Tereos a investi 24 millions d’euros dans la sucrerie d’Escaudoeuvres
Les premiers éléments de la future chaudière à gaz de la sucrerie d’Escaudoeuvres sont arrivés dans le Cambrésis le 29 avril. Elle sera fin prête pour la campagne betteravière de 2022 et pour permettre au site de devenir plus vert.
La fumée blanche ne s’échappe plus de la sucrerie d’Escaudoeuvres. La campagne betteravière 2020 est finie, la saison a été mauvaise. «L’année a été très sèche, explique David Lecomte, directeur du site depuis le 7 décembre. Or la betterave est composée de 75% d’eau. Elle a moins grossi, donc nous avons récolté moins de tonnes.» Des pucerons sont également venus tout fausser : «Ils ont empêché les racines des betteraves de se développer.
Tereos France a vu ses rendements diminuer de 26%. «Ici, nous avons été moins impactés qu’ailleurs, mais nous avons été impactés quand même.» L’automne a inondé les champs, retardé l’arrachage des plants et leur transfert vers l’usine. «Ces plannings sont faits trois à quatre mois à l’avance parce qu’il faut organiser les rotations de 600 camions par jour. Les équipes ont toutes été mobilisées et, en collaboration avec nos 1 700 coopérateurs, nous avons été en mesure d’adapter le calendrier à ces nouvelles contraintes climatiques.»
1,8 million de tonnes de betteraves transformées
1,8 million de tonnes de betteraves ont été transformées, l’an passé, à Escaudoeuvres. Les 174 salariés de la sucrerie, en équivalents temps plein, renforcés par 80 saisonniers pendant la campagne, se chargent de tout : de la surveillance du chargement des betteraves chez les agriculteurs, qui se situent en moyenne à 26 kilomètres de l’usine, jusqu’à la livraison du sucre aux industriels de l’agroalimentaire. «Nous avons aussi sur place un centre logistique export, poursuit David Lecomte. Il peut conditionner et exporter jusqu’à 500 000 tonnes par an, grâce à la proximité des ports de Dunkerque, Anvers, Rotterdam.» Le directeur attend de pied ferme l’ouverture du canal Seine-Nord, à 10 kilomètres de son site, pour pouvoir charger directement les péniches.
La sucrerie, vieille de 148 ans, est loin d’être en veille. Les salariés ont revêtu leur second emploi pour réaliser son entretien durant l’intercampagne. «Chacun porte deux casquettes. Un collaborateur peut être conducteur de travaux pendant la campagne et chaudronnier le reste du temps par exemple.» Une dizaine de postes sont à pourvoir en ce moment. «Une génération part. Les employés font souvent leur carrière ici.»
David Lecomte est arrivé à Escaudoeuvres en mai 2018 comme directeur technique, et dans le groupe Tereos, auquel appartient le site, en décembre 2017. Jusque-là, il travaillait dans la maintenance. «J’aime que le monde sucrier soit un lien industriel entre la terre et l’assiette. On parle tout le temps de la betterave, de comment elle pousse, on est très proches de la terre. Ça me plaît, je suis jardinier. Le deuxième aspect que j’apprécie, c’est que tout ce qui entre dans l’usine est utilisé.»
Une betterave ne donne que 18% de sucre. «Le reste, c’est de l’eau qui sera rendue au milieu naturel. On produit d’ailleurs plus d’eau que l’on en consomme.» Durant la campagne, 100 000 m3 d’eau tournent en permanence dans la sucrerie. Sa vapeur ressert cinq à six fois. L’eau utilisée pour laver les betteraves à leur arrivée est réutilisée pour laver des choses plus sales encore. Les cailloux récupérés lors de cette étape sont remis dans les champs ou utilisés pour aménager les routes. «Nous avons une gestion de bon père de famille, confie David Lecomte. Tout vient de la terre, tout repart à la terre. J’estime que c’est très vertueux.»
L’an passé, en mai, un incident est survenu. Une digue à l’intérieur des 85 hectares de bassin du site s’est rompue. De l’eau de nettoyage des betteraves s’est échappée dans l’Escaut, emprisonnant l’oxygène dans le fleuve, tuant plusieurs tonnes de poissons. «C’est un événement malheureux. Tout est mis en œuvre pour que ça ne reproduise plus.»
Réduire les émissions d'oxydes d'azote et de soufre de 95%
La sucrerie prend par ailleurs un tournant. Depuis 1985, elle utilise une chaudière au charbon. Les roches sédimentaires arrivent aujourd’hui d’Afrique du Sud et de Russie par bateaux, au port de Dunkerque, puis grâce à 1 800 camions par an. «Nous avons besoin d’une qualité de charbon très particulière.» Elle va vivre sa dernière campagne cet hiver. Depuis le 22 avril, une chaudière à gaz est en cours de construction sur le site, pour un montant de 24 millions d’euros. «Elle va donner une énergie plus verte. Elle va réduire de 95% les émissions d’oxydes d’azote et de soufre, de 40% celles de CO2.» La vieille chaudière sera plus tard démontée et recyclée.
Au cœur de l’entreprise, les choses changent aussi. «Nous avons un projet d’amélioration continue et voulons aller vers un modèle de management plus collaboratif, être plus vertueux encore pour l’environnement, en mettant en place un biocarburant par exemple.» Dans les champs, la situation s’avère plus compliquée. Le début d’année froid n’est pas de bon augure pour les betteraves.