Reprendre et revenir vers la vérité du produit !

Très connu, Leman TH a été repris en douceur et très professionnellement par Martin Dhellemmes et ses partenaires. Il veut dupliquer les points de vente et de fabrication en allant vers le développement durable.

Des abris parfois volumineux, Leman a même conservé des lames vieilles de 20 ans pour les reconstruire à la demande éventuelle…
Des abris parfois volumineux, Leman a même conservé des lames vieilles de 20 ans pour les reconstruire à la demande éventuelle…
D.R.

Un atelier vaste et lumineux en constante activité.

La Gazette. Quels sont votre formation et votre parcours avant cette reprise ?

Martin Dhellemmes. Je viens de la distribution de textiles. J’ai dirigé la Halle aux Vêtements, créé une entreprise de lingerie voilà 15 ans, puis une chaîne de magasins en Belgique revendue sept ans après. Puis j’ai fait un peu de management et, en 2008, je me suis décidé à reprendre. J’étais entré dans la carrière pour la liberté de pensée et d’action, j’en sortais avec la même envie… La bulle textile devenait sursaturée, l’import-export demandait une énergie folle et un stress permanent, j’avais 48 ans, alors autant changer tout ça et aller dans une activité qui, enfin, collait à mes aspirations profondes. Je me sentais capable de reprendre, vu mon expérience, même dans un métier qui n’était pas le mien à condition de trouver une PME réunissant des critères. Je me donnais deux ans avec des soutiens, j’étais lauréat du réseau Nord Entreprendre, membre de clubs d’entrepreneurs, etc., donc la confiance était là !

 Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de rependre cette entreprise ?

J’ai galéré pour trouver. Je voulais une PME d’une dizaine de personnes qui fabrique un produit naturel − là il s’agissait d’abris de jardins sur mesure de belle facture −, qui ne fournisse pas la grande distribution, qui ne dépende pas de l’export et qui fonctionne en circuits courts, sur un marché porteur respectant de vraies valeurs. Le bois s’y prêtait.

Avant, j’ai connu vingt-trois mois d’hésitations entre quelques sociétés, pas beaucoup car mes critères étaient contraignants. Mais, malgré l’aide des mes partenaires, la tâche a été ardue. J’avais avec moi le CRA, des cabinets de cession, la CCI Lille, Nord entreprendre. Ils m’ont soutenu, je savais exactement ce que je voulais. Un jour, l’expert-comptable d’Experts and Co, qui m’avait tout le temps accompagné, est revenu vers moi avec le dossier Leman TH.

 Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de Leman TH ?

Le sérieux des gens qui menaient la cession. C’est l’IRD via Nord transmission, Experts and Co etc. J’étais bien entouré et les frères Leman, qui partaient à la retraite, ont eux aussi été très professionnels, examinant ma candidature de repreneur avec soin, sans se précipiter. La société n’avait pas de repreneur, un membre de la famille ayant décliné l’offre. La première entrevue a eu lieu en septembre 2009, mais j’ai dû insister une seconde fois pour exposer mes vues, et là ça a marché, on s’est compris. Leman TH avait 30 ans de vécu, démarrant très fort tout de suite avec des produits de grande qualité, 12 personnes compétentes, un marché régional stable avec un CA de 2 M€ et une activité de proximité assurant un relationnel constant avec le client puisque 80% des acheteurs sont à 30 minutes, et deux points de fabrication et de vente, Marcq et Merlimont. Bref, c’était solide et propice au développement.

 Combien de temps a pris la transmission ?

 De septembre 2009 à juin 2010. La lettre d’intention a été la plus détaillée possible, devenant même le protocole proprement dit. A cette lettre j’ai pris l’initiative de joindre ma profession de foi, mon projet et mes motivations profondes et cela a plu ! Pendant deux mois mes partenaires ont travaillé dur, je suivais tout cela de loin et j’angoissais un peu. En décembre 2009, je savais que j’étais officialisé repreneur, ça m’a soulagé. Je n’avais pas de chiffres, je ne rencontrais pas le personnel, je ne savais pas avec qui j’allais travailler, mais, finalement, tout s’est bien passé entre professionnels. Je ne regrette rien.

D.R.

Martin Dhellemmes près d’un modèle moderne.

 

Quels ont été vos partenaires durant cette transmission ?

Outre ceux cités, le Crédit agricole, le banquier historique de la société Le Crédit du Nord, LMI, Total développement et Croissance Nord-Pas-de-Calais. Ils ont consolidé les fonds propres.

 Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?

Ce sont mes partenaires qui l’ont faite mais la somme était juste, je n’ai pas discuté, je pouvais rembourser et mon business plan était «blindé». J’avais en effet projeté 0% de croissance pendant sept ans… Modestie, prudence et réalisme : les banquiers ont apprécié.

 Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?

Je n’ai rien de particulier à mentionner. J’ai rencontré le personnel, un peu surpris mais qui n’a pas fait de commentaires, l’activité continuant sans rupture ni modifications. Les relations avec les Leman ont été exemplaires, on m’a tout dit.

 Y a-t-il eu des bons et des mauvais moments pendant la transmission ?

Le bon, sûrement quand j’ai appris que j’étais retenu comme acheteur. Les mauvais… Il y a eu des moments assez difficiles. D’abord un stress permanent, de mauvais résultats juste avant la signature car la saison s’annonçait mal, et puis l’achat du foncier de l’entreprise inclus dans le bail et qui s’est fait très tardivement, la valorisation en a souffert. Puis des aléas dus à la crise, une banque qui a très mal investi mes fonds par exemple…

 Quels sont les projets pour l’entreprise ?

Je vais ouvrir d’autres points de fabrication et de vente dans la région, très proches du public qui pourra vraiment voir comment nous travaillons. Ce contact, c’est un concept qui consiste à être proche du produit, connaître le process et l’équipe qui réalise chaque modèle sur mesure. Mon modèle c’est la boulangerie Paul, avec des odeurs et une ambiance conviviale. Pour l’instant je réfléchis aussi à une alternative : être très présent sur le Net, car ouvrir de nouveaux points un peu partout, c’est cher et risqué. Prudence…

Pour le reste, j’ai fortement informatisé l’entreprise, acquis quelques machines, joué sur la communication et l’image. On a beaucoup cherché autour du bois mais utiliser les essences régionales n’est pas adapté au produit, ou alors il faudrait traiter et là, ça multiplierait le prix par trois. Les bois utilisés sont beaucoup plus résistants, des bois russes ou scandinaves qui se travaillent, eux, sur de grandes longueurs sans problème.

Le marché est fidèle − on achète du Leman de génération en génération −, régulier et saisonnier, même si l’abri de jardin on l’achète aussi hors saison. Et on peut toujours rattraper une mauvaise saison. L’avenir est à d’autres concepts : le petit habitable, l’habitat complémentaire aussi. Mais la grande inconnue, ce sera le prix du bois asiatique…

 Trois conseils à donner ?

Bien savoir ce qu’on cherche, ne pas partir seul mais avec un cabinet spécialisé en PME, valoriser son projet en même temps que les propositions financières.

D.R.

Des abris parfois volumineux, Leman a même conservé des lames vieilles de 20 ans pour les reconstruire à la demande éventuelle…