Rémy Juquel, brasseur par nature
Rémy Juquel a créé sa microbrasserie Pap’s Bière dans sa maison de Saint-Aubin-en-Bray début 2016. Histoire d’une passion, à partager néanmoins avec modération...
La bière, Rémy Juquel l’a toujours aimée. Originaire de Méru, ce fils de charcutier l’appréciait en connaisseur. Mais son diplôme en génie électrique et sa carrière dans l’industrie puis comme formateur au centre Pro BTP du Belloy, ne le prédestinaient nullement à en faire son activité principale. Aujourd’hui responsable de travaux pour Pro BTP sur la cinquantaine de sites de Normandie et Hauts-de-France, il vient pourtant de passer à mi-temps pour développer la micro-brasserie qu’il a créée il y a quatre ans. « Auparavant, je fabriquais ma propre bière pour moi-même, ma famille et les amis. C’était un peu du bricolage, je faisais un petit brassin de 20 litres de temps en temps pour des occasions particulières », se souvient-il.
Parallèlement, il part à la découverte des nombreuses bières existantes, en Irlande et en Belgique, teste des recettes, se forme petit à petit, affine son projet, et décide de se lancer. Après avoir suivi le stage de création d’entreprise à la Chambre des métiers et de l’artisanat, il officialise la création de Pap’s Bière en janvier 2016. Plusieurs mois seront nécessaires pour obtenir l’agrément des douanes pour la production et la vente d’alcool… l’activité démarre réellement en septembre de la même année. Dans une dépendance de sa jolie maison de pays, en face de l’école et de l’église de Saint-Aubin-en-Bray, le passionné a installé plusieurs cuves de brassage et de fermentation ainsi qu’un lieu de stockage pour les matières premières.
Un processus en plusieurs étapes
« La bière, c’est uniquement de l’eau, du malt et du houblon », explique Rémy Juquel, qui produit une boisson sans conservateur, sans arôme ajouté, non pasteurisée, non filtrée et refermentée en bouteille. Le malt, de l’orge plus ou moins torréfiée en fonction de la saveur recherchée, et les fleurs de houblon proviennent d’une malterie belge. « J’associe sept malts différents, dont les dosages produiront les bières blonde, ambrée ou brune. Le malt donne à la bière sa couleur et ses arômes, alors que le houblon, d’abord utilisé pour mieux conserver la bière, lui apporte son amertume. »
Avec un cycle de fabrication assez long, le brasseur doit bien planifier pour ne pas tomber en rupture. L’orge maltée est concassée jusqu’à l’obtention d’une sorte de farine à gros grains, puis mélangée à de l’eau, à raison de 20 kilos de malt pour 100 litres de bière, dans une cuve de brassage. Pendant une heure et demie à différents paliers de température compris entre 50 et 80°, l’amidon du grain va progressivement se transformer en sucre. Le brasseur va ensuite filtrer l’ensemble et récupérer le jus appelé moût, qu’il va porter à ébullition entre 80 et 90° pendant une heure et demie et y incorporer le houblon.
À l’issue de cette étape, le liquide rapidement refroidi à 20/ 25° est transféré dans une cuve de fermentation, où on lui ajoute des levures et où il restera deux à trois semaines. Vient ensuite la mise en bouteille. « À ce stade, la bière ne pétille pas encore. On lui rajoute très peu de sucre, suffisamment pour relancer la fermentation, alors que dans l’industrie le processus est obtenu par injection de CO2 », souligne Rémy Juquel. Mais l’heure de la dégustation est encore loin, puisqu’un affinage de trois à quatre semaines en bouteille est nécessaire. Au total, il faut pratiquement attendre deux mois entre le début de la fabrication et la consommation. « Il faut laisser le temps au temps, c’est ça qui est grisant », confie le brasseur avec gourmandise. Une fois prête à être consommée, la bière se conserve un an, idéalement à température de cave.
La bière du confinement
Pap’s Bière produit trois bières différentes, affichant un taux d’alcool de 6 à 6,5 °. La bière blonde, légère, presque blanche, est houblonnée avec des arômes très doux. La bière ambrée, la première que Rémy Juquel ait mise au point, présente un goût malté et légèrement amer mais très fruité, avec une longueur en bouche étonnante. Plus complexe à élaborer, la bière brune est très houblonnée, avec un arôme qui reste doux et extrêmement parfumé. Les trois types sont proposés en bouteilles de 33 ou 75 cl, la bière ambrée est aussi disponible en fût de 20 litres adapté à une tireuse à bière.
En 2019, la production totale de la microbrasserie s’est élevée à 60 hectolitres (6 000 litres) et devrait atteindre les 100 hectolitres cette année. Et depuis 2017, le brasseur propose également une bière de Noël, dont la production augmente chaque année : 800 litres de cette bière sont prévus pour novembre prochain. Mais la période de confinement a aussi donné naissance à une bière éphémère très appréciée, la bière au miel. « Ma deuxième fille, Jeanne, 18 ans, qui va démarrer une école d’ingénieur agroalimentaire en septembre, m’a demandé de lui apprendre à brasser. Elle a toujours été intéressée par la bière, c’est même elle qui avait trouvé le nom de l’entreprise, Pap’s Bière, la bière de papa », sourit Rémy Juquel. L’apprentissage de la jeune femme se met en place, et elle a l’idée de se rapprocher d’un apiculteur voisin, Thomas Beaunis de l’entreprise Salut les abeilles, pour élaborer une bière au miel. « Nous avons testé quatre recettes différentes, et finalement, nous avons commercialisé une cinquième recette, avec 1,7 % de miel, confie le brasseur. Les 1 000 bouteilles produites ont été vendues en un rien de temps ! J’en referai sûrement au printemps prochain, mais avec un miel plus prononcé. »
La période de confinement a aussi fait évoluer le système de vente : normalement, la production de Pap’s Bière est vendue directement à la brasserie sur rendez-vous, sur des marchés locaux et artisanaux, dans des petites épiceries ou des boutiques à la ferme. Pendant le confinement, un site Internet de vente a été mis en ligne et un service de livraison a été instauré. « Puisque les clients ne pouvaient pas se déplacer, c’est moi qui livrais, ça a vraiment bien fonctionné », reconnaît l’artisan, au point que la production peinait à suivre la demande. « Ce qui prouve que si je me consacre à plein temps à cette activité, elle devient économiquement suffisante ».
L’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.