Transmission d’Entreprise : le mode d’emploi de l’information / consultation du comité d’entreprise

Transmission d’Entreprise : le mode d’emploi de l’information / consultation du comité d’entreprise

La transmission d’entreprise peut correspondre à des opérations économiques ou juridiques très diverses qui impliquent autant de conséquences en termes de réorganisation et de restructuration :
– Opérations sur le capital (acquisition ou cession de titres, augmentation de capital),
– Apport partiel ou total d’actif,
– Cession (d’un fonds de commerce, d’éléments d’actif …),
– Fusion, scission, constitution de filiales …
Si les opérations sont ainsi très diverses, les enjeux en termes de ressources humaines sont tout aussi variés. Toutefois, la complexité juridique d’une opération n’augure pas toujours des difficultés sociales. Il est ainsi possible de classer les opérations en fonction de leurs complexités respectivement juridique et sociale. Que la transmission d’entreprise prenne la forme d’une opération sur le capital de l’entreprise sans changement d’employeur, ou qu’elle implique un changement d’employeur notamment en cas de vente ou fusion, le comité d’entreprise doit, pratiquement systématiquement, être informé et/ou consulté.
Ainsi, lors d’une transmission impliquant une réorganisation “simple”, il est informé et consulté sur le fondement d’articles figurant au “Livre 2” du Code du Travail : article L.2323-6 (marche générale de l’entreprise), article L.2323-14 (mutations technologiques), article L.2323-19 (modification de l’organisation économique et juridique de l’entreprise : notamment fusion, cession …), article L.2323-20 (opération de concentration), article L.2323-21 et suivants (OPA) et/ou article L.2323-27 (conditions de travail). Ne seront pas ici abordées les transmissions impliquant une réorganisation avec mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (“livre 1” du Code du travail).
Objet de l’information et consultation du comité d’entreprise
Si les chefs d’entreprise et leurs conseils en droit des sociétés ne doutent pas de la nécessité d’informer et/ou consulter le comité d’entreprise en cas de transmission avec changement d’employeur, on rencontre parfois des réserves, ou à tout le moins des interrogations, s’agissant d’opérations sur le capital.
Pour autant, les modifications de capital, mêmes minoritaire, peuvent avoir des conséquences sociales importantes. Ainsi, prenons le cas d’une société A qui détient une société B à 51%, qui détient elle-même une société C à 80% (la société C étant également détenue par un particulier à 20%). Il faut alors consulter le comité d’entreprise de la société qui acquiert les parts (et informer le comité d’entreprise de la société qui fait l’objet de l’acquisition), dans les hypothèses suivantes :
– le particulier cède ses parts dans C à A : A détiendra alors 20% directement et 40,5% indirectement de C ;
– le particulier cède ses parts dans C à B : B détiendra 100% de sa filiale C.
Selon certains auteurs, qu’il y ait acquisition minoritaire ou majoritaire de filiale, prise de participation minoritaire ou majoritaire ou prise de contrôle directe ou indirecte, il est nécessaire de consulter le comité d’entreprise.
Les textes du Code du Travail sont moins clairs et il n’y a que peu de jurisprudence sur le sujet.
Dans une décision un peu ancienne, quelques éléments d’appréciation ont toutefois été apportés. Il a été jugé (CA Paris 21 mai 1997, 1ère chambre A, Comité central d’entreprise Crédit du Nord c/ SA Crédit du Nord et a.) que “lorsque la cession négociée d’une partie du capital d’une société est utilisée comme un moyen de placer la société sous le contrôle d’une autre, une telle opération équivaut à la cession de l’entreprise au sens des dispositions de l’article L.432-1 al.3 [désormais l’article 2323-19] du Code du Travail.
La société dont les actions détenues par le principal actionnaire sont cédées est donc tenue d’informer son comité d’entreprise sur la cession et ses conséquences quant à l’avenir de l’entreprise, à son développement et à l’évolution des structures de production
”.
Par ailleurs, une ancienne circulaire DRT n°12 du 30 novembre 1984 précise qu’ “au sens de l’article 355 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 modifiée, il y a participation lorsqu’une société détient entre 10% et 50% du capital d’une autre société.
Avant la loi du 28 octobre 1982, une simple prise de participation n’emportant pas une cession de contrôle ne donnait pas lieu à la consultation du comité d’entreprise. Désormais, le chef d’entreprise de la société qui prend une participation dans une autre société doit consulter son comité d’entreprise préalablement à la réalisation de l’opération, et le chef d’entreprise de la société qui fait l’objet de cette prise de participation doit informer son propre comité.
