Reprendre pour diversifier ses métiers et attaquer le marché national

Très expérimentés et boulangers eux-mêmes, Bertrand Boddaert et Vincent Sepieter ont voulu rester sur leurs terres pour orienter l’enseigne Régnier vers le multiservice mais dans un métier de base élargi, vers le traiteur notamment. Une reprise exemplaire pour un projet savamment conçu.

Le bâtiment principal sera relooké prochainement et la surface de la société doublée.
Le bâtiment principal sera relooké prochainement et la surface de la société doublée.
D.R.

De gauche à droite, Bertrand Boddaert, président, et Vincent Sepieter, directeur général de Régnier, transforment chaque jour un peu plus le vénérable Régnier.

La Gazette. Quels étaient vos formations et vos parcours professionnels avant cette reprise ?

Nous sommes à la base boulangers armentiérois et airois, nous nous connaissons depuis longtemps et nous travaillons ensemble sur divers projets mais toujours dans l’agroalimentaire. Ce que nous mettons en avant aujourd’hui c’est notre complémentarité et surtout une longue expérience de terrain.

 Quelles actions avez-vous menées qui vous ont fait penser que vous étiez capables de reprendre une entreprise ?

Nous formons un tandem déjà assez ancien mais résolument ancré dans notre terroir. Cette volonté d’aller de l’avant nous l’avons déjà montrée en reprenant deux sociétés en 2003 et 2008, pas directement dans la boulangerie mais dans l’agroalimentaire. Et, surtout, nous faisons le choix d’entreprises qui sont en pleine expansion ou qui présentent des possibilités en ce sens. Notre but c’est le développement ! Cette double expérience réussie et le fait que nous maîtrisons nos métiers dans ce secteur d’activité nous ont encouragés à rechercher une troisième entreprise dans cette contrée que nous connaissons parfaitement.

 Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre cette entreprise ?

D’abord tout est allé très vite et nous n’avons pas examiné d’autres dossiers que celui de Régnier. Cette société arquoise, nous la connaissons depuis des générations et des générations, on a même fait nos études avec les fils Régnier. Cette enseigne vénérable fait partie de notre culture, elle a été créée ici en 1864, c’est un monument de l’industrie boulangère. Néanmoins, c’est un peu le hasard qui nous a mis sur sa route : notre expert-comptable nous a alertés sur sa disponibilité. Si la reprise a été ultra rapide (quatre mois à peine), nous avons cherché durant trois ans, surtout Vincent qui a fait jouer nos réseaux : il a participé à de nombreuses journées «reprise» organisées par le BRE, par la Caisse d’épargne , il nous a mis en contact avec la CASO, la CCI, Saint-Omer développement. Bref, quand on a trouvé, on était prêts. Mais c’est notre expérience qui a surtout penché dans la balance car reprendre Régnier, ce n’est pas racheter n’importe qui…

 Combien de temps s’est-il passé entre l’idée et la clôture du dossier ?

On a cherché pendant trois ans, et la phase de reprise elle-même a duré quatre mois : fin janvier 2013 on a rencontré M. Régnier et on a signé le 15 mai 2013.

 Quels ont été vos partenaires durant cette reprise ?

 De notre côté, nos avocats, un expert-comptable et un commissaire aux comptes et deux banques, mais nous avons toujours négocié en direct avec la famille Régnier puisque nous nous connaissions mutuellement.

 Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?

Essentiellement sur la qualité professionnelle et psychologique des 47 collaborateurs présents, sur l’existence de bâtiments modernes et fonctionnels et sur les capacités de développement. Nous sommes tombés d’accord très vite sur le montant de la cession, nous étions entre professionnels. Et à partir du 14 février, on a été là tous les jours.

 Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?

Côté surprise, aucune ! Quant à Régnier, sa notoriété parlait pour elle. C’était la 5e génération de Régnier, on sentait que la famille voulait vendre à des professionnels. On a eu affaire à des gens très courtois, de grande qualité et qui ont accepté notre projet : pas un seul nuage. Tout a été clair, nous avons disposé de tous les documents nécessaires. La direction a prévenu le personnel 15 jours avant la signature et nous l’avons rencontré juste après pour lui expliquer notre projet, avec succès. Cette équipe nous permettait de le mettre en œuvre puisqu’elle comptait 20 pâtissiers et 15 boulangers. Régnier est une belle petite entreprise qui, malgré la crise, maîtrisait bien son activité avec un CA de 4,4 M€ et une très bonne solvabilité. Nous pensons que les Régnier ont vendu au bon moment parce que les marges commençaient à se réduire, la demande devenait plus attentive aux prix et la concurrence s’activait. La clientèle était équilibrée avec beaucoup de petits clients et quelques grosses enseignes : 30% de collectivités, 30% de distribution en boulangeries et restaurants, le reste en pâtisserie grand public et hors foyers.

D.R.

Le bâtiment principal sera relooké prochainement et la surface de la société doublée.

 Y a-t-il eu de bons et de mauvais moments durant la reprise ?

Des mauvais aucun. Le meilleur moment, c’est quand on monte dans le tracteur et qu’on est seul au volant…

 Quels sont vos projets pour Régnier ?

Depuis le 16 mai 2013 on a changé beaucoup de choses… On a investi 300 000€ dans le parc roulant qui en avait besoin, on a retravaillé tout ce qui était informatique ce qui nous a permis de changer de logo, de nom puisque nous sommes devenus «Boulangerie et Traiteur sucré salé», nous avons été labellisés “Saveurs en’Or”, une nouvelle plaquette est née, donc la communication et l’image vont jouer de plus en plus un rôle important dans les nouvelles orientations. Nous avons étoffé l’équipe avec un responsable d’atelier, un de production et un de qualité, dont deux ingénieurs. Le développement prend deux directions : un marché régional à consolider mais qui ne sera plus l’unique débouché dans ce rayon de 80 km en boulangerie-pâtisserie axé sur la brioche, et un marché résolument national en surgelé sucré-salé précédé d’une intense communication. Nous allons créer 20 emplois dans les trois prochaines années, dont des commerciaux, et notre objectif comptable est de doubler le CA en trois ans, d’augmenter la rentabilité, de doubler la surface de l’entreprise en 2015 (nous y travaillons avec la CASO et la CCI) et de revoir le look de nos bâtiments. Donc, voilà du pain sur la planche pour les prochaines années ! Le marché est porteur mais demande à être surveillé de très près car la concurrence est très active et le consommateur compare les prix plus qu’avant. La crise a évidemment attisé tout cela. Pour résumer, nous pensons que notre plaquette illustre bien nos nouvelles tendances pour Régnier : une gamme pour le pain et la brioche, le merveilleux boule, le mini-choux salé et le légendaire Paris-Brest, et des recettes sur mesure innovantes très tendance.

 Auriez-vous trois conseils à donner à un candidat repreneur ?

Bien s’entourer de compétences mais avoir soi-même du flair, rester dans ce qu’on sait faire et doser, c’est-à-dire ne pas brûler les étapes et ne pas vouloir aller trop vite.