Teresa Ribera, femme puissante à Bruxelles, au coeur d'intérêts contradictoires
Chargée de la transition écologique et de la concurrence, la socialiste espagnole Teresa Ribera a hérité d'un portefeuille tentaculaire dans la nouvelle Commission européenne. Mais elle va devoir composer avec ses...
Chargée de la transition écologique et de la concurrence, la socialiste espagnole Teresa Ribera a hérité d'un portefeuille tentaculaire dans la nouvelle Commission européenne. Mais elle va devoir composer avec ses collègues et la poussée conservatrice de l'Europe.
A 55 ans, cette proche de Pedro Sanchez fait figure de tête d'affiche dans la nouvelle équipe dévoilée mardi, même si elle doit - comme les autres commissaires - être adoubée par les eurodéputés pour être officiellement nommée.
Vice-présidente exécutive de la Commission, son portefeuille promet une transition écologique "propre, juste et compétitive", avec sous ses ordres la puissante direction générale de la concurrence, l'une des administrations les plus influentes à Bruxelles.
Sur ce dernier volet, elle reprend les fonctions occupées par la sortante danoise Margrethe Vestager, l'un des visages les plus connus du précédent mandat.
Jusqu'ici ministre de l'Ecologie en Espagne, Teresa Ribera veut "connecter le Pacte vert européen et la compétitivité". Et plusieurs commissaires pourraient lui rendre des comptes, comme le Néerlandais Wopke Hoekstra (climat), la Suédoise Jessika Roswall (environnement) ou le Danois Dan Jorgensen (énergie).
C'est "une personnalité extrêmement forte, Ribera sera quelqu'un de très puissant", assure l'eurodéputé Jean-Marc Germain, socialiste comme elle.
Ribera a le "portefeuille le plus influent", pense aussi Simone Tagliapietra, spécialiste des politiques européennes pour le think tank Bruegel.
"La concurrence est l'une des compétences exclusives" de l'Union européenne, souligne-t-il. "Elle est en charge du défi politique le plus important des cinq ans qui viennent: articuler la décarbonation avec la compétitivité de l'industrie".
Mais l'Espagnole n'aura pas les mains libres au milieu d'une commission dominée par la droite et face à un Parlement transformé par la montée de l'extrême-droite aux élections du mois de juin.
Pas de fortes têtes
Dans l'architecture complexe de l'exécutif européen, elle partage plusieurs dossiers avec deux autres vice-présidents: le centriste français Stéphane Séjourné à la stratégie industrielle et l'Italien Raffaele Fitto, ministre sortant du gouvernement d'extrême droite de Giorgia Meloni.
Ce dernier, chargé de la cohésion des territoires, devrait par exemple chapeauter les transports.
"Je ne le connais pas", a réagi Teresa Ribera mardi à propos de Raffaele Fitto, membre du parti néofasciste Fratelli d'Italia. Mais il "appartient à un gouvernement pro-européen", a-t-elle affirmé bravache.
"La question, c'est comment les commissaires vont travailler entre eux", prévient Michael Sicaud-Clyet, chargé des questions climatiques pour l'ONG WWF. "Ribera va devoir se coordonner avec Fitto et Séjourné, je ne sais pas si elle est en position de force".
Et après avoir écarté le Français Thierry Breton, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen "essaye de ne pas avoir de fortes têtes" dans la nouvelle équipe "avec beaucoup de domaines partagés entre les commissaires", estime-t-il.
Gauche et ONG redoutent plus largement que les grandes ambitions climatiques du précédent mandat soient mises en sourdine, sous la pression des plus conservateurs.
Les écologistes s'inquiètent au passage que le terme "vert"/"green" ne figure plus dans les intitulés des portefeuilles de la Commission, alors qu'il était bien présent auparavant.
Le profil de Ribera va-t-il les rassurer ?
Ces dernières années en Espagne, la ministre n'a pas hésité à croiser le fer avec les grands patrons du secteur énergétique, comme Ignacio Sánchez Galán (Iberdrola) et Josu Jon Imaz (Repsol). Et elle est aussi montée au créneau... contre Ursula Von der Leyen, qu'elle jugeait trop timorée sur le plan environnemental.
Elle possède cette "rare capacité de négocier des accords difficiles: sur une transition juste avec les travailleurs du charbon en Espagne et sur une élimination progressive des combustibles fossiles avec les principales sociétés pétrolières", estime l'experte Linda Kalcher, du think tank Strategic Perspectives. "Elle sera scrutée de toutes parts".
De nombreuses négociations du même genre l'attendent si elle est confirmée à son poste par le Parlement européen.
Teresa Ribera devra notamment prendre part au "Pacte pour une industrie propre", promis par Ursula von der Leyen dans les cent premiers jours de son mandat.
Avec son collègue Wopke Hoekstra, elle devra aussi négocier "l'objectif 2040", pour lequel la Commission recommande une baisse de 90% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
Les eurodéputés de droite ont déjà prévenu qu'ils voulaient "discuter avec les parties prenantes pour voir si c'est réalisable".
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