Rejets toxiques en Méditerranée: l'usine Alteo de Gardanne mise en examen

L'usine Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône), leader mondial de l'alumine de spécialité, a été mise en examen pour avoir pendant des années rejeté en Méditerranée des effluents toxiques dépassant les seuils réglementaires, a...

L'usine Alteo à Gardanne, le 22 mars 2019 dans les Bouches-du-Rhône © Boris HORVAT
L'usine Alteo à Gardanne, le 22 mars 2019 dans les Bouches-du-Rhône © Boris HORVAT

L'usine Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône), leader mondial de l'alumine de spécialité, a été mise en examen pour avoir pendant des années rejeté en Méditerranée des effluents toxiques dépassant les seuils réglementaires, a annoncé vendredi le parquet de Marseille. 

Malgré de multiples dérogations environnementales successives accordées par la préfecture des Bouches-du-Rhône, l'usine a continué à déverser ses effluents "en ne respectant pas les valeurs limites d'émission" assignées, a indiqué cette source, confirmant l'information initiale du Monde.

La justice avait ouvert une information judiciaire contre X pour mise en danger de la vie d'autrui, en mars 2019, après le dépôt d'une plainte par une dizaine de plaignants, dont le maire de la commune de Gardanne, des associations environnementales et des riverains de l'usine. Ceux-ci souhaitaient faire cesser les rejets d'Alteo, dénoncés depuis des années.

Alteo est soupçonné d'avoir à Gardanne et Cassis entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2021 "laissé s'écouler dans les eaux de la mer dans la limite de la mer territoriale directement ou indirectement une ou des substances dont l'action ou les réactions ont même provisoirement entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune", a indiqué le procureur de Marseille à l'AFP, Nicolas Bessone.

Plusieurs arrêtés préfectoraux autorisant l'entreprise à déroger temporairement aux seuils de toxicité pour ses effluents liquides en mer avaient été pris en 2015, 2016, 2018 et 2020, notamment pour sauvegarder plusieurs centaines d'emplois.

Malgré ce droit à polluer Alteo ne serait donc pas rentré dans les clous: ses effluents déversés au coeur du Parc national des Calanques présenteraient toujours des taux de concentration trop élevés sur un ou plusieurs des paramètres visés par les arrêtés, parmi lesquels des métaux lourds comme le mercure, le zinc, le lithium, le cuivre ou encore l'arsenic.

Selon Le Monde, ces dépassements auraient notamment concerné le mercure et l'arsenic, avec au total 64 infractions constatées entre 2016 et 2021.

Sous la pression d'associations écologistes et à la suite d'un arrêté préfectoral de fin 2015, l'usine avait déjà dû cesser de déverser en mer ses rebuts solides de bauxite, la matière première de l'alumine, surnommés "boues rouges". En 50 ans, l'usine avait rejeté au moins 20 millions de tonnes chargées d'arsenic et de cadmium.

Depuis, Alteo ne rejetait donc plus qu'un effluent liquide. Les rejets solides étaient eux stockés en plein air à Bouc-Bel-Air, près de Gardanne. 

En 2020, l'entreprise se félicitait d'avoir atteint "ses objectifs de qualité d'eau (...) à l'échéance du 30 août 2020, conformément à l’arrêté préfectoral".

Créée en 1894, Alteo est la plus ancienne usine du monde d'alumine. Elle importe sa matière première principalement de Guinée pour fabriquer de l'alumine blanche, utilisée dans l'armement, l'industrie automobile ou la fabrication des téléphones portables.

Aux mains du groupe français Péchiney jusqu'en 2003, l'entreprise avait été rachetée par le géant minier anglo-australien Rio Tinto puis par le fonds d'investissement américain HIG en 2012. Elle avait ensuite été cédée, en 2021, au groupe de logistique United Mining Supply (UMS) implanté en Guinée, après son placement en redressement judiciaire en raison d'une baisse des commandes et d'une crise du marché mondial de l'aluminium.

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