RH : Relever le défi de l’intergénérationnel
Un tiers des seniors de plus de 50 ans se disent inquiets quant à leur avenir professionnel et craignent de ne pas trouver d'emploi durant les dernières années de leur carrière. Ce chiffre prend une résonance particulière dans un contexte marqué par la réforme des retraites et l’augmentation de l’espérance de vie, qui redéfinit les trajectoires professionnelles. Le cabinet Uskoa Partners a récemment publié une enquête sur la coopération intergénérationnelle en entreprise.
Le verdict des actifs interrogés par Uskoa Partners, cabinet de conseil en accompagnement de la transformation durable et du dialogue intergénérationnel en entreprises, est sans appel. Avec trois quarts d’entre eux qui ont déjà été victimes de préjugés liés à l’âge – qui touchent en particulier les boomers et la génération X (née entre 1965 et 1979)–, la majorité (91 %) souhaite que leur entreprise engage des actions pour optimiser et faciliter la coopération intergénérationnelle. Le dernier baromètre du Défenseur des droits, réalisé en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT) met également en avant les discriminations subies par les seniors : près d’un quart d’entre eux déclarent avoir été victimes de discriminations au cours de leur carrière.
Quelque
1 000 actifs ont été
interrogés lors d’entretiens
qualitatifs pour l’enquête
d’Uskoa Partners, divulguée fin
novembre*. L’occasion de rappeler que les croyances et les craintes
sur le sujet restent nombreuses :
« Les
plus de 60 ans manquent de motivation et sont fatigués »,
« Les anciennes
générations sont fermées d’esprit et n’acceptent pas le
changement », « Les
plus âgés comprennent moins vite, ne pensent qu'à la retraite,
sont plus lents »,
selon les verbatims recueillis
lors de l’enquête. Pour
les
RH, l’intergénérationnel n’est pas un défi –près
des
trois quarts jugent bonne,
voire très bonne, la qualité de la coopération
intergénérationnelle au sein de leur entreprise–, mais
la majorité reconnaît
néanmoins que des
tensions existent.
Pour Frédérique
Jeske, fondatrice d’Uskoa Partners et
présidente de l’association Senior for good, « Dirigeants
et managers ne semblent pas avoir encore pris la mesure de
l’importance du défi intergénérationnel ».
Observatoire
des pratiques du travail intergénérationnel
Les
attentes des salariés sur le sujet sont fortes. Ils souhaitent
ainsi que les entreprises valorisent et accompagnent les profils
seniors au lieu de les stigmatiser ; qu’elles voient la
coopération entre les générations comme une vraie opportunité
d'enrichissement ; et changent les logiciels de recrutement,
trop discriminants par rapport à l'âge.
Pour
agir, outre
« des dispositifs légaux contraignants »,
concrètement, les actifs proposent aux entreprises d’organiser des
événements en interne pour que les différentes générations se
rassemblent et apprennent à se connaître, de constituer des groupes
de travail comprenant plusieurs générations ou encore de créer un
observatoire des pratiques du travail intergénérationnel pour
partager les bonnes pratiques et les documenter.
En
attendant que ces actions soient mises en place, ils escomptent
notamment que la mentalité des top managers et des RH évolue,
qu’ils soient formés sur le sujet, qu’il y ait in fine
plus de recrutements de seniors. Objectifs ? Tendre vers « plus
de bienveillance et de prise en considération des individus, peu
importe l'âge » et « ne pas opposer ou superposer
les générations, mais définir en quoi elles peuvent être
complémentaires ».
Pas
de politique spécifique mise en place sur le sujet
Si 73 % des DRH et dirigeants estiment que cette coopération intergénérationnelle est importante pour leurs entreprises et alors que près de la moitié d’entre eux accordent la même importance à l'embauche de salariés expérimentés (seniors), globalement peu d’entreprises ont mis en place une politique RH de gestion des âges. La quasi-totalité d’entre elles (97,75 %) ne disposent pas de politiques spécifiques pour l’embauche des seniors et près de 45 % n’ont adopté aucune action spécifique. Parmi celles qui se sont emparées du sujet, près d’un quart mettent en avant des pratiques de recrutement inclusif et 11,5 % forment leurs managers à la question.
Parmi
les actions concrètes que les RH et dirigeants interrogés jugent
intéressantes à mettre en œuvre dans leur organisation, un quart
évoquent le mentorat
intergénérationnel, 22 % une politique de recrutement favorisant la
diversité de l'âge et 13 % des formations sur les biais inconscients
ou encore des ateliers de travail en équipe mixte (pour 11 %). Mais
Frédérique Jeske observe que ces formations et pratiques concernent
« surtout les biais cognitifs de façon large et sont plus
souvent orientés sur l’égalité homme/femme.
A contrario, les entreprises travaillent beaucoup plus pour attirer
et retenir les jeunes talents », observe-t-elle.
Pour
les RH et les dirigeants, les initiatives prioritaires pour optimiser
la coopération intergénérationnelle sont de sensibiliser, former
et coacher ; prendre en compte des envies et besoins spécifiques
selon la génération et les personnes, en termes, notamment,
d'horaires de travail ou de télétravail ; multiplier les
événements extra-professionnels – afterworks, déjeuners, etc...–
qui aident à briser les barrières intergénérationnelles ;
bien communiquer. Ou encore, mettre en place un plan dédié ;
créer un partage de connaissances et d’expériences entre les
générations.
Levier
de performance en entreprise
L’enjeu
est d’autant plus important avec les difficultés de recrutement et
de fidélisation et le déficit annoncé de ressources qualifiées à
dix ans. Autre enjeu, celui de la performance. Frédérique Jeske se
dit convaincue « de la nécessité à casser les silos pour
favoriser l’intelligence collective et relationnelle et construire
des équipes agiles et solidaires ». Pour près de 90 % des
actifs interrogés, les différences d'âge dans une équipe
influencent ainsi de manière positive la manière de travailler
ensemble. Ainsi, 86 % estiment que les stéréotypes de l’âge ont
une influence négative sur la collaboration en entreprise. A
contrario, 93 % évaluent comme importante, voire très importante, la
diversité d'âge au sein des équipes pour la réussite d'un projet
( « les
différences de génération apportent émulation et diversité dans
les échanges »,
« Les plus âgés apportent recul et
expérience »).
« Prendre en considération l’âge n’est pas une fin en soi, c’est un levier de performance et d’engagement », conclut Frédérique Jeske qui appelle les entreprises à « sortir du tabou de l’âge » et réussir à « garder en emploi et engager les salariés seniors, orchestrer quatre à cinq générations qui doivent travailler ensemble, en harmonie, sur la durée ».
*Enquête menée par questionnaire électronique et par entretiens qualitatifs auprès de 955 actifs et de 354 DRH et dirigeants d’entreprises privées et d’organisations publiques.