Six mois de prison avec sursis requis contre le commissaire jugé dans l'affaire Legay

Six mois de prison avec sursis ont été requis vendredi à l'encontre d'un commissaire qui, en 2019 à Nice, avait ordonné la charge à l'origine de blessures subies par une septuagénaire, Geneviève...

La militante d'Attac Geneviève Legay, grièvement blessée lors d'une manifestation des "gilets jaunes", avant le début du procès du policier Rabah Souchi, au tribunal de Lyon, le 11 janvier 2024 © JEFF PACHOUD
La militante d'Attac Geneviève Legay, grièvement blessée lors d'une manifestation des "gilets jaunes", avant le début du procès du policier Rabah Souchi, au tribunal de Lyon, le 11 janvier 2024 © JEFF PACHOUD

Six mois de prison avec sursis ont été requis vendredi à l'encontre d'un commissaire qui, en 2019 à Nice, avait ordonné la charge à l'origine de blessures subies par une septuagénaire, Geneviève Legay, lors d'une manifestation de "gilets jaunes".

"Cet ordre a été donné de manière ni nécessaire, ni proportionnelle, ni conforme à la réglementation", a estimé le procureur Alain Grellet au deuxième jour du procès de Rabah Souchi, 54 ans, devant le tribunal correctionnel de Lyon.

C'est "un ordre mal ordonné et donc mal exécuté qui conduit à ces blessures", a-t-il poursuivi, en soulignant la "confusion" autour de la préparation de la manoeuvre.

Les débats ont mis en lumière une charge lancée dans un temps très court après les sommations d'usage, ce qui, selon l'accusation, n'a pas laissé le temps aux manifestants de se disperser, ni aux policiers de se préparer correctement.

"L'ordre donné est totalement légal", a argumenté de son côté l'avocat de la défense Me Laurent-Franck Liénard, qui a demandé la relaxe de son client.

Le jugement a été mis en délibéré au 8 mars à 14H00.

Diminuée

Le 23 mars 2019 à Nice, Geneviève Legay, alors porte-parole départementale d'Attac âgée de 73 ans, avait pris part à une manifestation interdite de "gilets jaunes". Renversée dans la charge policière, elle a souffert de multiples fractures et d'un traumatisme crânien.

Appelé à la barre des témoins, elle est revenue vendredi avec émotion sur cette journée qui l'a laissée "vraiment diminuée".

"Comme une imbécile, excusez-moi, j'ai voulu faire un dernier tour de drapeau et dire +liberté de manifester+", s'est-t-elle remémorée. Elle aperçoit quelques policiers, avec boucliers et tonfas. "Je me dis +il t'arrivera rien, t'as un drapeau de la paix+. Je me suis réveillée à l'hôpital".

A l'époque, les images de la septuagénaire inanimée au sol font couler beaucoup d'encre, d'autant que les autorités sont soupçonnées d'avoir cherché à étouffer l'affaire, le procureur de Nice ayant, dans un premier temps, nié tout contact entre la militante et les forces de l'ordre, une thèse reprise par Emmanuel Macron.

Cinq ans plus tard, Mme Legay garde des séquelles de cette journée. "On ne la reconnait pas du tout, elle a peur en permanence", a confié une de ses filles.

Efficace

Poursuivi pour "complicité de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique", Rabah Souchi s'est défendu d'une voix ferme pendant quatre longues heures à la barre, jeudi. 

Il a assuré que la décision de charger était "la tactique la plus efficace ce jour-là" afin de répondre à l'objectif de dispersion fixé par le préfet. Une action qui se justifiait, selon lui, par la présence des manifestants sur des voies de tram et leur refus de partir alors que la manifestation était interdite.

Il a également insisté sur le rôle du policier qui a bousculé Mme Legay, estimant que cet agent s'était "détaché de l'action collective".

Ce dernier n'a pas été poursuivi, après avoir été placé sous le statut de témoin assisté pendant l'enquête. Ce qui a donné lieu a des échanges poussés sur cette situation juridique au cours des différentes plaidoiries et réquisitions.

"On ne peut pas poursuivre M. Souchi pour un acte commis par un autre fonctionnaire", a déclaré à la presse Me Liénard, estimant en outre que les faits ne répondaient pas "aux critères de la loi en matière de complicité".

Les avocats de Mme Legay, et ses soutiens, souhaitent eux obtenir une décision qui fasse jurisprudence. 

"Geneviève Legay est une exception parmi tant d’autres en ce qui concerne les violences policières", a souligné Me Arié Alimi, qui dans sa plaidoirie a demandé au tribunal d'"apporter des points de référence".

"Aujourd’hui; la justice reconnait des fautes qui ont été commises dans le maintien de l’ordre, reconnait que cette enquête n’aurait pas dû se dérouler comme elle s’est déroulée, reconnait un scandale judiciaire, un mensonge d’Etat", s'est-il aussi félicité devant les journalistes.

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