Transmanche : le Calais-Douvres plus cher

C’est la (mauvaise) surprise de l’été. Les autorités portuaires de Douvres ont augmenté leur tarification fiscale (wharfage tax) sur les poids lourds qui traversent le Détroit. Une décision qui intervient au moment où les trafics reprennent après la vive inquiétude causée par l'évocation d'une quarantaine qui n’aura, finalement, pas eu lieu.

A la veille du Brexit, cette hausse fiscale intervient alors que le trafic reprend doucement après la crise du Covid-19. © Aletheia Press / MR
A la veille du Brexit, cette hausse fiscale intervient alors que le trafic reprend doucement après la crise du Covid-19. © Aletheia Press / MR

 

Est-ce une mesure d’avant-Brexit ? Un rattrapage financier d’après-Covid ? L’augmentation de la taxe sur les poids lourds qu’applique, depuis le 19 juillet dernier, le port de Douvres frappe les transporteurs routiers. Décidée le 19 mai dernier, cette taxe passe de 5 à 10 livres sterling par camion (de moins de 8 mètres), de 10 à 15 livres sterling pour ceux de plus de 8 mètres, et de 11 à 16 livres sterling pour les remorques de fret non accompagné. Cerise sur le gâteau, l’augmentation concerne aussi les camions qui reviennent à vide…

Au port de Calais, la pilule ne passe pas. Jean-Marc Puissesseau, président de la Société des ports du Détroit, ne décolère pas : «Nous désapprouvons fortement l’augmentation faite par Douvres bien que chacun gère son port comme il l’entend. De surcroît, en pleine période de fin de Covid et alors que l’activité reprend tout doucement, sur les voitures mais aussi sur les poids lourds ! On revient péniblement au niveau de l’année dernière. Cette décision est tout à fait malvenue. D’autant que les Britanniques n’ont pas à supporter les coûts dus à l’immigration !» Une donnée qui pourrait changer avec le Brexit. Depuis le 30 juin dernier, ce dernier est devenu irréversible et l’entrée en vigueur de la séparation frontalière avec le Royaume-Uni interviendra, cinq ans après le vote des Britanniques, au 1er janvier 2021.

Vers des modifications de trafic ?

Cette hausse fiscale va mécaniquement être répercutée par les deux compagnies maritimes qui assurent les navettes entre Calais et Douvres (P&O Ferries et DFDS). En bout de chaîne, ce sont naturellement les transporteurs qui paieront l’addition. «Cela s’ajoute à d’autres taxes comme celle du parking au-delà des 24 heures pour le fret non accompagné. L’an dernier, j’ai fait passer 20 000 camions sur le Calais-Douvres !» explique Jean-Pierre Devigne, dirigeant des transports RDV à Calais. Pire, la plupart des transporteurs ont des contrats annuels avec leurs clients : ils ne pourront pas répercuter cette hausse qui va, in fine, réduire leur (faible) marge…

Quid de l’impact sur le marché entre les ports de la Manche, de la mer du Nord et du tunnel ? On peut s’attendre à des reports de trafics, notamment sur les gros volumes. Pour autant, on y verra plus clair en fin d’année et début 2021, quand les contrats seront arrivés à terme et que les renégociations entre clients et transporteurs reprendront. Certains se tourneront-ils vers les ports belges ou hollandais ? D’autres choisiront-ils le tunnel si les prix commencent à converger ? Autant de questions dont les réponses inquiètent toute la filière et surtout le port de Calais qui met la dernière main à son prodigieux chantier d’agrandissement portuaire. Ce dernier ne compte pas rester sans réagir et tient à le faire savoir : «Chacun fait ce qu’il veut dans son coin et nous faisons ce qui sert nos intérêts. Raison de plus pour faire la nouvelle ligne Calais-Tilbury», souligne Jean-Marc Puissesseau.