Succès du premier vol de la fusée Ariane 6, "l'Europe est de retour"

"L'Europe est de retour": Ariane 6 a mis en orbite mardi les micro-satellites qu'elle transportait, marquant ainsi le succès du vol inaugural de la fusée européenne et le retour d'un accès autonome à l'espace pour...

Décollage de la fusée Ariane 6 depuis le centre spatial de Kourou, le 9 juillet 2024 en Guyane © jody amiet
Décollage de la fusée Ariane 6 depuis le centre spatial de Kourou, le 9 juillet 2024 en Guyane © jody amiet

"L'Europe est de retour": Ariane 6 a mis en orbite mardi les micro-satellites qu'elle transportait, marquant ainsi le succès du vol inaugural de la fusée européenne et le retour d'un accès autonome à l'espace pour l'Europe qui en était privée depuis un an.

"C'est un jour historique pour l'ESA et pour l'Europe", a salué le directeur général de l'agence spatiale européenne (ESA) Joseph Aschbacher, tandis que pour son homologue du Centre national d'études spatiales (Cnes) français, Philippe Baptiste, "l'Europe est de retour".

Cette réussite marque le retour à un accès autonome de l'Europe à l'espace mais elle ne sera toutefois considérée comme totale qu'une fois l'étage supérieur retombé comme prévu dans l'atmosphère près de trois heures après le lancement. 

"La mission n'est pas encore terminée", a prévenu Martin Sion, le patron du constructeur Arianegroup.

Dans la salle Jupiter, tour de contrôle de la mission située à 17 km du pas de tir à Kourou en Guyane française, le calme des opérateurs tranche avec l’excitation d'un vol attendu depuis quatre ans par l'Europe spatiale, le soulagement puis les applaudissement des responsables du spatial européen.

"Propulsion nominale, trajectoire conforme à l'attendu", a annoncé le directeur des opérations, Raymond Boyce avant que l'étage supérieur s'allume sous les applaudissements de la salle. "Pilotage calme", a-t-il ensuite affirmé à plusieurs reprises tout au long du vol.

Sans même attendre le succès du vol, le patron de la Nasa américaine Bill Nelson a salué sur X "un pas de géant pour @ESA avec le premier lancement de sa puissante fusée de nouvelle génération".

"Ce soir après dix ans d'incertitude, l'Europe peut dire qu'elle continue à jouer dans la cour des grandes puissances indépendantes", s'est de son côté félicité depuis Toulouse le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire.

Malgré les nombreux essais au sol et simulations effectués depuis des mois, il demeurait "une part de risque" avant le vol, selon Philippe Baptiste, le patron de l'agence spatiale française.

Historiquement, près de la moitié des premiers lancements de fusées dans le monde ont été des échecs, comme en 1996 pour la première Ariane 5, qui n'a pourtant connu que deux échecs en 117 tirs.

Montée en cadence

Pour éviter la perte éventuelle de précieux satellites commerciaux, la fusée, dont la mise au point a eu quatre ans de retard, emportait une dizaine de micro-satellites d'universités. 

Elle transporte également deux capsules de rentrée atmosphérique qui seront larguées en fin de mission, près de trois heures après le décollage. Ces capsules développées par la start-up franco-allemande The Exploration Company et Arianegroup doivent préparer le cargo de fret spatial dont l'ESA veut se doter.

Décidée en 2014, Ariane 6 pourra aussi bien placer des satellites en orbite géostationnaire, à 36.000 kilomètres d'altitude, comme Ariane 5, que mettre en orbite des constellations à quelques centaines de kilomètres de la Terre.

Pour cela, l'étage supérieur de la fusée dispose du moteur rallumable Vinci, la principale innovation du lanceur.

Au cours du vol, le moteur Vinci a été allumé avec succès à deux reprises pour amener l'étage supérieur à l'endroit où il a largué les "cubesats", 1 heure 06 après le décollage.

Un dernier allumage du Vinci doit le renvoyer dans l'atmosphère où il retombera dans le Pacifique à proximité du point Nemo, l'endroit du globe le plus éloigné de toute terre.

Ce vol d'Ariane 6 était stratégique pour les Européens s'ils veulent continuer à exister face au géant américain SpaceX qui lance ses fusées réutilisables Falcon 9 environ deux fois par semaine.

Depuis le dernier vol d'Ariane 5 il y a un an, les Européens ne pouvait plus mettre en orbite par eux-mêmes un satellite: depuis l'invasion de l'Ukraine, ils n'ont plus accès au lanceur moyen russe Soyouz, tiré pendant dix ans depuis la Guyane, et l'autre fusée européenne Vega-C est clouée au sol depuis fin 2022 après un accident.

Après ce premier vol, il faudra plusieurs mois pour analyser les données transmises par les multiples capteurs du lanceur avant un premier lancement commercial en fin d'année, vraisemblablement avec le satellite d'observation militaire français CSO-3.

L'enjeu sera ensuite de "réussir la montée en cadence" des vols, selon Toni Tolker-Nielsen: six prévus sont prévus 2025 et huit l'année suivante.

Ariane 6 affiche 29 vols dans son carnet de commandes, un "succès absolument sans précédent pour un lanceur qui n'a pas volé", se félicitait récemment Stéphane Israël, patron d'Arianespace, société chargée de commercialiser et d'exploiter la fusée.

Le programme a toutefois subi récemment une sévère déconvenue: Eumetsat, l'opérateur des satellites météo européens, a annulé fin juin le lancement de son satellite MTG-S1 prévu sur Ariane 6 début 2025 au profit de l'Américain SpaceX, invoquant des "circonstances exceptionnelles" non précisées.

Une décision d'un organisme intergouvernemental de 30 pays européens au dépens du principe de souveraineté européenne "difficile à comprendre", pour le patron de l'ESA Joseph Aschacher.

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