Stressante, la vie dans les TPE ?
Ils subissent plus de contraintes que dans les grandes entreprises mais se déclarent plus heureux : les salariés qui travaillent dans les TPE connaissent des conditions spécifiques, liées à un type de relations particulières, qui peuvent être à double tranchant, d’après une étude du groupe associatif d’assurances, Alptis.
80 % des salariés des TPE se déclarent heureux au travail et 77 % d’entre eux pensent que l’ambiance y est meilleure que dans une grande entreprise. Par ailleurs, ils sont 41 % à expliquer être attachés à leur employeur, contre 27 % dans les plus grandes entreprises.
Tels sont les principaux enseignements de l’étude «stress en entreprise : les TPE sont-elles à l’abri ?», menée par l’observatoire d’Alptis, groupe associatif d’assurances, qui couvre quelque 3 500 entreprises dont la plupart sont des TPE. Ces données ont été présentées mi-octobre, à Paris, lors d’une conférence de presse. L’enquête de l’observatoire, qualitative, a été menée auprès de TPE dans différents secteurs d’activité, et qui comportent un nombre divers de salariés (de zéro à 10). Ces entreprises connaissent des situations économiques qui peuvent être très diverses, de la sous-traitance, laquelle induit un fonctionnement sous tension forte, au positionnement sur un marché de niche, grâce à un savoir-faire très pointu, porteur d’une situation plus enviable. Mais le point commun des TPE, réside dans «une organisation largement informelle», note Marc Loriol, sociologue, chargé de recherche au CNRS et co-responsable de l’étude, en compagnie du médecin psychiatre Dominique Servant, spécialiste du stress et de l’anxiété au CHRU de Lille, fondateur d’une consultation sur ces sujets, il y a vingt ans. En fait, au-delà des spécificités de chaque entreprise, un ensemble de caractéristiques liées à la gouvernance et aux relations dans l’entreprise fonde la particularité des TPE, en matière de stress au travail, par rapport aux grandes entreprises. «Il y a un règlement informel, des difficultés en continu, au fl de l’eau, avec des possibilités de discussion directe», poursuit Marc Loriol. Parmi les autres spécificités des TPE, figure aussi un engagement affectif fort, marqué par un recours à la métaphore de la famille qui revient plus que dans les grandes entreprises.
La difficulté des modèles mixtes
Une autre tendance se dessine, même si elle reste statistiquement minoritaire. «Des TPE se normalisent, se rapprochent du modèle de l’entreprise de grande taille, avec un patron plus gestionnaire que proche du métier. (…) Cela peut aboutir à des situations de stress», décrit Marc Loriol. C’est le cas, notamment, lors de la reprise d’une TPE par un entrepreneur issu d’une école de commerce, par exemple, et non du secteur d’activité de l’entreprise. Dans ce cas, la situation peut se dégrader, -et donc le stress augmenter- car le mode de dialogue traditionnel ne fonctionne plus, dans un contexte où les protections formelles des salariés, comme les syndicats, absents, ne s’y substituent pas.
Autre tendance, qui pourrait peser de plus en plus lourd dans les années à venir : celle des TPE qui fonctionnent sur la base d’un investissement personnel très fort de leurs salariés, à l’image des start-up. «La forme de management par projet pose la question de comment réguler son investissement. Autrement, le risque, c’est celui du burn-out, de la fuite en avant pour les salariés qui en font trop», pointe Marc Loriol. Sur le terrain, Fabrice Poncet, co-fondateur de la TPE La Fabrique, spécialiste du mobilier et agencement à façon, s’efforce, dans le cadre de sa SARL, d’inventer une gouvernance équilibrée. Pour ce jeune patron, il s’agit là d’un sujet sensible, pour lequel la culture et la personnalité du dirigeant pèsent lourd, et qui peut nettement impacter le fonctionnement de l’entreprise et le bien-être de ses salariés. La direction qu’il a prise passe par la participation : réunion des salariés, le lundi matin, pour planifier la semaine, organisation du travail par projet… «On veut donner un sens au travail», explique Fabrice Poncet. Dans cette entreprise qui n’est pas dans l’obligation de structurer le dialogue social, vu sa taille, tous les quinze jours, se tient un «conseil d’entreprise», au cours duquel les salariés décident par le vote de certains sujets, comme le choix de la complémentaire santé. Et par ailleurs, précise Fabrice Poncet, «on essaie de prêter attention aux salariés, mais sans être trop paternaliste.»