Entretien avec Bernard Chevrier, directeur général d'Esterra
«Réinventer la collecte pour accélérer la transformation écologique du territoire»
Esterra a remporté début juillet le marché de collecte des déchets ménagers et assimilés du versant-nord de la MEL pour les sept prochaines années. La filiale de Veolia mise à la fois sur l'innovation et la formation de ses collaborateurs pour répondre aux enjeux du nouveau schéma directeur des déchets de la MEL. Bernard Chevrier, directeur général d’Esterra, nous dévoile les contours de ce marché et les futurs défis à relever.
La Gazette : Que représente ce nouveau contrat signé cet été avec la Métropole européenne de Lille ?
Bernard Chevrier : Trente-quatre communes de la MEL et
578 000 habitants sont concernés par ce marché (il
s'agit du périmètre de collecte de déchets le plus important de
France ndlr). Nous couvrons l'ensemble du versant nord-est
de la Métropole, à savoir notamment les grandes villes comme
Roubaix, Tourcoing et Villeneuve-d'Ascq. Ce contrat de 188 millions
d'euros pour une durée de sept ans sera opérationnel dès le 1er
novembre 2022.
La collaboration entre Esterra et la MEL ne date pas d'aujourd'hui. Qu'est-ce qui va changer concrètement dans le cadre du renouvellement de contrat ?
Effectivement, l'aventure
avec la MEL est très ancienne. Esterra est une entreprise centenaire
(créée en 1904 sous le nom de TRU) qui accompagne
depuis plus de 100 ans les collectivités et les entreprises de la
MEL. Notre mission de collecte des ordures
ménagères va évoluer car nous suivons le nouveau schéma directeur
de la MEL. Cela entraîne des changements structurants. Ce marché
repose aujourd'hui sur une amélioration de la qualité des gisements, ce qui signifie que nous passons désormais à moins de déchets et
des déchets mieux triés, tout en préservant l'espace public.
L'objectif n'est pas d'aller plus vite mais de prendre le temps de
trier et d'en mesurer la qualité. Nous visons également l'extension
de l'accompagnement du geste de tri. Par exemple, à partir de 2025,
le verre sera collecté dans des points d'apport volontaires. Nous
avons un rôle d'accompagnement dans la réduction des déchets en
incitant à trier plus.
Observez-vous une baisse des déchets
collectés au fil des années ?
Nous perdons en effet
entre 3% et 4% de tonnes de déchets par an. C'est une baisse
significative et souhaitable. C'est même le but ultime. Moins on a
de déchets, mieux on se porte. Aujourd'hui, l'ensemble de la MEL est
concernée par le tri sélectif. Notre ambition est de toujours
améliorer, de réinventer la
collecte pour accélérer la transformation écologique du
territoire.
Qu'est-ce qui est mis en place pour
tendre vers une amélioration de la qualité des gisements ?
Dans
le cadre de l'amélioration continue de la collecte, et en complément
de l'intelligence humaine, Esterra souhaite s'appuyer beaucoup plus
sur l'intelligence artificielle (IA). Nous avons investi dans un
dispositif de lecture des déchets à partir de l'IA. Dix véhicules
de collecte seront équipés de l’intelligence artificielle
embarquée mise au point par la jeune start-up française Lixo, pour
détecter et dénombrer les erreurs de tri lors du vidage de chaque
poubelle. A l'aide de caméras intelligentes, Esterra est donc
capable d'analyser la qualité des déchets. Le rôle des données
est important dans l'amélioration de la qualité des gisements. Ces
équipements innovants sont tout récents. La technologie1 a été
testée dans les mois précédant l'appel d'offres de la MEL. Mais
l'intelligence artificielle ne suffit pas, cela passe également par
une implication forte des salariés. Nous avons construit tout un
programme de formation à destination de nos collaborateurs, qui ont
un rôle à la fois d'accompagnement, d'amélioration du geste de tri
des usagers, mais aussi un rôle de remontées d'informations.
Combien de collaborateurs compte Esterra à ce jour et avez-vous des perspectives de recrutement ?
Nous sommes un peu moins de 1 000
collaborateurs aujourd'hui. Esterra a mis en place des actions fortes
en termes d'insertion. Nous misons également beaucoup sur
l'alternance, et d'ailleurs, sur le marché de la MEL, nous recrutons
toujours entre 50 et 70 alternants.
Quels sont les principaux défis à relever par Esterra pour les années à venir ?
Repositionner
l'amélioration de la qualité des gisements au cœur de l'activité.
Notre rayon d'action ne se limite pas qu'à la MEL. Nous allons
jusque la Pévèle dont l'appel d'offres est d'ailleurs prévu fin
2022, pour les six-sept années à venir, mais aussi du côté du
Pas-de-Calais. Nous menons des projets avec la CALL (communauté
d'agglomération de Lens-Liévin), avec notamment l'ouverture de
ressourceries au cœur de déchetteries. L'idée est de faire du
réemploi à partir de ce qu'apportent les usagers. Nous sommes
confiants pour la suite. Esterra s'appuie sur des solutions
innovantes en matière de matériels propres, d'optimisation des
déchets et de données data sur la qualité des déchets. Nous
sommes toujours à la conquête de nouveaux marchés pour les années
à venir.
1. Cette technologie est l’une des nombreuses innovations qu’Esterra développera grâce au Laboratoire de la transformation écologique qui sera créé fin 2022 avec la MEL.
Vers une électrification de la flotte
Tout au long du marché, Esterra renouvellera 100% de sa flotte de bennes à ordures ménagères. L’entreprise supprimera progressivement les véhicules roulant au gasoil au profit de carburants plus vertueux comme le bio GNV et l'électricité. Au total, dix véhicules de collecte électriques Renault Trucks seront mis en service, dont huit dès 2023. A terme, Esterra vise l'objectif de 46% de gaz à effet de serre en moins. Cette action participera au plan Climat Air Énergie de la MEL pour 2030.