Riche et clivant... Thaksin, le vieux lion au centre de la politique thaïlandaise

Le milliardaire thaïlandais Thaksin Shinawatra, de retour dans le pays après quinze ans d'exil, a conservé une partie de sa popularité acquise comme Premier ministre de 2001 à 2006, mais ses ambitions jugées démesurées...

Un portrait de l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra et de sa soeur Yingluck Shinawatra lors d'un meeting électoral du parti Pheu Thai, le 28 avril 2023 à Bangkok © MANAN VATSYAYANA
Un portrait de l'ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra et de sa soeur Yingluck Shinawatra lors d'un meeting électoral du parti Pheu Thai, le 28 avril 2023 à Bangkok © MANAN VATSYAYANA

Le milliardaire thaïlandais Thaksin Shinawatra, de retour dans le pays après quinze ans d'exil, a conservé une partie de sa popularité acquise comme Premier ministre de 2001 à 2006, mais ses ambitions jugées démesurées ont fait de lui une personnalité clivante.

Pendant ses cinq années au pouvoir, M. Thaksin a été crédité d'une bonne gestion de l'économie, mais il a souvent été accusé de mêler affaires et politique, et d'attiser les divisions dans la société thaïlandaise.

A l'époque, son éviction avait conduit à de violentes manifestations entre "chemises rouges", ses soutiens, et "chemises jaunes" pro-royalistes, qui ont fait de nombreux mrots.

Le retour du milliardaire de 74 ans porte les germes d'un énième épisode de tensions dans le royaume d'Asie du Sud-Est, habitué aux crises cycliques.

L'ancien dirigeant, populaire auprès des milieux ruraux du Nord et du Nord-Est à travers une série de politiques sociales pionnières, fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires qu'il estime motivées politiquement.

Vainqueur de deux élections

Vainqueur de deux élections en 2001 et 2005 -un cas unique-, Thaksin a toujours conservé son influence sur la politique thaïlandaise.

Sa soeur Yingluck a été cheffe du gouvernement avant d'être renversée à son tour par l'armée en 2014. 

Sa fille Paetongtarn, 37 ans, s'est portée candidate au printemps dernier au poste de Premier ministre sous les couleurs du parti Pheu Thai, dirigé en coulisses par son père.

"C'est la figure la plus controversée du pays", a déclaré à l'AFP un associé de confiance de Thaksin sous couvert d'anonymat.

"Personne n'avait jamais résisté à un coup d'État. (Les autres) qui ont été renversés lors d'un coup d'État se sont évanouis et ont quitté la politique. Ce type est un combattant".

Derrière ce retour, maintes fois annoncé par le passé, se cacherait peut-être un pacte secret avec les militaires, ses anciens ennemis, qui pourrait leur permettre de se maintenir au pouvoir en dépit de leur défaite aux législatives du 14 mai.

"Il a tout détruit avec cet accord", a déclaré à l'AFP le politologue Titipol Phakdeewanich. "Il a détruit sa réputation de partisan de la démocratie... cela montre qu'il donne la priorité à lui-même et non au pays."

La famille Shinawatra, d'origine chinoise, a fait fortune au XXe siècle dans le commerce de la soie avec comme point de départ la région de Chiang Mai (nord), mais M. Thaksin n'a pas suivi cette voie.

Milliardaire des télécoms

Docteur en droit pénal d'une université américaine, il commence sa carrière dans la police où il devient lieutenant-colonel. La trentaine venue, il trouve cette force "trop bureaucratique" et se lance dans les affaires où il subit initialement de cuisants échecs.

Cependant, grâce à des franchises gouvernementales et à un réseau d'amis influents, il édifie un empire dans les télécommunications avec son groupe Shin Corp, présent également dans l'aviation commerciale et les médias.

Il construit ensuite ex nihilo un parti qui, aux élections de 2001, rafle le score le plus élevé jamais obtenu par une formation politique.

Se disant proche du peuple, il verse sans hésiter dans le populisme et se fait le chantre d'une Thaïlande décomplexée après la crise financière de 1997. 

Mais l'homme d'affaires est accusé par ses détracteurs de corruption, au point d'avoir été surnommé par certains "le Berlusconi d'Asie". Comme lui, il a été propriétaire d'un club de football, Manchester City, pour une saison seulement, de 2007 à 2008.

"Une entreprise, c'est un pays. Un pays, c'est une entreprise", répète-t-il.

En ce début de siècle, il est au firmament, la croissance économique grimpe à plus de 5% et il est salué pour sa gestion du tsanumi de décembre 2004, qui lui assure une réélection triomphale en février 2005.

Mais au sein de l'armée et dans l'entourage du souverain -le vieux roi Bhumibol-, certains se sont inquiétés de cette concentration de pouvoirs dans les mains d'un seul homme qui lutte sans merci contre les trafiquants de drogue et contre les musulmans séparatistes du Sud.

En janvier 2006, un événement finit par catalyser toutes les oppositions à Bangkok: sa famille vend à Singapour toutes ses parts dans l'empire Shin Corp, empochant plus de 1,5 milliard de dollars et bénéficiant d'une exemption fiscale.

Des manifestations éclatent dans la capitale, prélude au putsch qui provequera sa chute et son exil en septembre 2006.

bur-ras/del/roc 

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