RSI, cible facile ?
Il est la cible de Sauvons nos entreprises (SNE) et cristallise le mécontentement des indépendants. Le RSI est au coeur du mécontentement : trop de charges, de dysfonctionnement… Mais qu’en est-il réellement ?
Les ennuis pour le Régime social des indépendants (RSI) ont commencé en 2008, deux ans après sa création, lorsqu’a été décidée la fusion des trois caisses en charge de la protection sociale des indépendants (artisans, commerçants et professions libérales) – l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les Urssaf et le RSI donc. Ce dernier est alors devenu l’Interlocuteur social unique (Isu) pour la protection sociale des indépendants. Un rapprochement destiné en théorie à simplifier la gestion et la vie des indépendants grâce à un interlocuteur unique, mais en pratique, le nouveau dispositif a engendré de nombreux dysfonctionnements, notamment dus au rapprochement des systèmes informatiques et à la démocratisation du statut d’auto-entrepreneur qui a gonflé le nombre d’assurés et fragilisé d’autant le RSI, avec comme principale source de crispations – pour les assurés et les agents du RSI – le recouvrement des cotisations. Résultat : le Régime social des indépendants a vu ses cotisations tomber à 1,5 milliard d’euros fin 2010 (selon le rapport 2012 de la Cour des comptes) et en 2013, sur les 17,5 milliards d’euros de cotisations appelées au niveau national, les restes à recouvrer atteignaient encore 15,7 milliards d’euros hors taxations d’office.
Normalisation et amélioration
Une situation qui s’est progressivement normalisée : l’an passé, le RSI a enregistré 28 000 réclamations, soit une baisse de 11% comparé à 2013 (en Picardie, le nombre de réclamations est passé de 506 en 2013 à 226 en 2014) et un projet de réorganisation des caisses du RSI, baptisé “Trajectoire 2018” doit être instauré en 2019. Des améliorations qui n’ont pas suffi à calmer le mécontentement de l’association Sauvons nos entreprises (SNE) créée en janvier 2011 et représentée par des indépendants, artisans et commerçants qui se définit comme « un vrai contre pouvoir » en lutte « contre les charges abusives [des] entreprises, les abus bancaires, la CFE, le RSI… ».
L’association a lancé un appel à manifester le 21 septembre à Paris, moins suivi que la manifestation de début 2015. Entre temps, l’État et le RSI se sont de leurs côtés eux aussi mobilisés, avec en février un point presse du RSI national portant notamment sur les nouvelles mesures en faveur de la couverture sociale des indépendants la députée de la Vendée Sylviane Bulteau et celui du Gard Fabrice Verdier ont établi un rapport sur “Le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers” visant à dresser un état des lieux de l’efficacité du RSI dans sa relation avec les assurés et bénéficiaires, remis il y a quelques mois au Premier ministre Manuel Valls. Vingt mesures ont été définies pour améliorer la situation. Une révolution ? Pas tant que ça à entendre le directeur régional du RSI Picardie Jean-Marc Tomezak : « De nombreux outils pour inverser la tendance des débuts sont déjà en place dans nos services, le nombre de réclamations a diminué de moitié, et les contestations de nos décisions sont de l’ordre de 10%, le signe que le RSI n’est pas en-dessous de tout, sourit-il avant de reprendre plus sérieusement : C’est vrai que les débuts ont été compliqués, mais aujourd’hui, les taux sont revenus à la normale, avec moins de 40% des fichiers dans lesquels les assurés parlent de dysfonctionnement. Ce qui cristallise le mécontentement des indépendants et de SNE, ce sont les montants des charges qui leur sont imputés, le RSI n’a pas de prise sur cette question mais était une cible facile… Nous avons rencontré plusieurs fois des représentants de SNE et souhaitons un apaisement des relations, ce qui passe notamment par des délais de paiements pouvant être étendus jusqu’à 36 mois. L’État a tenu compte de leurs revendications, elles ont baissé de 1 milliard d’euros, mais les difficultés des professions libérales sont aussi liées à la crise économique… »
Aider les chefs d’entreprise
Depuis le 1er janvier 2015, le calcul des cotisations ne se fait plus sur N-2, mais selon le principe du “3 en 1” qui permet aux chefs d’entreprise de prévoir et lisser leur trésorerie : le calcul des cotisations prévisionnelles payées pour l’année en cours est désormais réalisé sur la base du revenu N-1, et le dirigeant est si besoin remboursé d’un trop versé, avec une régularisation plus rapide et un remboursement dans le mois qui court. Il lui est aussi possible de recalculer ses cotisations provisionnelles sur la base d’une estimation de son revenu de l’année en cours.
