Recherche collaborateurs presque désespérément

Recrutement ! Ce terme est aujourd’hui accolé à celui de difficultés. D’après certaines enquêtes d’organisations patronales, plus de 90 % des dirigeants d’entreprises rencontrent des problématiques de recrutement. Parler de métiers sous tension apparaît ne plus avoir aucun sens tant tous les secteurs apparaissent concernés par ce nouveau mal entrepreneurial. Les temps ont changé et dans ces périodes d’incertitudes nouvelles, la recherche de compétences ou encore leur maintien au sein des structures s’affiche comme un nouveau défi à relever.

Recherche collaborateurs presque désespérément

L’Octroi à Nancy, le 12 janvier dernier. Dans ce tiers lieux culturel et créatif dans le quartier des Rives de Meurthe, Test1Job, un forum des métiers d’un nouveau genre se déroule. Terminé les face-à-face classiques avec CV à l’appui entre potentiels candidats et recruteurs en quête du mouton à cinq, voir dix pattes, place à des jeux, des découvertes ludiques de secteurs d’activité en manque d’attractivité. Une dizaine d’employeurs y participent à l’image de l’Adapa Nancy, Adecco, La Fédération ADMR de Meurthe-et-Moselle, Geodis ou encore Transdev. Depuis plusieurs mois, les forums, événements, rencontres professionnelles s’enchaînent avec pour les différentes entreprises participantes, un seul mot d’ordre à la bouche : difficulté de recrutement. «Nous tentons tout ce que nous pouvons pour pouvoir attirer vers nos métiers aussi bien les jeunes que les personnes en reconversion ou encore des profils affichant une expérience certaine et bon nombre de compétences», assure une responsable Ressources Humaines d’une entreprise industrielle. Même le service public s’y met. Au début du mois de février, la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) de Meurthe-et-Moselle lancera un tout nouveau dispositif de recrutement en partenariat avec l’association Tous Tes Possibles. «Ce dispositif vise à briser le schéma traditionnel de l’entretien recruteur-candidats. Il opte pour une immersion des candidats au sein de nos services», explique l’organisme de santé. Bâtiment, industrie, logistique, transport, restauration, mais également services tertiaires plus besoin de faire une liste à la Prévert pour établir aujourd’hui le fait que les métiers sous tension concernent quasiment l’ensemble des secteurs d’activité, et ce à tous niveaux de qualification. Un état de fait corroboré la semaine dernière avec la parution du rapport des Métiers en 2030 émanant de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) et France Stratégie.


Recherche d’un savoir-être

«Les métiers pour lesquels les recrutements pourraient être plus difficiles dans la région d’ici 2030 sont principalement ceux qui ont aujourd’hui les plus forts besoins de recrutement (agents d’entretien, aides à domicile, conducteurs de véhicule, ouvriers qualifiés de la manutention, ou encore les professions intermédiaires administratives de la fonction publique)», peut-on lire dans ce rapport. «La majorité de ces métiers (hors métiers de l’administration publique) en forts déséquilibres potentiels sont actuellement en forte ou très forte tension sur le marché du travail. Leurs difficultés de recrutement risquent donc de s’accentuer d’ici 2030 si rien n’est fait pour y répondre.» Reste à trouver les bonnes réponses ! «Aujourd’hui, ce que nous recherchons, ce ne sont pas directement des compétences mais plutôt un savoir-être de nos futurs collaborateurs. Les compétences, nous leur inculqueront via une formation interne poussée», assure Florent Duloisy, directeur de Mentor Institut, CFA (Centre de formation des apprentis) du groupe multisectoriel nancéien en cours de création. Dans la série «recherche collaborateurs désespérément», les témoignages locaux s’enchaînent et corroborent une situation constatée par plusieurs professionnels des ressources humaines. «La situation est de plus en plus tendue aussi bien au niveau de l’emploi des cadres que dans quasiment toutes les typologies de postes. C’était déjà le cas il y a six mois et cela risque d’être encore le cas dans les mois à venir.» Constat établi par Frédéric Lemoine, le président de l’ANDRH (Association national des directeurs de ressources humaines) Lorraine Centre. Les bouleversements enregistrés depuis maintenant deux ans avec cette fameuse quête de sens recherchée aujourd’hui pour les futurs collaborateurs mais également ceux déjà en place au sein des structures, ne doit plus être considérée comme une simple lubie du moment. «Bon nombre de chefs d’entreprise pensaient que cela ne durerait pas mais force est de constater qu’aujourd’hui, le logiciel dans bon nombre de structures est complètement obsolète. Les recruteurs semblent devoir, réellement, se remettre en question.» Crise sanitaire hier suivie d’une crise économique et aujourd’hui d’une crise énergétique additionnée à de multiples incertitudes face à un contexte national (réforme des retraites, inflation), européen (guerre en Ukraine) et international (avec la montée des extrêmes) entraînent indéniablement une nouvelle vision de l’existence pour bon nombre de personnes.


Une tension pas nouvelle

Bilan des courses : l’approche même de la notion de travail est complètement chamboulée. Conséquences directes de ces différents événements : un impact certain sur la manière même de recruter. «Pour pouvoir faire face à ces changements, il est nécessaire, en tant que recruteur, de rester en veille sur le marché de l’emploi mais aussi de mettre en place de nouvelles stratégies pour recruter plus facilement», assure un cabinet conseil en recrutement nancéien. Marque employeur, automatisation des process de recrutement ou encore inbound recruting. Cette dernière tendance apparaît se développer de plus en plus depuis la fin de l’année dernière. «L’inboud recrutement a pour définition d’attirer des candidats en créant du contenu utile et des expériences personnalisées. Cette technique a pour but de faire connaître l’entreprise et sa proposition de valeurs à travers du contenu adapté et ce dans l’optique d’attiré des candidats qualifiés», assure un professionnel des techniques de recrutement. Comme un peu partout sur le territoire, l’écosystème local apparaît quasiment désabusé face à ces difficultés de recrutement récurrente. Reste que la donne n’est pas nouvelle dans la région. Dans une enquête de décembre dernier, l’Insee Grand Est mettait en avant qu’en 2019 «plus de la moitié des postes dans la région correspondent à des métiers sous tension pour lesquels les employeurs éprouvent des difficultés à recruter. C’était il y a trois ans ! «Face à cette situation, les employeurs proposent plus souvent des contrats stables pour ces postes.» Conclusion intéressante tirée par l’Insee : «la tension n’entraîne globalement par des salaires plus élevés.» Et c’est peut-être là que le bât continue de blesser...

54 000 postes à pourvoir par an d’ici 2030

54 000 postes à pourvoir par an dans la région d’ici 2030 (760 000 au niveau national) ! C’est l’estimation annoncée dans le rapport des Métiers 2030 paru en début de semaine dernière et publié par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) et France Stratégie. Le Grand Est serait l’une des deux régions les moins dynamiques, avec une contraction de l’emploi de 1 % dans la décennie à venir. Les départs en fin de carrière y seraient proportionnellement plus nombreux (30 % de l’emploi de 2019 contre 28 % dans l’Hexagone). La part de jeunes débutant leur carrière pour occuper ces postes serait légèrement supérieure à la moyenne hexagonale (28 % contre 27 %). Les besoins de recrutement seraient accentués par les sorties nettes des travailleurs résidents (2 % de l’emploi de 2019).

source : Les Métiers 2030, Dares