Sylvain Naudin de Lothar Forge, l’homme du fer

Le bruit est continu, fluide, une symphonie en deux temps caractéristique d’une partition en acier chauffé à blanc soudant exécuté entre le marteau et l’enclume. À chaque coup minutieusement porté avec force et dextérité, la barre de métal brut sortant tout droit de la forge à charbon commence sa mue dans une pluie d’étincelles, ballerines lumineuses de cette danse de feu. Elle deviendra après des heures, des jours, des semaines, des mois, un objet, un mobilier, un couteau, une œuvre d’art unique.

© Johann Marin-Thiery. Le forgeron-créateur réalise notamment des couteaux pour les équipes d’intervention du Raid.

Au marteau, Sylvain Naudin, forgeron-créateur installé depuis maintenant six ans à Essey-lès-Nancy à l’aboutissement d’un chemin de terre perpendiculaire à l’avenue du 69e Régiment d’infanterie. L’ancien atelier d’ébéniste de son oncle accueille depuis son antre de forge. Ancien professionnel du BTP où il a exercé pendant plus de quinze ans notamment comme responsable de production d’une centrale d’enrobés pour un grand groupe de travaux routiers, l’homme du fer et de l’acier Damas (la Rolls pour l’élaboration des lames de couteau en multicouches) semble avoir toujours eu en lui cette envie de forger.

«J’ai peut-être trop regardé le générique de Conan le Barbare quand j’étais gamin», plaisante le pilote de Lothar Forge. Une dénomination toute trouvée pour sa petite entreprise mêlant passé historique de l’ancien royaume du roi Lothaire où croiser le fer était monnaie courante et rayonnement géographique comme une zone d’affluence pour ses créations. Pendant un an, il suit une formation de ferronnier d’art au lycée Boutet de Monvel à Lunéville, il y acquiert et perfectionne son savoir-faire. Un savoir-faire ancestral où les gestes d’hier demeurent les mêmes en traversant les époques.

Des couteaux pour le Raid

Avec ses réalisations, Sylvain Naudin le perpétue avec la farouche détermination de ne pas le voir disparaître. Le forgeron-créateur affiche une appétence certaine pour l’univers de la coutellerie. Couteau de chasse, couteau de cuisine pour les professionnels et autres, couteau de poche, «couteau d’une vie», comme il l’assure que l’on transmet de génération en génération, ses créations sont toutes originales.

Pas de série, que de la pièce unique à l’image des différentes lames qu’il confectionne notamment pour certaines unités spéciales d’intervention à l’image du Raid. Machette ou encore épée viennent compléter l’offre créatrice coutelière. Son travail à la forge lui permet également d’élaborer des objets de décoration, des meubles notamment à partir de bambous qu’il réalise en fer forgé.

© Johann Marin-Thiery. Toutes les réalisations de Sylvain Naudin sont uniques à l’image de son œuvre «Compassion».

La ressemblance avec le végétal est bluffante. Le travail de forge n’est qu’une étape dans le processus créatif et de fabrication. «Pour n’importe quelle pièce, tout commence sur une feuille blanche, par un dessin qui devient au fil du temps de plus en plus précis. Le travail sur la matière est après complété par d’importantes interventions sur la texture et la patine pour aboutir à ces pièces uniques.» Des œuvres d’art à part entière. Cette dimension d’artiste, Sylvain Naudin l’a développée en suivant une formation de concepteur-créateur au Cerfav (Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers) de Vannes-le-Châtel.

«Cela m’a permis d’élargir mon champ des possibles. Souvent pour les artisans, je suis considéré comme un artiste et pour les artistes, je ne suis qu’un artisan.»

Art et artisanat, Sylvain Naudin s’est construit ses passerelles. Sa création «Compassion», une lance inspirée par celle du légionnaire ayant transpercé le Christ, en est la plus parlante des démonstrations. Une œuvre unique, naturellement…