Jean-Marc Tomezak le rappelle : « Nous sommes là pour épauler les chefs d’entreprises, le RSI participe en lien avec la chambre de métiers aux stages d’installation, nous avons parallèlement développé les rendez-vous, avec un agent sur chaque site qui reçoit les assurés, deux numéros non surtaxés sont aussi à leur disposition en ce qui concerne les prestations et les cotisations, et nous avons développé les échanges par mail et plus généralement les outils numériques avec “Mon compte”, qui permet de suivre les cotisations, le relevé de carrière, les données personnelles et la prévention santé. » Une des missions du RSI, pas forcément la plus connue des assurés, consiste à accompagner les chefs d’entreprises indépendants fragilisés via le volet “Action sanitaire et sociale”. En 2016, le RSI se dirige vers un renforcement des actions en faveur des assurés, une indemnité journalière à titre thérapeutique (pour les mi-temps thérapeutiques) va ainsi être mise en pratique, les Rendez-vous du RSI – menés en partenariat avec la Capeb, la CGPME et la FFB – vont eux être développés : « Lorsque nous avons des réunions avec les artisans, la première partie est consacrée à déminer les difficultés, nous sommes à leur écoute. Une médiation de terrain avec un agent par département, va être instaurée, toujours dans le même esprit », explique Christophe Dumoulin, attaché de direction au RSI Picardie. « Le RSI a mis en place un cercle vertueux », estime le directeur régional qui craint cependant « une radicalisation de SNE… »
« Ces régimes sont mal gérés »
« Cette réforme a été mal construite et mal mise en œuvre en raison de compromis institutionnels laborieux et d’une mésestimation complète des contraintes techniques. » La Cour des comptes n’y a pas été par quatre chemins en septembre 2012 pour définir cette réforme mise en place en 2006. Sur le terrain, le ressenti est bien souvent le même. « Que ce soit mal géré, je vous le dis. Qu’il n’y ait pas beaucoup d’explications, c’est vrai. Mais sur les cotisations, il n’y a strictement rien à dire », explique d’emblée Renaud Bellière, architecte à Villers-Cotterêts (Aisne), à propos du Régime social des indépendants (RSI).
À l’écouter, le problème avec le RSI ne se trouve pas dans le montant des cotisations. « On paye toujours trop cher. Cependant, si l’on regarde de plus près, on paye moins que le régime général. Il est donc logique d’avoir moins d’avantages. Ensuite nos cotisations sont réglées deux ans après. Ce n’est pas confortable, mais il faut prévoir. Il faut savoir que lorsque l’on rentre de l’argent on paiera deux ans plus tard. Il faut aussi apprendre à se gérer », lâche l’architecte. En ce qui concerne la gestion de cette caisse, Renaud Bellière est plus résigné. « Ces régimes sont mal gérés. J’étais à la RAM Paris. J’arrive au début du trimestre suivant à Villers-Cotterêts et j’avais réglé mon trimestre précédent à la RAM Paris. Je tombe du toit, je fais de l’hôpital. Lorsque je veux me faire rembourser par la RAM, on me dit : “Vous n’êtes pas cotisant à la RAM province alors on ne vous rembourse pas”. J’explique que je ne suis pas à la RAM province mais à la RAM Paris. Dans cette dernière on m’explique que je suis rayé depuis la fin du trimestre payé et donc que je ne suis plus chez eux. Et la RAM Province me dit que je ne suis pas inscrit chez eux parce que je n’ai jamais cotisé. Vous ne serez inscrit qu’au 1er avril. Bon cela a pu s’arranger, mais ça a duré six mois. Vous voyez c’est cela le problème. C’est la communication interne. »
Amélie PÉROZ et Alexandre BARLOT