Les obligations du chef d’entreprise sont donc différentes selon que la société est l’auteur ou fait l’objet de la prise de participation ; par ailleurs, dans cette seconde hypothèse, l’information du comité peut ne pas être préalable à l’opération : l’information n’a lieu qu’à posteriori si le chef d’entreprise n’a connaissance de l’opération qu’à ce moment là”.
L’appréciation de l’obligation de consulter les représentants du personnel sur une modification de l’organisation économique ou juridique dépend des faits et surtout des effets de l’opération (changement de groupe, franchissement de seuils…). C’est le contexte de l’opération qui conduira à une position définitive, même s’il est clair que le conseil en droit social aura souvent tendance à préconiser, par précaution, la consultation.
Enfin, l’information au comité d’entreprise doit être communiquée lorsque le projet de transmission est suffisamment avancé, pour présenter une situation assez précise, afin de lui permettre de rendre un avis éclairé sur les conséquences de l’opération envisagée.
Il est recommandé d’informer le comité d’entreprise par étape au fur et à mesure de l’avancement du projet, lorsque cela est possible et lorsque la confidentialité du projet ne s’y oppose pas.
Contenu de l’information communiquée au comité d’entreprise
L’information donnée au comité d’entreprise doit être complète :
– Justification économique du projet,
– Données chiffrées les plus complètes,
– Différents schémas envisagés,
– Conséquences sociales pour les salariés concernés par le projet, Présentation de la société cessionnaire, …
Il convient d’associer le comité d’entreprise, si possible, au cours des réunions préalables, à la réflexion conduite par la direction ou sur l’avancement du projet, avant d’engager la procédure de consultation du “Livre 2” proprement dite sur le projet.
Lors de la mise en oeuvre de la procédure du “Livre 2”, la présence du cessionnaire, le cas échéant, lors d’une réunion de présentation de son projet peut être opportune, mais uniquement à la demande ou avec l’autorisation expresse du comité d’entreprise.
Si le comité d’entreprise estime devoir désigner un expert “libre”, il doit le rémunérer sur son budget propre.
Il peut être néanmoins judicieux de proposer au comité d’entreprise la prise en charge de la rémunération de l’expert par l’entreprise en contrepartie de la fixation précise de son champ d’intervention, du calendrier imparti pour remplir sa mission, ainsi que du calendrier de la procédure d’information et consultation du comité d’entreprise.
Si l’expert exige, via le comité d’entreprise, des informations complémentaires, il est conseillé d’examiner l’opportunité de communiquer ces documents et de vérifier que les demandes correspondent bien à la mission qui est impartie à l’expert.
Il ne faut pas créer de toute pièce des documents pour répondre à une demande de communication de pièces ; si le document n’existe pas, il ne peut pas être communiqué.
Il faut évidemment tenir une liste précise des documents transmis à l’expert et faire dater et émarger l’expert dès qu’un document lui est remis.
Déroulement de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise Le point de départ de la procédure “Livre 2” est fixé à la date de la réunion d’information/ consultation du comité d’entreprise et ne comporte en principe qu’une réunion. S’il apparaît que le comité d’entreprise exige une deuxième réunion avant de rendre son avis, il convient, si possible, de négocier un calendrier prévisionnel de la procédure de consultation.
Lors de la réunion, les membres du comité d’entreprise auront normalement déjà pris connaissance des documents d’information, transmis avec la convocation. Un délai de 10 jours ou plus apparaît raisonnable entre la remise de l’information et la réunion d’information/ consultation du comité d’entreprise. C’est à ce stade qu’une réunion préalable de “remise de documents” peut être opportune et permettre notamment de cadrer le débat et d’insister sur le caractère confidentiel des documents.
S’il apparaît une situation de blocage, il est conseillé de négocier le calendrier de la procédure en fixant, le cas échéant, des réunions de travail intercalaires et une date à laquelle l’avis du comité d’entreprise pourrait être rendu.
Il est également recommandé de solliciter des questions écrites préalables avec un délai suffisant aux réunions du comité d’entreprise afin de pouvoir répondre à celles-ci à l’occasion de la prochaine réunion.
Quelle est l’incidence de l’avis rendu ?
Au terme de cette procédure d’information/consultation, le comité d’entreprise rendra l’avis tant attendu et l’entreprise pourra alors mettre en oeuvre le projet. En principe, la consultation doit donner lieu à la formulation d’un avis motivé (favorable ou défavorable) consigné dans un procès verbal. Il est à noter que le simple examen d’une question au cours d’une réunion du comité d’entreprise ne vaut pas avis de celui-ci (Cass. crim., 27 mars 2012, n° 11-80.565, Procter et Gamble France).
Enfin, l’avis ne devrait pas rester une fin en soi et il est conseillé d’informer régulièrement, à l’occasion des réunions ordinaires du comité d’entreprise, du devenir du projet.