Justice
Somme : le Procureur de la République entend mieux protéger les maires
D’ici la fin de l’année, une convention sera signée entre le parquet d’Amiens, les 14 Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du département et l'Association des maires de la Somme. Alors que les agressions verbales ou physiques sont de plus en plus courantes, le but est de renforcer les liens entre les maires, qui sont officiers de police judiciaire, et la justice.
En préambule au conseil communautaire de la baie de Somme qui s’est déroulé le 31 mai dernier, Jean-Philippe Vicentini, procureur de la République d’Amiens est venu présenter aux élus la future convention de partenariat qui sera signée entre le parquet, quatre premiers Établissements publics de coopération intercommunale (Communauté d’agglomération de la baie de Somme, Amiens Métropôle, communauté de communes Terre de Picardie et communauté de communes du Grand Roye) et l’Association des maires de Somme le 23 juin prochain. Quatre autres EPCI seront concernés à la rentrée. D’ici la fin de l’année, les quatorze EPCI que compte le département devraient en être signataires.
« J’ai besoin de travailler partout dans le département »
Pour le Procureur de la République, il aurait été trop compliqué de signer avec chacune des 772 communes : « Le but de cette convention est de proposer aux présidents des EPCI de travailler avec eux, souligne t-il. Je suis venu vous dire que je ne veux pas être le Procureur de la République d’Amiens et uniquement. J’ai besoin de travailler partout dans le département. Les problèmes peuvent arriver n’importe où et pas seulement dans les grandes villes. »
Ce protocole se veut organisé en plusieurs parties. La première concerne l’amélioration des relations avec les maires et les élus pour parvenir à « des relations exclusives et une totale liberté de parole ». Cette collaboration entre les élus et les magistrats du parquet va se concrétiser par une adresse mail dédiée que les présidents des EPCI devront communiquer aux maires. « Dès que nous aurons signé cette convention, je ne répondrai plus aux courriers mais uniquement aux mails, a stipulé le Procureur de République. Je vous demande de m’envoyer copie de toutes les plaintes que vous déposez auprès des services de police et de gendarmerie. Tant qu’ils ne m’appellent pas pour me parler de la plainte. Je ne la connais pas. Vous pourrez me remonter toutes les difficultés que vous avez. » Ainsi, il a évoqué un trafic de stupéfiants qui perturbait un quartier d’Abbeville et qui a été démantelé rapidement après que Pascal Demarthe, le maire et président de la CABS, lui a évoqué le problème : « On sait faire, a assuré, Jean-Philippe Vicentini. J’engagerai des moyens sur des dossiers qui me paraissent importants. »
Tolérance zéro
Après la multiplication de cas d’agressions physiques ou verbales d’élus, la pression judiciaire va monter d’un cran : « La politique que l’on va commencer à mener est tolérance zéro, a t-il pointé. Il y a des choses que l’on ne peut pas accepter. » Il prévoit de territorialiser les magistrats des parquets, tous les EPCI auront un référent et tous les deux mois, il y aura une prise de contacts avec les présidents. Ce protocole prévoit aussi que lorsque des choses graves, exceptionnelles se passeront dans des communes, le parquet pourra donner des informations aux maires. Une unité de pilotage se réunira plusieurs fois par an.
La troisième thématique concerne le traitement des plaintes des élus, qui sera réalisé de manière prioritaire et urgente. Il y a quelques jours, un individu ayant menacé de mort un maire a été jugé le jour-même. Une des difficultés concerne les réseaux sociaux : « En tant que maires, vous êtes des officiers de police judiciaire, a t-il rappelé. Par exemple, lorsque vous êtes insultés dans la rue c’est de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Lorsque cela arrive sur Internet, c’est de l’injure ou de la diffamation. » De même, un avis détaillé sera rédigé avant qu’une plainte soit classée sans suite.
Le protocole vise aussi les projets qui pourraient être montés entre toutes les parties pour l’avenir des délinquants. Ainsi, la convention signée à Terre de Picardie stipule que les gens qui balancent des ordures devront suivre un stage. L’idée étant de prendre en charge individuellement les personnes. Par exemple, obliger celles qui souffrent d’une addiction à l’alcool à se faire soigner, à faire un bilan de leur situation (effectuer une formation, trouver un travail…).
Pôle de tranquillité publique pour la fin de l’année
De même, il entend créer un pôle de tranquillité publique pour la fin de l’année : « Il faut aider nos concitoyens sur les problèmes de bruits, de poubelles, a t-il indiqué. Cela ne peut se faire qu’avec vous. C’est vous qui ferez bouger le dispositif. Il faut aussi être en relation quand cela va bien, pour faire un travail efficace dans l’intérêt de vos concitoyens. » « Cela donne confiance pour les relations à venir », s’est réjoui Stéphane Haussoulier, premier vice président de la CABS et président du Conseil départemental de la Somme. « Il faut que l’on réapprenne le respect à nos concitoyens », a souligné le Procureur de la République.
Invité à évoquer son retour d’expérience au sujet du réseau de vidéosurveillance installé à Valenciennes, où il officiait avant d’être installé officiellement en janvier à Amiens, il a commenté : « Ce dispositif s’est révélé très positif là où des gens déposaient des déchets. » Aux élus qui ont regretté le manque de forces de l’ordre en particulier pour des délits routiers, il a répondu : « Je ne suis pas ministre de l’Intérieur. » Pascal Demarthe s’est lui félicité du protocole signé notamment avec la police nationale, le parquet d’Amiens et la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Somme concernant la lutte contre les constructions illégales sur le territoire d’Abbeville : « C'est très efficace, nous avons réduit très significativement ce type de délit. »