Son domaine : protéines animales pour poissons d’élevage
La réglementation européenne rend possible l’utilisation d’une alimentation à base de larves de mouches destinée à l’aquaculture. L’entreprise, installée au Génopole d’Evry, a choisi les Hauts-de-France pour sa première unité de production.
InnovaFeed est une jeune entreprise d’une quinzaine de personnes. Créée en 2015, elle s’est très vite installée au Génopole d’Evry. Ce dernier existe depuis 1998 et se présente comme un «biocluster» dédié à la recherche en génomique, génétique et aux biotechnologies. Parmi les entreprises et laboratoires accueillis, figure InnovaFeed, dont l’activité est la transformation de larves d’insectes en farines et huiles destinées à l’alimentation des poissons d’élevage.
Feu vert de l’Europe. Clément Ray, 30 ans, président de cette SAS, explique qu’un changement, très attendu, dans la réglementation européenne ouvre cette année une «fenêtre de tir» à la jeune entreprise.
Précisons que tout ce qui relève de l’alimentation humaine finale fait l’objet d’études préalables et de textes à la fois détaillés et complexes. La fenêtre, c’est l’autorisation de fabriquer et de vendre des protéines d’origine animale utilisables en pisciculture et en aquaculture. La réglementation concerne les larves d’une mouche précise (l’Hermetia illucens). Après transformation, celles-ci iront nourrir des poissons d’élevage tels que les truites en France, les saumons du nord de l’Europe ou encore des crevettes d’Afrique ou d’Asie. Clément Ray souligne au passage que les insectes sont un aliment naturel des poissons.
Un énorme marché. Comme l’explique Clément Ray, pour les entreprises de cette filière stratégique et sensible, le “gisement” est considérable. Il cite la FAO (l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) : «45 % des poissons consommés dans le monde sont des poissons d’élevage et ce rapport devrait atteindre les deux tiers en 2025.»
A l’origine de ce marché, il y a à la fois la surexploitation des océans (qui a entraîné des restrictions de pêche) et la contamination (par les métaux lourds notamment) qui affectent les poissons vivant à l’état sauvage. Dans ce contexte planétaire, le poisson d’élevage apparaît donc plus sûr pour la consommation humaine. Et tout naturellement, les cadres juridiques, administratifs et financiers s’orientent vers cette production en plein essor.
Le choix des Hauts-de-France et de Gouzeaucourt. Le jeune président, à la tête d’une équipe dirigeante de cinq ingénieurs, explique qu’il a choisi la région pour ses nombreuses entreprises agroalimentaires qui vont fournir le compost apprécié par les larves (sucre, amidon…). Ces déchets et résidus de processus industriels sont appelés «coproduits végétaux». Ajoutons que les déjections des larves devraient servir d’engrais agricoles.
Concernant le choix de Gouzeaucourt, il salue le travail de Cambrésis développement économique : «L’agence nous a apporté le soutien, l’accueil, les contacts…» Elle a notamment orienté le choix vers un bâtiment relais situé à Gouzeaucourt et édifié sous l’ancienne communauté de communes de la Vacquerie, une intercommunalité absorbée par la communauté d’agglomération de Cambrai au 1er janvier dernier.
Dans la zone d’activité (où se trouve Gestamp), InnovaFeed compte démarrer la production en septembre dans environ 1 500/
2 000 m2. Le projet est déjà d’ajouter 1 000 m2 supplémentaires en 2018.
Une dizaine d’unités en projet. L’entreprise compte garder une partie de sa R&D à Evry (300 m2 loués) mais projette de créer une dizaine d’unités automatisées d’élevage et de production de farines d’insectes d’ici à 2020, en donnant la priorité à la région des Hauts-de-France (l’Est l’intéresse aussi) qui apporte une aide, tout comme l’Europe et l’Etat. Clément Ray tient à se montrer, pour l’instant, très discret sur les financements et aides engagés, en raison, dit-il, de la concurrence qui règne dans ce marché nouveau et hautement «stratégique».
En termes d’emplois, l’implantation à Gouzeaucourt, dans le Cambrésis, devrait susciter la création de 15 emplois dans un premier temps, pour atteindre la cinquantaine en 2018/2019 à la faveur de l’extension. La fabrication passerait très vite de 300 à 1 000 tonnes de farines par an.