Rail: très belle, mais très chère, la HS2 britannique sort de terre

Le viaduc de Colne Valley, en construction à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Londres, trace une courbe douce sur plusieurs lacs. Ouvrage d'art d'exception, il est l'un des plus avancés de la très ambitieuse (et...

Le chantier de construction du viaduc de Colne Valley pour le projet ferroviaire à grande vitesse HS2, le 23 novembre 2023 à Denham, au nord-ouest de Londres © Justin TALLIS
Le chantier de construction du viaduc de Colne Valley pour le projet ferroviaire à grande vitesse HS2, le 23 novembre 2023 à Denham, au nord-ouest de Londres © Justin TALLIS

Le viaduc de Colne Valley, en construction à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Londres, trace une courbe douce sur plusieurs lacs. Ouvrage d'art d'exception, il est l'un des plus avancés de la très ambitieuse (et très chère) ligne ferroviaire à grande vitesse HS2.

"L'architecte a voulu que le viaduc ressemble à un caillou qui ricoche sur l'eau. Ce qui nous a obligés à de gros défis techniques, notamment au niveau de la construction des piles" du pont sur les lacs, explique à l'AFP Daniel Altier, directeur du projet pour Bouygues Travaux Publics.

Au-dessus du viaduc en chantier, la gigantesque poutre de lancement rouge, sorte de grue horizontale, vient poser l'un après l'autre les tronçons en béton du pont, fabriqués un peu loin dans une usine construite spécialement. Sur 1.000 segments de tablier, plus de 600 sont en place.

"Il y a eu énormément d'efforts pour minimiser le bruit et pour que le viaduc soit complètement intégré sur l'eau", décrit M. Altier. "Forcément comparé à un viaduc beaucoup plus basique ça augmente le coût au kilomètre."

Le géant français du BTP est à la tête d'un consortium d'entreprises chargé de réaliser cet ouvrage de 3,4 kilomètres, qui sera le plus long pont ferroviaire du pays, mais aussi un tunnel de 16 kilomètres qui passera en dessous de la zone protégée des Chilterns.

C'est le tronçon "le plus avancé parmi l'ensemble des contrats du projet HS2", fait valoir le groupe français, qui met en avant un chantier dont l'ampleur "défie l'imagination".

D'une manière générale, la HS2, deuxième ligne à grande vitesse du pays après celle vers le tunnel sous la Manche, est un projet qui a vu très grand, dans un pays à la traîne sur ses voisins européen en la matière.

La ligne a été conçue pour faire rouler des trains plus vite et plus fréquemment qu'ailleurs (même si les ambitions initiales ont été revues à la baisse), tout en étant plus respectueuse des riverains et de l'environnement - ce qui se traduit notamment par davantage de coûteux tunnels.

Projet amputé

"Ici, nous ne bafouons pas l'environnement, le droit de l'urbanisme, les autorités et les populations locales", avait lancé en début d'année Jon Thompson, président de l'entreprise publique HS2.

Reste que ces ambitions ont un prix qui, ajouté aux conséquences du Covid et à l'inflation, ont fait enfler l'addition d'un projet très contesté.

C'est l'un des projets ferroviaires les plus chers au monde au kilomètre, selon l'association pour la croissance économique Britain Remade, qui a comparé des projets d'infrastructure dans 14 pays.

A tel point que Downing Street a récemment taillé à deux reprises dans le tracé pour réduire les coûts. Conçu pour rapprocher Londres et les grandes villes du nord de l'Angleterre, le projet s'arrêtera désormais à Birmingham - bien loin de Manchester et Leeds.

Mais même cette version sévèrement amputée coûtera 45 à 54 milliards de livres (de 52,2 à 62,6 milliards d'euros) selon la dernière estimation du gouvernement (qui ne prend pas en compte l'inflation depuis 2019), bien davantage que les 37,5 milliards de livres envisagés en 2013 pour l'intégralité du tracé.

A la sortie du tunnel en construction, le ballet des petits trains sur pneus va nourrir les deux tunneliers en voussoirs (les éléments courbes de revêtement du tunnel) de béton, 14 kilomètres plus loin.

L'ensemble construit par Bouygues, qui comprend le tunnel et le viaduc, a lui aussi vu son prix grimper, de 1,2 milliard de livres au départ à environ 2 milliards aujourd'hui.

Ce sera "très beau" et "à long terme la ligne n'en sera que meilleure", selon Ben Hopkinson, chercheur chez Britain Remade, interrogé par l'AFP.

Mais vouloir uniquement ce qui se fait de mieux alors que le pays n'a "pas vraiment d'expérience dans la construction de lignes à grande vitesse depuis des décennies (...) est un peu ambitieux", euphémise-t-il.

La fin des travaux pour le tronçon du viaduc de Colne Valley et du tunnel de Chiltern est prévue en novembre 2025. Mais les trains devront attendre pour s'élancer que toute la ligne soit achevée, soit entre 2029 et 2033, selon le dernier calendrier en date.

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