Patrimoine naturel
Réserve ornithologique de Grand-Laviers : un petit coin de paradis pour les espèces à plumes
Ouverte au grand public depuis neuf ans, la réserve ornithologique de Grand-Laviers s'étend sur 40 hectares. Avant d'y pénétrer, on est loin d’imaginer que c’était autrefois des bassins de décantation de la sucrerie d’Abbeville.
Il faut franchir la voie ferrée puis emprunter un petit chemin durant plus d’un kilomètre pour parvenir à la réserve ornithologique de Grand-Laviers. Une fois sur le parking, le visiteur peine à imaginer ce qui l’attend. Passage obligé par le chalet d’entrée puis chacun se dirige vers une allée tondue. De chaque côté, la nature est luxuriante. Il n’est pas rare de croiser des lapins, dont les trous de terriers sont nombreux, des grenouilles, des libellules et même des escargots.
Une vingtaine d’espèces sur six hectares
Accompagnés par Justine Lieubray, la responsable de la réserve, nous entrons dans un des observatoires fermés. En toute discrétion, nous nous asseyons. Devant nous, des dizaines d’oiseaux vivent leur vie en toute tranquillité dans un parfait brouhaha. Des petites foulques apprennent à plonger sous la surveillance de leurs parents, un vanneau huppé garde l’œil sur son poussin au bord de l’eau, des jeunes échasses blanches se nourrissent de petits invertébrés aquatiques, plus fier qu’un paon un cormoran tient la même pause durant plusieurs minutes.
Au total, une vingtaine d’espèces cohabitent ensemble sur le vaste plan d’eau de six hectares, où la salicaire commune reconnaissable à sa couleur pourpre éclate de couleurs : « Jusqu’à la fermeture de la la sucrerie en 2009, les 80 hectares étaient occupés par les bassins de décantation de la sucrerie Tereos d’Abbeville, raconte Justine Lieubray. Ils étaient alimentés par des tuyaux d’eau passant le long de la Somme. L’eau y décantait une saison avant de repartir l’année suivante. Sous l’impulsion d’Yves Butel, président des chasseurs de la Somme, qui a voulu faire de ce vaste site une réserve, la fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage a décidé d’acquérir trois des sept bassins et 40 hectares. Un projet mené en partenariat avec l’Agence de l’eau et, donc, la Fédération départementale des chasseurs de la Somme. »
Un important travail de restauration des milieux
À chaque fois qu’un chasseur valide son permis, une partie de la somme versée part à la fondation pour la protection des habitats de la faune sauvage. Avant même sa création, la future réserve était déjà jugée comme exceptionnelle, placés sur une voie migratoire, les lieux accueillaient déjà des canards friands de la matière organique. Un important travail de restauration des milieux a été réalisé et se poursuit toujours. Le système de pompage vers la Somme a été gardé, l’eau est gérée au niveau des bassins de manière optimum pour obtenir des niveaux parfaits pour chaque espèce : 15 centimètres pour les petits échassiers et 80 centimètres pour le plus grand plaisir des canards plongeurs. Des îlots de nidifications ont été aménagés pour séduire avocettes et échasses.
Et cela paie : 204 espèces d’oiseaux surtout des canards, des limicoles, des passereaux, des rapaces mais aussi d’autres plus rares comme le butor étoilé, le busard des roseaux, la gorgebleue à miroir ont été recensées, 175 variétés de flore ont été comptabilisées.
« Une partie a été apportée par les oiseaux qui mangent des graines qu’ils ont plantées sans faire exprès, poursuit Justine Lieubray. Une quarantaine de variétés sont considérées comme ayant une valeur patrimoniales comme la surpe maritime, la pesse d’eau, des orchidées… Tout cela est vraiment du à la diversité des milieux que nous avons mis en place. »
Une gestion aussi très favorable pour attirer de nouvelles espèces d’oiseaux. Ainsi, la gorge bleue à miroir ne se serait pas installée si des roselières n’avaient été plantées : « Dès que l’on met en place des mesures de gestion, qu’il n’y a pas trop de prédation et que la quiétude règne, les oiseaux viennent assez vite. Les avocettes et échasses présentes l’année suivante de nos premiers travaux », pointe Justine Lieubray.
Désormais, ce sont trois parcours (45 minutes, 1 h 30 et 2 h 30) qui attendent les amoureux de nature. Ils sont environ 10 000 par an - dont des photographes, des ornithologues, de nombreux étrangers - à parcourir les sentiers. La découverte est libre ou guidée et permet de faire le tour des plans d’eau et des 15 postes d’observations (palissades, observatoire en hauteur, postes fermés, appui photographique privé). L'été, certains canards et limicoles commencent à faire leurs bagages vers leur destination d’hivernage.
Trente-cinq panneaux pédagogiques ont été installés sur les parcours. « Je passerai des heures à regarder les oiseaux, assure Justine Lieubray. C’est incroyable d’observer toutes ces espèces qui cohabitent et veillent sur leurs petits. Il faut être patient, rester de longues minutes pour bien saisir le spectacle, il se passe toujours quelque chose sauf quand il fait super chaud. Les oiseaux sont comme nous, ils se protègent. »