Réorganisation, restructurations économiques : choisir la bonne voie pour le devenir de l’entreprise
Pendant longtemps, le droit du travail français a souvent été perçu comme un anachronisme, synonyme d’une lutte des classes désuète. Beaucoup de chefs d’entreprise le considérait comme un mal nécessaire, source de surcoûts, voire de problèmes … Désormais, la rénovation est lancée, avec un vaste choix d’outils. Eclairage.
Il ne s’agit plus de raisonner en contrainte, mais en véritable bâtisseur d’une stratégie sociale au centre de l’économie et des valeurs de l’entreprise. Les réformes législatives de ces dernières années vont clairement dans ce sens : aménagement du temps de travail «à la carte» pour chaque entreprise, rationalisation de la représentation du personnel par la mise en place du CSE (Comité social et économique), négociation d’entreprise prioritaire sur la convention collective, ou encore outils juridiques pour réorganiser, restructurer l’entreprise.
Les
entreprises se sont nettement emparées de ces nouveaux outils juridiques. De
janvier à juillet 2018, on enregistre pas moins de 66 projets de rupture
conventionnelle collective. Corrélativement, le nombre de plans de sauvegarde
pour l’emploi a baissé de 24% sur la même période (soit 280 PSE).
Entre
la montée de ces nouveaux outils «Macron» et la survivance des anciens, le
choix est désormais vaste : plan de sauvegarde de l’emploi, plan de départ
volontaire non-autonome, plan de départ volontaire autonome, rupture
conventionnelle collective (RCC) ou encore accord de performance collective.
Mais alors, comment choisir ?
Un
choix fonction du projet envisagé
On
garde en mémoire le projet de RCC avorté de la chaîne d’habillement nordiste
Pimkie, début 2018, dû à une fronde syndicale. C’est une des expériences qui
ont permis de mieux comprendre comment faire un choix entre les outils
juridiques, en fonction du projet envisagé. A ce jour, on peut distinguer trois
grandes familles de projets : les restructurations «dures», les
réorganisations «souples» et les refontes du statut social.
Un
projet de restructuration «dur» est un moyen de guérir d’un problème
économique grave. Ainsi, il y a une certaine urgence à opérer un nombre
suffisant de suppressions de postes ou encore à fermer certains établissements.
L’outil choisi par l’entreprise doit répondre à cette double exigence de volume
et d’urgence. C’est pour cela que, bien souvent, un PSE, avec ou sans plan de départ volontaire, répond à ces
exigences, puisque garantissant un nombre de suppressions de postes et pouvant
être mis en œuvre de façon unilatérale, en cas d’échec des négociations
syndicales.
A
l’opposé, les projets de réorganisation «souples» permettent de faire
prendre un tournant à l’entreprise. Ils s’inscrivent ou non dans le cadre d’une
problématique économique. Leur objectif est l’adaptation pour faire face aux
prochains défis du marché. Cela signifie, bien souvent, de viser précisément
tel type d’emploi ou d’activité, compte tenu de ces enjeux futurs. Cette
nécessité de ciblage n’est généralement pas compatible avec la notion de
catégorie professionnelle large et transversale, obligatoire en cas de PSE.
C’est pour cela qu’habituellement, celui-ci est écarté au profit d’une rupture
conventionnelle collective, plus libre dans la définition de son périmètre
d’application.
Un
peu à l’écart, il existe également une possibilité d’adaptation du statut
social de l’entreprise : l’accord de performance collective. S’il peut
conduire à des suppressions de postes, cet outil n’est pas conçu pour cela. Il
permet de «faire sauter le verrou» du contrat de travail, en imposant, par un
accord collectif, une modification de la durée du travail et/ou des
rémunérations et/ou de la mobilité. Couronné d’un succès fulgurant (80 accords
déjà signés), il constitue, sans conteste, une alternative à un PSE pour
l’emploi. Toutefois, la communication avec les salariés est de mise, puisque
chaque salarié qui refuse la modification proposée est licencié. Ce qui
signifie que le nombre de licenciements peut s’emballer…
Si le choix de la bonne voie n’est jamais standard, puisque intimement lié au projet et à l’entreprise, il constitue le commencement d’un chemin soulevant beaucoup de questions : Quelle stratégie de négociation ? Comment anticiper les exigences de l’administration, la Dirrecte? Comment organiser une bonne communication ? Autant de questions, gages de la réussite de la transformation de l’entreprise pour l’avenir.
Arnaud SAINT-RAYMOND, avocat en droit social (arnaud.saintraymond@fidal.com)