Sur la Côte d’Opale, le brouillard est toujours aussi épais
Le Brexit est très discuté et, deux ans après le référendum, les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ne sont toujours pas tranchées. Pire, la Première ministre britannique Theresa May veut repousser l’échéance à 2023.
Alors que les discussions s’éternisent, les entreprises doivent se préparer aux changements qui pourraient advenir, ainsi qu’aux opportunités qui pourraient se présenter. Sur le littoral, les sociétés, quelle que soit leur taille, sont en première ligne et doivent se préparer au Brexit. C’est du moins l’avis du MEDEF Côte d’Opale, qui a organisé des événements et mis en ligne un guide à l’intention des dirigeants du littoral : «Le Brexit, c’est demain, lance Patrick Gheerardyn, délégué général de l’organisation patronale. Il devient d’une actualité urgente pour la côte.» Selon lui, les entreprises, si elles ne sont pas toutes préparées de la même façon, se sentent toutes concernées. «Chaque entreprise est un cas particulier. Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Chaque entreprise doit préparer sa propre cellule de réflexion et doit évaluer ses risques et ses opportunités.»
Soft Brexit ou hard Brexit ?
Le hard Brexit serait une terrible nouvelle, selon Patrick Gheerardyn, délégué général du MEDEF Côte d’opale : «La France et la Côte d’Opale en particulier seraient en première ligne pour le cas où il y aurait un hard Brexit (une sortie de l’Europe dans les pires conditions, ndlr).» La conséquence ? «Voir ses flux économiques remis en cause en raison de l’instauration de droits de douane». Par ailleurs, un hard Brexit mettrait en scène une concurrence fiscale et sociale qui déboucherait sur une guerre commerciale. «Il ne peut pas y avoir de hard Brexit, tempère Jean-Marc Puissesseau, président-directeur général du port de Calais-Boulogne. Au début, chacun voulait montrer ses muscles. Mais il ne faut pas oublier que 70% des produits d’importation britanniques alimentaires viennent d’Europe et que 60% de leurs produits d’exportation de nature alimentaire sont exportés en Europe.» L’interdépendance entre le Royaume-Uni et l’UE est donc extrêmement forte. Plus globalement, le P-DG estime que le Brexit, qu’il soit hard ou soft, occasionnera de grands changements auxquels il faudra s’adapter.
«Chaque entreprise doit évaluer ses risques et ses opportunités»
Le cours de la livre et les contrôles aux frontières en question
Qu’ils soient sanitaires, douaniers ou simplement de sécurité, les contrôles sont une donnée importante de l’équation pour les mastodontes du transmanche que sont Getlink (Eurotunnel) et les ports. Les changements qui pourraient avoir lieu suite au Brexit auraient un effet immédiat sur le trafic. Les contrôles supplémentaires pourraient créer plusieurs dizaines de kilomètres d’embouteillage en permanence aux abords de Calais, conséquence directe du ralentissement de la prise en charge des véhicules sur les deux sites. «Ça affectera énormément notre chiffre d’affaires, prédit Jean-Marc Puissesseau. Aujourd’hui, il y a neuf à dix départs de bateau par jour, pour un trafic quotidien de 3 500 à 4 000 camions. Ce qui n’a rien à voir avec le trafic qu’a connu le port avant que le Royaume-Uni ne rejoigne l’UE.» Autre facteur à prendre en compte : la parité monétaire. Est-ce que la livre sterling va prendre de la valeur suite au Brexit ? Va-t-elle chuter ? «Bien malin est celui qui peut dire quelles seront les conséquences à long terme», soupire Patrick Gheerardyn.
Le duty free, une belle opportunité pour le littoral ?
La question est pertinente, si l’on en croit Jean-Marc Puissesseau. «Normalement, s’il y a Brexit, il peut y avoir un duty free, anticipe le dirigeant du port de Calais-Boulogne. Néanmoins, j’en ai parlé à des responsables politiques français qui semblaient en douter. Mais, à partir du moment où il y a un pays tiers – ici, le Royaume-Uni –, il y a de la vente hors taxe.» Bonne nouvelle puisque le duty free permettrait de maintenir l’activité du port de Calais ainsi que son nombre de passagers… ce qui pourrait plaire aux commerces calaisiens. «Nous aurions automatiquement davantage de clients sur le bateau, poursuit le P-DG du port. Ce qui ne nous dit pas s’ils débarqueront, ce qui serait encore mieux, mais ça nous permettrait de maintenir notre chiffre d’affaires.» En attendant, selon Jean-Marc Puissesseau, il faut de toute façon que le port s’adapte à de nouveaux flux, quitte à chercher d’autres destinations, sans se fixer sur la ligne Calais-Douvres et voir ce qu’il se passe un peu plus à l’est.
À Boulogne-sur-mer aussi…
Jean-Marc Puissesseau, le président-directeur général du port de Calais-Boulogne, l’affirme : le Brexit risque de toucher Boulogne-sur-Mer. La ville est en effet le plus grand port de pêche de France. Elle risquerait d’être fortement touchée, puisque les zones maritimes britanniques sont ouvertes aux pêcheurs boulonnais, qui en tirent 60 à 70% de leur pêche.