Droit
Sortie de crise : un nouveau train de mesures, ciblé notamment sur les plus petites entreprises
Le gouvernement vient d’annoncer un nouveau dispositif pour mieux accompagner les entreprises fragilisées par la crise mais qui restent viables économiquement. Il comprend un volet judiciaire, dont une nouvelle procédure de traitement de sortie de crise réservée aux plus petites entreprises.
« Nous
entrons dans une phase de transition, c’est la phase la plus
délicate »
et « il
faut faire du sur mesure »,
a déclaré le ministre de l’Économie, des Finances et de la
Relance, Bruno Le Maire, le 1er juin
dernier, lors de la présentation à la presse de nouvelles mesures
d’accompagnement des entreprises dans la sortie de crise. En
parallèle au plan France Relance, il s’agit de soutenir par « un
accompagnement spécifique »
les entreprises fragilisées par la crise mais qui restent viables
économiquement, soit « des
entreprises dont la dette a augmenté et dont la trésorerie a
diminué au cours des derniers mois ».
Ces dernières, qui représentent « de
5 à 8 % des entreprises françaises, selon les estimations de
la Banque de France »,
évoluent principalement dans « les
secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, de certains domaines
de l’industrie manufacturière et du commerce ».
Détection
précoce des fragilités et guichet unique
Ce
dispositif repose tout d’abord sur la détection précoce des
entreprises en difficulté. Toutes les données dont disposent
l’ensemble des administrations vont ainsi être « collectées,
fusionnées et croisées pour nous permettre de repérer les
difficultés le plus tôt possible » et, « une
fois cette alerte précoce déclenchée, nous prendrons contact avec
le chef d’entreprise de manière totalement confidentielle »,
a expliqué le ministre. Le gouvernement pourra s’appuyer sur « la
mobilisation de tous les partenaires des entreprises, acteurs publics
et privés, qui se sont engagés à participer à cette démarche –
experts-comptables, commissaires aux comptes, banques,
administrateurs et mandataires judiciaires, greffiers des tribunaux
de commerce… » – qui
proposeront « soit
un diagnostic gratuit, soit un rendez-vous de sortie de crise ».
En
parallèle, un guichet unique va être mis en place
pour orienter les chefs d’entreprise, avec la mise en service d’un
numéro unique (le 0 806 000 245)
pour répondre à toutes leurs questions, et la possibilité de
prendre un rendez-vous gratuit et confidentiel avec un « conseiller
départemental de sortie de crise » qui pourra les orienter
vers les différentes solutions financières ou judiciaires qui
constituent le troisième volet de ce dispositif.
Création
d’un "fonds de transition"
Aux
côtés des dispositifs financiers existants (prêts garantis
par l’État, avances remboursables et prêts bonifiés, prêts
exceptionnels directs…) et qui ont récemment été prolongés
jusqu’au 31 décembre 2021, Bruno Le Maire a annoncé la création
d’un "fonds de transition" doté de 3
milliards d’euros et qui pourra accorder deux types de financement
« aux grosses PME et ETI » : des prêts
« très
subordonnés dont la maturité est indéterminée,
soit des quasi-fonds propres », et des prêts « plus
classiques ». Avec ce nouveau fonds, « l’objectif
n’est pas de diluer les actionnaires, et l’État
n’a pas vocation à devenir actionnaire universel des entreprises
françaises, prévient
le ministre, mais (...) d’assurer une
transition dans la sortie de crise pour que les entreprises puissent
rebondir ».
Autre
précision apportée par Bruno Le Maire : il n’y aura pas
d’annulations massives de dettes. « Il pourra y avoir des
annulations de dettes dans le cadre d’une procédure judiciaire
classique, placée sous le contrôle du juge et impliquant de
nouveaux investisseurs, mais cela restera totalement exceptionnel. Je
pense qu’il est totalement déraisonnable d’envisager des
annulations massives de dettes. Une dette, ça se rembourse. »
Une
procédure collective simplifiée de « traitement de
sortie de crise »
Ce nouveau dispositif comprend également un volet judiciaire. « Les procédures préventives et collectives vont être simplifiées et accélérées », a expliqué le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. En matière de procédures amiables, « il est convenu d’encadrer le coût et de simplifier la mise en œuvre du mandat ad hoc, pour le rendre plus accessible aux petites entreprises » et « il est prévu de rendre la procédure de conciliation plus efficace et plus attractive en rendant ses conséquences plus prévisibles pour les créanciers ».
« Cette réforme ne peut fonctionner que si les entrepreneurs s’en emparent »
En
matière de procédures collectives, les petites entreprises
pourront se voir proposer une procédure simplifiée, dite « de
traitement de sortie de crise », permettant au débiteur de
bénéficier d’un plan d’étalement des dettes « que le
tribunal peut imposer à l’ensemble des créanciers », a
expliqué le garde des Sceaux. Une procédure « brève » car
ouverte pour trois mois seulement, « allégée » dans
la mesure où l’établissement du passif reposera sur une
déclaration du chef d’entreprise, et destinée aux petites
entreprises « qui seraient rentables, mais handicapées par
l’accumulation d’un lourd passif pendant la crise ».
Les conditions de seuil seront fixées par décret. Sont visées
« les entreprises de moins de 20 salariés et dont l’état
du bilan n’excède pas 3 millions d’euros de passif »,
lesquelles représentent aujourd’hui « près de 92% des
procédures engagées devant les tribunaux de commerce ».
Enfin, « pour les situations irrémédiablement
compromises », le
gouvernement entend
« faciliter les procédures permettant de faire bénéficier un
entrepreneur de l’effacement de ses dettes ». Les
assouplissements introduits pendant l’état d’urgence sanitaire,
en matière de rétablissement professionnel et de liquidation
simplifiée vont ainsi être maintenus.
Un
dispositif piloté par un conseil national de sortie de crise
« Cette réforme ne peut fonctionner que si les entrepreneurs s’en emparent » et c’est pourquoi « il faut que les entrepreneurs aient la certitude qu’ils peuvent pousser la porte du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce non pas pour être jugés, mais pour être aidés », a déclaré le ministre de la Justice, qui entend, par ailleurs, développer des permanences dédiées au droit économique, dans les maisons de justice et du droit.
« Depuis un an, du fait des mesures de soutien aux entreprises, les tribunaux de commerce ont été moins sollicités par nos entreprises placées, en quelque sorte, en hibernation. Alors que nous sortons de cet hiver, je crois pouvoir dire que, grâce à ces mesures, nous sommes prêts à affronter ces situations ». Le gouvernement a confié la mise en place et le pilotage de l’ensemble de ce dispositif à un conseil national de sortie de crise qui regroupe tous les acteurs économiques (fédérations d’entreprises, banques, professions du chiffre et du droit…) aux côtés de représentants de l’État.