Terre des Lys s’agrandit encore
L’air bourru (il déteste les mondanités), 51 ans, ce fils d’agriculteur allie le bon sens, le courage et l’humilité de ses origines. Thierry Landron, patron atypique, a fait en neuf ans de Terre des Lys une entreprise au rayonnement international.
De Porlys à la miniaturisation, 2003-2006. Porlys est une société airoise de découpe de porc aux résultats médiocres. Avec Sylvie, son épouse, Thierry Landron rachète Porlys en 2003 et veut reconfigurer la production. Pendant plusieurs années de galère, il réfléchit au futur. Le déclic vient lors d’un mariage en Belgique où les gens consomment debout des petits plats de qualité. Cette dînette qu’un traiteur local a conçue l’enchante ; il veut en faire un produit à grande échelle. Et comme en ce début du troisième millénaire la miniaturisation est à la mode, comme on parle de nanotechnologie, il veut créer la “nano-restauration”. Il se nommera plus tard “agrogastronome”, autre néologisme, déposé celui-là. Il «glamourise la viande» (sic) avec un slogan choc («La viande autrement») en créant des mini-saucisses pour le barbecue et des mini-carpaccios. Ça passe ou ça casse : «En cas d’échec, avec mon épouse, nous étions résolus à partir en Australie.» Toujours l’appel du large ! Ses clients – Picard, Eisman, Maximo, Coup de pâte… − adhèrent au projet. Mais le porc lui pèse : une marge financière faible pour une grande surface de travail.
«Entreprendre, c’est avoir une vision d’avenir, c’est capter les tendances, les courants», ajoute-t-il avec conviction. Thierry Landron externalise le porc et se lance dans la nano-cuisine complète : les entrées, les plats et les desserts. Cette miniaturisation est plus “sexy” et offre une valeur ajoutée appréciable. Avec un «dégraissage» progressif du porc qui passe de 100% du CA en 2003 à 30% en 2005.
Terre des Lys, 2007-2012. Il lui faut des bâtiments neufs et spacieux pour son projet ambitieux auquel ni les édiles locaux ni les banques ne croient vraiment. Jean-Jacques Hilmoine, président de la CCC Fruges, l’invite sur ses terres. Cette proposition extérieure déclenche la réaction positive de la CC Pays d’Aire. Nous sommes en 2007, Thierry Landron s’installe sur la zone d’activité de Saint-Martin, à l’entrée Nord d’Aire-sur-la-Lys. Il donne à sa nouvelle société le joli nom de Terre des Lys, «pour affirmer mon ancrage régional et mes origines terriennes», explique-t-il avec un sourire. Il affirme, la main sur le cœur, que les initiales T et L n’ont rien à voir avec son patronyme et son prénom.
En 2004, l’IRD (Institut régional de développement), via Nord création, finance et entre au capital à hauteur de 20%. De la trésorerie pour sécuriser le cash flow. En 2008, l’IRD, par Croissance Nord-Pas- de-Calais, prolonge sa caution. L’agrogastronome bénéficie également du concours de Finorpa (Conseil régional + Crédit agricole) sur les fonds participatifs.
De 2008 à 2009, le chiffre d’affaires croît de 50% malgré la crise ambiante (6,9 millions d’euros en 2008 et 10,2 M€ en 2009). Cette accélération exponentielle cache cependant une faiblesse : la saisonnalité de l’activité. Forte d’avril à fin juin (mariages et manifestations) et de septembre à fin décembre (salons, fêtes de fin d’année…), cette activité est plus calme en juillet-août et en janvier-février-mars. Comment y remédier ?
Origami, Boncolac… et l’international. Sylvie est une adepte de l’origami, cet art traditionnel japonais du papier plié. Pour que l’activité soit pérenne toute l’année, il faut inventer des plats qui peuvent aller au four ou au micro-ondes. Ces plats papillotes sont conçus par un ami ingénieur dans un parallélépipède rectangle origami breveté. Idée géniale qui booste un peu plus l’activité.
