vergriete, le maire (divers gauche) de Dunkerque, qui défendait la gratuité des transports, en place dans sa ville depuis 2018.

Le ministre aura à reprendre, ou abandonner, certains dossiers en cours. Les « Serm », Services express régionaux métropolitains, sortes de RER pour les grandes villes dont le principe avait été acté par Emmanuel Macron fin 2022, attendent toujours leur conférence de financement, qui aura lieu début 2025, au lieu de juin 2024 comme prévu initialement. Les travaux sur le « titre unique », permettant de voyager d’un bout à l’autre du pays, comme en Suisse, quel que soit le réseau, qui datent du ministre Clément Beaune (juin 2022-janvier 2024), seront poursuivis.

Louis Nègre insiste sur l’un de ces détails qui fait une politique de mobilité réussie : les caméras-piétons, outils individuels équipant les agents, avec pour effet de désamorcer les conflits lors des contrôles des titres de transport. Leur usage a fait l’objet d’une expérimentation de quelques années qui s’est achevée le 30 septembre. Une loi en cours de discussion prévoyait de prolonger l’expérience, mais la dissolution en a interrompu l’examen. Reste au gouvernement de replacer le texte à l’ordre du jour du Parlement. Anticipant des discussions compliquées, sur ce sujet comme sur d’autres, dans une Assemblée nationale sans majorité, François Durovray avertit « les forces politiques » qu’il sait pour la plupart représentées parmi les élus locaux, du PC à LR en passant par le PS et EELV. « On a besoin d’un débat apaisé au Parlement », lâche le ministre, essayant ainsi de profiter du petit état de grâce dont il bénéficie auprès des professionnels des mobilités.