Repenser l’acte de marcher pour les paraplégiques
Titulaire d’un doctorat en neurosciences obtenu à l’Université de Bourgogne, Grégoire Courtine développe aujourd’hui un système destiné à refaire marcher des personnes paraplégiques à l’Ecole polytechnique de Lausanne.
« Tout a commencé par un amour du mouvement » raconte le Dijonnais Grégoire Courtine, chercheur en neurosciences et sportif de haut niveau. Il rencontre les neurosciences par l’intermédiaire d’un professeur. « J’ai vu comment le cerveau contrôle le mouvement et j’ai rencontré des personnes privées de mobilité à cause de lésions de la moelle épinière. Ça a été un déclencheur. » Depuis 20 ans, Grégoire Courtine travaille à faire remarcher des personnes paraplégiques. Après des premiers résultats concrets, le chercheur et ses équipes du centre NeuroRestore, et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse, viennent de franchir une nouvelle étape. « Nous allons chercher les intentions de marcher là où elles naissent, dans le cerveau pour arriver à une marche plus fluide, plus naturelle » vulgarise le chercheur.
Stimulation et réaction
Concrètement, le nouveau dispositif élaboré par le scientifique et ses équipes repose sur un ensemble d’électrodes. La première est logée sur le cortex moteur du cerveau, qui gère les muscles des jambes, pour enregistrer l’activité électrique. « Il envoie les informations à un ordinateur externe qui, grâce à ses algorithmes d’intelligence artificielle va décoder les intentions du patient. Il traduit les intentions motrices en stimulations électriques qui vont activer la moelle épinière comme le ferait le cerveau. » Un pacemaker situé dans l’abdomen envoie les stimulations à une électrode placée à un endroit précis d’à peine cinq centimètres de la moelle épinière afin d’induire le mouvement que le patient décide de réaliser.
Faciliter la vie des personnes en situation de paraplégie
Il suffit d’une microseconde pour que s’opère la stimulation, à peine plus que lorsque le cerveau fonctionne sans le dispositif. Après qu’un premier patient ait bénéficié du système, Grégoire Courtine prévoit d’équiper trois autres patients pour leur redonner une mobilité des membres inférieurs et de transposer le dispositif sur trois autres ayant perdu la mobilité du bras ou de la main. « L’objectif est désormais de minimiser le système et de diminuer le temps de latence pour commercialiser le dispositif et le rendre accessible au grand public d’ici la fin de la décennie. »
Alors que deux à trois millions de personnes dans le monde sont paralysées à cause de lésions de la moelle épinière, le professeur espère leur proposer la première génération de son dispositif d’ici quatre ans. « Nous n’avons pas la perspective de rester en laboratoire mais de rendre la technologie accessible. » Grégoire Courtine tient toutefois à réfréner la croyance qui voudrait que les personnes pourraient marcher naturellement dans la rue grâce à son système. « Il s’agit d’améliorer la vie quotidienne mais la chaise roulante reste plus pratique que la marche lente. Les deux peuvent être associés comme pour un cocktail ou un rendez-vous d’affaire en passant de la posture assise à debout. » Ainsi, les personnes à mobilité réduite pourraient gagner en sociabilité et réduire l’éventuel sentiment ou préjugé qui laisserait à penser, à tort, que leur handicap les place en situation d’infériorité.
Pour Aletheia Press, Nadège Hubert