En 2011, Thierry Landron rachète la société Bléor, qui deviendra Blé des Lys, lors d’une adjudication judiciaire.Peu après, la coopérative toulousaine Boncolac contacte Terre des Lys pour des fiançailles et plus si affinités. Cette unité est traiteur en pâtisserie et travaille dans le monde entier. Or, Thierry Landron veut pérenniser son entreprise, diversifier sa clientèle (plusieurs gros clients) et se développer à l’international… Début 2012, c’est le mariage !
Il devient directeur général de Terre des Lys et directeur général délégué de Boncolac en charge du développement international (joint-ventures, acquisitions à l’étranger…), des achats et de l’innovation. Boncolace est présent dans 22 pays qui sont, dans l’ordre décroissant, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les USA, l’Espagne, la zone Pacifique (Australie, Japon, Chine/Hongkong), l’Europe de l’Est (surtout la Russie), les Emirats arabes unis.
Terre des Lys vient de pénétrer le marché américain. Il a été présent du 11 au 13 novembre au salon agroalimentaire PLMA de Chicago, ainsi qu’au Sial de Villepinte, fin octobre. L’aventure continue…
Quelques chiffres
CA 2003 : 1,9 M€ (17 employés) 100% porc. CA 2004 : 3,7 M€ (35 employés) 60% porc.
CA 2005 : 4,2 M€ (30% porc). CA 2007 : 5,7 M€ (0% porc). CA 2008 : 6,9 M€.
CA 2009 : 10,2 M€. CA 2012 : 20 M€ (200 emplois)
Après plusieurs agrandissements (dont + 1 500 m² en 2012 pour la surface process : cuisson…), l’unité airoise Terre des Lys a une surface utile de 7 400 m², soit 6 200 m² pour l’activité industrielle et 1 200 m² (2 x 600 m²) pour les logements sociaux. .
Pour la R&D, Thierry Landron est entouré de Nicolas Cousin, un chef étoilé. Il a aussi trois conseillers extérieurs : Thierry Finet (chef étoilé), Laurent Schréber (ex-Bocuse) et Florent Laden (Auberge du Vermont à Boeschepe).
Thierry Landron informe constamment ses collaborateurs (140 CDI, soit 200 équivalents temps plein) des décisions et des orientations prises. «Tous les maillons de l’entreprise sont importants, tous doivent s’impliquer, se défoncer. Mon slogan est : partager, s’impliquer, se respecter», telle sera la conclusion de l’agrogastronome. A Terre des Lys, cadres, ouvriers, cuisiniers ont tous la même prime de participation.
Un riche parcours professionnel
Dans les champs de l’exploitation paternelle, près de Noyon (Oise), Thierry adolescent rêvait d’horizons lointains quand les avions de la base voisine survolaient le tracteur. Il ne sera pas agriculteur : école de commerce à Paris et les voyages ! Responsable export Afrique et Moyen-Orient pour Vitaflor (farine de blé) de 1983 à 1985, puis Danone (branche yaourt, siège social à Lesquin) pendant quatre années. Toujours dans l’agroalimentaire, il intègre ensuite Labeyrie en tant que directeur régional Grand-Nord jusque 1995. Il veut être patron et devient directeur commercial associé d’une PME dunkerquoise, Appétit marine, de 1996 à 2000. Avec son acolyte, Jean-Jacques Six, ils vendent la société à un groupe étranger qui sera plus tard Marine Harvest. Pendant trois ans, il en sera le directeur général. Mais l’inertie d’un grand groupe pour la prise de décision lui pèse, son espace de liberté est compliqué. C’est pourquoi, en 2003, il se lance et reprend une boîte en difficulté : Porlys, à Aire-sur-la-Lys, sur la RN43.
Le produit Terre des Lys que l’on trouve dans les supermarchés des USA.