Recruteurs : rester compétitif sur le marché du travail
A l’heure de la reprise économique et des difficultés de recrutement pour les entreprises, News Tank RH a consacré un webinaire à la compétitivité des employeurs sur le marché du travail. Focus sur les attentes des candidats et des collaborateurs.
« On a basculé dans un marché candidats », annonce Éric Gras, spécialiste du marché de l’emploi pour Indeed France, plateforme d’emplois et moteur de recherche. Avant la crise déjà les sites de recrutement enregistraient une hausse du nombre d’offres d’emplois. « Aujourd’hui on constate encore une hausse de 16 ou 17% par rapport à février 2020, soit près de 40% d’évolution », mesure Eric Gras. Il existe toujours des métiers en tension, ceux qui étaient déjà pénuriques avant la crise, comme le digital ou l’ingénierie mais avec la crise, les métiers à faible qualification comme les services à la personne, l’hôtellerie-restauration ou la distribution rencontrent également des difficultés pour recruter. Les tensions sont plus ou moins fortes selon les secteurs d’activité et les bassins d’emplois.
Côté candidats, l’expert constate qu’avec la crise et les incertitudes qui y sont liées, ils sont « globalement moins nombreux à postuler, prennent plus de temps pour choisir et sont plus exigeants. » S’il y a quelques années les candidats allaient peu visiter les sites des entreprises, aujourd’hui le réseau Linkedin enregistre 55 millions de visites sur ses pages entreprises. Autre chiffre éloquent, 83% des candidats consultent les avis en ligne et se renseignent sur les entreprises. « Ils ne sont pas dupes et ne prennent pas pour argent comptant les discours des entreprises. Ils vont chercher à comparer si ce que dit l’entreprise est cohérent avec les propos tenus par ses collaborateurs », souligne Eric Gras. L’expert insiste sur l’impérieuse nécessité de parler de ce que l’entreprise fait pour ses salariés. « Elle doit travailler sa marque employeur de manière authentique et sincère, en actualisant régulièrement ses comptes sur les réseaux sociaux, son site web et ses pages entreprise, et en veillant à refléter à la fois sa culture, ses valeurs et ses engagements ».
Proposer un triptyque gagnant
Les trois éléments clés qui influent sur le choix des candidats sont la rémunération, la flexibilité et l’évolution de carrière. « Il ne faut pas tout miser sur un seul de ces critères, mais trouver le bon équilibre entre les trois », avance Éric Gras. La rémunération tient encore le haut du pavé avec 66% des candidats qui recherchent un emploi avec une rémunération plus élevée ou de meilleurs avantages, selon une étude du site d’économistes d’Indeed qui analyse les dernières tendances du marché de l’emploi, le Hiring Lab*. « Les candidats ont besoin de trouver une juste rémunération, qu’elle soit monétaire ou pas. Il ne s’agit pas forcément de rémunération sonnante et trébuchante, cela peut aussi passer par des avantages alloués comme la mutuelle, des tickets restaurant, des congés optionnels supplémentaires, des services de garde d’enfants ou une voiture de fonction », signale l’expert. Les candidats étant à la recherche d’honnêteté et de transparence, « il faut préciser la fourchette de salaire et les avantages dans l’offre d’emploi pour que les candidats puissent se projeter, poursuit-t-il. Si tel n’est pas le cas, le recruteur perd 80% de taux de clics ». Autres critères incontournables, la faculté d’avoir des horaires plus stables, plus réguliers ou plus flexibles avec une possibilité de télétravail –47% des candidats aspirent à un équilibre entre vie professionnelle et personnelle et 31% à une flexibilité dans leurs horaires.
Répondre aux besoins supérieurs des candidats
Les candidats souhaitent enfin avoir la possibilité d’évoluer dans leur carrière ou d’en changer. « L’entreprise doit également proposer des plans d’évolution de carrière et investir dans la formation », confirme Eric Gras. Si avant, les Français faisaient carrière dans une seule et même entreprise, en exerçant le même métier, les générations d’aujourd’hui peuvent exercer jusqu’à trois, quatre ou cinq métiers différents dans leur vie professionnelle, dans un grand nombre d’entreprises. « Si un candidat décide d’investir ses compétences dans une entreprise, il attendra en retour que celle-ci l’aide à apprendre, à se diversifier et à être polyvalent, car les métiers vont évoluer. »
Une fois que les besoins élémentaires sont satisfaits, les priorités des candidats se tournent vers la quête du bonheur et du bien-être, via de la stimulation, de l’appartenance, de la confiance, de la gratitude etc. « Plus l’entreprise recrute sur des métiers qui sont en pénurie, plus elle devra travailler sur les besoins supérieurs qui constituent le haut de la pyramide », affirme Eric Gras.
Recruter de nouveaux profils
Globalement, les actifs semblent attentifs aux opportunités, avec 70% d’entre eux qui seraient à l’écoute du marché de façon plus ou moins active dont un quart, notamment les plus jeunes, qui sont en recherche effective. Les candidats souhaitent pouvoir changer d’horizon et sont désireux de mobilité professionnelle. Ainsi, en août dernier, un tiers des personnes en recherche d’emploi déclaraient rechercher un poste dans n’importe quel domaine accessible ou dans un autre totalement différent.
De l’autre côté, reste à convaincre les recruteurs de sortir des sentiers battus pour rechercher des candidats d’horizons différents. Pour l’heure, « ils recrutent trop souvent toujours les mêmes profils pour les mêmes métiers. » Un chiffre encourageant qui prouve néanmoins que certains cassent les codes des barrières géographiques : en France, ils sont 56% à reconsidérer leur façon de faire avec un recrutement qui va dépendre davantage des compétences que de la localisation. Mais les plus difficiles à convaincre vont finalement être les managers qui ne suivent pas les transformations du marché de l’emploi et préfèrent manager des profils similaires. En termes d’investissement, si recruter le candidat idéal semble être la meilleure solution, celui-ci risque de coûter plus cher en termes de rémunération et il y a un risque plus grand derrière de turnover. « A contrario un candidat qui vient de plus loin, qui sera formé par l’entreprise sera plus engagé et plus fidèle, car il nourrira une forme de reconnaissance », assure Eric Gras.
*Enquête réalisée par Lucid pour Indeed, auprès de 4 000 adultes résidents en France
Charlotte DE SAINTIGNON